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- HISTORIQUE -

 

Journée du 19 novembre 1922

 

 

Extrait La Dépêche de Brest et de l’Ouest

 

LA MARINE A L’HONNEUR

Le « Triomphe » de Navale fut, en réalité, le triomphe de toute la Marine

 

 

La remise de décorations aux écoles

Le défilé historique

 

A l'heure prévue, car tout était méticuleusement prévu dans cette fête du triomphe de l'École navale, le train ministériel entrait en gare.

Sur le quai, se tenaient les autorités civiles et militaires. M Raiberti, ministre de la Marine, est reçu, ainsi que sa suite, sans cérémonial. M. Nardon, maire, qui est également venu saluer le représentant du gouvernement, lui adresse immédiatement trois demandes :

1° Le congé de cet après-midi du samedi pour le personnel de l'arsenal ;

2° Que ne soit pas réduite l'indemnité de cherté de vie accordée au même personnel ;

3° Lui faisant part du vœu émis la veille par le conseil municipal : la libération de Marty.

En ce qui concerne la première demande, le ministre se déclare tout disposé à accorder satisfaction, pour la seconde, il s'efforcera d'obtenir le maintien du statu quo, quant à la troisième, comme elle est du ressort du gouvernement, il ne peut rien dire.

Puis M. Raiberti gagne la préfecture maritime ou il attendra l'heure de la revue qui doit se dérouler sur le cours d'Ajot.

Cette revue semble déjà assurée d'un très vif succès. Dès les premières heures de la matinée, en effet, bon nombre de nos concitoyens se dirigent vers le cours dans l'espoir de s'assurer une bonne place. Plusieurs magasins ont, pour la circonstance, tenu à pavoiser.

Un service d'ordre spécial et parfaitement organisé par M Pietrera, commissaire central, assure le bon fonctionnement de la circulation qui s'intensifie de plus en plus, d'autant que les troupes de la garnison convergent à présent vers les emplacements qui leurs sont assignés. A gauche de la tribune officielle, viennent se ranger tour à tour, drapeaux en tête, les sociétés patriotiques : Mutilés de la guerre, Union nationale des anciens combattants, veuves de guerre et pupilles de la nation ; Ligue maritime française, Union mutualiste du Finistère, Association des familles nombreuses, etc. Les dames de la Croix-Rouge ont également tenu à se grouper pour assister à la cérémonie. A présent, toutes les rues avoisinant le cours d’Ajot, toutes les fenêtres des maisons voisines sont occupées par une foule particulièrement dense.

 

Les pavillons de la ligue maritime.

Du haut du cours, précédés de deux larges drapeaux, descendent les membres de la Ligue maritime française, accompagnés d'une délégation. Cette délégation, composée d'élèves du lycée de garçons de Brest, d'élèves du collège de Morlaix, du collège de Bon-Secours et d'élèves du lycée de jeunes filles, est conduite par les présidents des différentes sections scolaires :

M. Gaucher, M. Lelan, M. l'abbé Abgrall et Mlle Perrin. En tête de la délégation marchent M. Cloarec vice-président de la Ligue maritime et coloniale et le commandant Cussec, président de la section du Finistère. La délégation est reçue par M. le contre amiral Estienne, major général. Le pavillon de soie offert à l'école navale et le grand pavillon d'étamine offert à l'école des apprentis-marins par la L.M.C sont portés, le premier par un élève du lycée, le second par un élève du collège de N.D. de Bonsecours.

Deux jeunes filles du lycée les accompagnent et portent des palmes de bronze.

 

Discours de M Cloarec.

M. Cloarec, en présentant les deux pavillons, prononce un discours dont nous détachons les passages suivants :

« La Ligue maritime et coloniale française ressent vivement l'honneur qui lui est fait aujourd'hui, c'est avec une profonde émotion que je suis son interprète près de la jeunesse des écoles ou se forme la marine de demain. Association nationale pour tous les Français, notre Ligue unit dans un même amour les élèves à toutes ces écoles, aussi a-t-elle tenu à apporter à chacune d'elles un témoignage de sa sympathie. A Navale, à qui est ici unie la pépinière de nos commissaires, nous remettons un drapeau pour sa salle d'honneur. 

Aux mousses, nous Confions un Pavillon qui pourra  flotter en tête de mât de leur navire. En souvenir de leurs aînés qui dorment côte à côte leur dernier sommeil dans la boue des Flandres ou dans la Grande bleue, nous déposons devant eux des palmes égales symbolisant leur égalité dans le dévouement et dans la mort. Quant aux mécaniciens de Lorient, nous avons jugé préférable d'aller porter nous-mêmes à leur école notre hommage. La date de cette cérémonie sera fixée ultérieurement mais je tiens à assurer aujourd'hui nos jeunes amis que nous ne les avons pas oubliés, ce retard n'a pour but que de donner plus d'éclat à la remise que nous leur ferons et d'y associer la population lorientaise au milieu de laquelle ils vivent. Lorsque, sur les mers lointaines, dans les ports étrangers, vous vous tournerez tous vers l'arrière pour saluer notre pavillon s'élevant dans l'azur du ciel aux accents de la Marseillaise, votre pensée ira vers celles que vous avez laissées au village natal, vers tous vos frères, vers ces laboureurs qui font la terre si belle et si fertile, vers ces ouvriers qui soutiennent le renom du travail français, vers les Pêcheurs de nos côtes ou du large; vers les artistes, les savants qui vous ont délégués à leur garde afin que, dans la  paix féconde, ils puissent préparer  à vos enfants une vie plus belle et plus heureuse; vous comprendrez que c'est l'ensemble des efforts de tous qui donne la figure totale de la France, comme l'ensemble des trois couleurs est nécessaire pour former le pavillon. Alors, vous vous rappellerez vos anciens, qui ont fait comme vous, tous ceux qui sont morts pour que la France vive, ceux qui ont vécu pour qu'elle apparaisse à tous les peuples comme la nation la plus passionnée de justice qui soit au monde, la plus éprise de fraternité, et vous jurerez d'être vous aussi justes, bons, généreux, vous voudrez être sans peur et sans reproches afin de pouvoir, au retour, regarder bien en face vos concitoyens en serrant leurs mains fraternelles, afin de pouvoir dire à vos mères tu peux m'embrasser, maman, je suis digne de la France et digne de toi ».

 

Discours de M. le commandant Cussec.

L e commandant Cussec, en remettant deux palmes aux majors des deux écoles, prononce  l'allocution suivante :

« Mes jeunes camarades, dit-il, s'adressant aux élèves de l'école navale, la ligue maritime, qui a voulu prendre part aux joies de votre triomphe, a eu aussi la pensée d'honorer vos morts glorieux. C'est pourquoi elle envoie vers vous la fleur de sa jeunesse pour  vous remettre cette palme qui, destinée à votre salle d'honneur, symbolise à la fois les regrets que nous éprouvons pour eux et les espoirs que la ligue et le pays mettent en vous. Mes chers amis, dit aux mousses le commandant  Cussec, dans notre pays de Bretagne, on associe le souvenir des morts à toutes les fêtes, à toutes les joies de la vie. C'est dans cet esprit que la Ligue maritime vous apporte, avec cette palme, l'hommage de son pieux souvenir pour vos morts glorieux. Vous savez combien les destinées de votre école sont chères à la population brestoise qui vous entoure. C'est en parfaite union avec elle que la Ligue maritime vous dit : A eux notre admiration et nos regrets, en vous tous nos espoirs »

 

M. le contre-amiral Estienne, major général remercie les membres de la Ligue maritime du beau geste qu’ils viennent d'accomplir.

Cette cérémonie terminée chacun reprend sa place, lorsqu’un coup de clairon prolongé annonce l'arrivée du ministre. On se presse dans la foule, on se hausse pour mieux voir. Le long cordon des troupes semble ressentir au même moment les effets d'une semblable vibration, instinctivement, chacun rectifie la position. Au milieu de la promenade, toute une armée de photographes et d'opérateurs de cinéma débordent, plantant leur trépied, manœuvrant des appareils, l’œil au viseur, prêts à actionner le déclic.

Venu par la rue Traverse, le ministre ne tarde pas n'apparaître au milieu des dorures multiformes et étincelantes des amiraux, des généraux, des officiers d'ordonnance. Grand, mince, sanglé dans une longue redingote, canne à la main, M. Raiberti s'avance à grandes enjambées vers la tribune qui lui est réservée, tandis que des applaudissements saluent son passage. Autour de lui prennent place : MM. Louppe, sénateur, président du Conseil général, Desmars, préfet du Finistère, le vice-amiral Fatou préfet maritime, Le Bail, député , le vice-amiral Schwerer commandant le front de mer de l'Atlantique, le vice-amiral du Vignaux, le général Dessort, commandant la division coloniale , le mécanicien général Bouchard, 1e commissaire général Gigout, le contre-amiral Pugliesi-Conli, le commissaire général Rouchon-Mazerat, le contre-amiral Estienne, major général, le général Pernot, commandant les subdivisions, Vacqnier,,sous-préfet de Brest, le général Tanant, commandant l'école spéciale militaire, le contrôleur général Bouju, Corre, président du  tribunal de commerce: J. Le Fraper, président de la chambre de commerce, P. Tiercelet président de la fédération des industriels et commerçants de d'arrondissement, Nicolas, président de l'union des industriels et commerçants, Guillmard, procureur de la République, Tissier, directeur des constructions navales, Schmidt, directeur de l'artillerie navale, de Souza Guimaraës vice-consul du Portugal, Roger, consul de S. M. britannique, , de la  Ménardière consul des Pays-Bas, docteur Le Gorgeu, Mocaër, Février, conseillers généraux, Damany, directeur du service de santé, Malllat, directeur des travaux hydrauliques etc, tous des fonctionnaires. La municipalité n'avait pas cru devoir répondre à l'invitation qui lui avait été faite. Un seul conseiller municipal, M. P. Piriou avait pris place à la tribune. Entouré de sa suite brillante. ML le ministre de la Marine est reparti maintenant vers le haut du cours pour passer les troupes en revue. Lorsqu'il revient, au pied du mât de pavillon dressé devant l'entrée même de la tribune, se tiennent un premier maître et un maître.prêts à envoyer les couleurs.

 

Discours du ministre de la Marine

Le général Porte, sous le commandement de qui sont placées les troupes, commande  « gardes à vous ! ».

Et tandis que soldats et marins s'immobilisent, que la foule fait silence, M. Raiberti, d'une voix forte, articulant nettement, s'exprime en ces termes :

« Au nom du gouvernement de la République, j'apporte à l'École navale la croix de la Légion d'honneur. Depuis sa fondation, en 1830, l'École navale a formé 6000 officiers de marine au culte de la science, de l'honneur, de L'abnégation et du sacrifice. Héritière des Ecoles qui  l'ont précédée, elle incarne la gloire des états-majors de la Marine à travers trois siècles d'histoire. J'apporte aussi à l'École navale la croix de guerre. Je l'apporte en même temps aux Écoles du commissariat, des officiers mécaniciens, des apprentis marins et des apprentis mécaniciens. Le gouvernement de la république a voulu réunir dans le même hommage les officiers de la marine et les équipages de la flotte, comme ils s'étaient réunis par l'héroïsme pendant la guerre, à la surface et dans la profondeur des mers, sur terre et dans l'air. Les Écoles de la marine  sont un des plus  purs foyers de l'héroïsme national. Comme la marine elle-même, elles sont les dépositaires des plus belles et des plus rares qualités de l'âme française. En les honorant, le gouvernement ne fait que devancer  le jugement de l'Histoire. Bientôt, je l'espère, non loin de cette rade qui fut, pendant la guerre, le théâtre d'un merveilleux effort; à l'extrémité de cette terre de Bretagne, patrie des hommes de mer, fertile en héros, s'érigera le monument que la piété nationale a voulu dédier à ceux que la guerre et la mer nous ont pris. A ceux-là d'abord doit aller, en ce jour, notre pensée reconnaissante. Lorsqu'ils sont partis, vous n'aviez pas encore, jeunes gens, l'age d'homme. Ils ont péri pour que la France vive et que vous viviez. Vous vivrez dans l'honneur de la paix reconquise. Bénéficiaires de leur sacrifice, héritiers de leur gloire, vous avez charge de perpétuer leur mémoire, vous serez dignes d'eux, dignes de vos Écoles qui ont fait d'eux ce qu'ils furent, et ce que vous serrez : des vaillants. Vous serez dignes de la Marine française, de son passé et le son avenir ».

Des applaudissements nourris éclatent.

« Présentez vos armes ! »   commande le général Porte. 

« Ouvrez le ban ! »

Lorsque les clairons se sont tus, M. le capitaine de vaisseau Nielly donne lecture des citations de l'école navale dont il exerce le commandement. Le ministre de la marine accroche ensuite en tête du pavillon de l'école la croix de la légion d'honneur et la croix de guerre.

« Attention pour les couleurs ! ». Les officiers-mariniers s'apprêtent. Puis au commandement de « Envoyez ! »  ils déploient lentement le pavillon, puis l'élèvent vers le sommet du mât, tandis que les clairons sonnent 1e salut au drapeau.

La Marseillaise qu'exécute ensuite la musique de la flotte, est par tous respectueusement écoutée.

A présent, l'on va remettre aux diverses écoles la croix de guerre attribuée à chacune d'elles. Tour à tour, le ministre épinglera la décoration au centre d'un cadre qu'un élève lui présentera. Auparavant, chacun des commandants donnera lecture de la citation à l'ordre de l'armée qui honore aujourd'hui son école : M. le capitaine de vaisseau Nielly, pour l'école des élèves officiers de marine, le mécanicien inspecteur Bertrand, pour l'école des élèves officiers mécaniciens de la marine, le commissaire Douillard pour l'école du commissariat de la marine, le capitaine de vaisseau Hamon pour l'école des apprentis-marins, le mécanicien Inspecteur Baron, pour l'école des apprentis mécaniciens de Lorient. Simple, mais infiniment touchante, cette partie de la cérémonie se déroula au milieu de l'attention et de l'émotion générale. Les troupes se déplacent. Elles vont se masser place du Château pour défiler. Les clairons et les tambours du 19é se font entendre. La musique des équipages de la Flotte, qui vient ensuite, joue Sambre et Meuse.

Le général Porte précède les troupes suivi du capitaine de vaisseau Nielly. Les délégations des écoles polytechnique et Saint-Cyr sont très applaudies. Dans le public, on manifeste le regret de ne pas voir en leur compagnie une délégation de l'école de médecine navale.

Derrière les capotes bleues des Saint-Cyriens, les noirs uniformes de l'École navale présentent une symétrie qui dénote une éducation militaire complète. Les applaudissements crépitent. Voici maintenant en lignes profondes les fantassins du 19é. Leur allure souple est très remarquée. Les mitrailleuses, qui jouent aujourd’hui dans un régiment un rôle particulièrement important, ferment la marche.

Derrière la nouba de ses tirailleurs malgaches, le colonel Méchet conduit le 2é d'infanterie coloniale. Sous leur casque kaki, les marsouins ont la fière mine des vieux brisquards. Et au passage de leur drapeau affreusement mutilé, bien des cœurs battent plus fort.

Le capitaine de frégate Pochart conduit les marins : ceux de la Meuse, des compagnies de formation du Diderot, du Condorcet, et l'impeccable défilé de ceux qu'on appela «  les demoiselles au pompon rouge » , précisément au moment où ils jouaient un rôle si glorieux, à l'un  des moments les plus critiques de notre histoire, est souligné de bravos.

La musique de la flotte s’est tue, les sons aigrelets des fifres montent sous les grands arbres de la promenade, ils traduisent une marche bretonne universellement connue. Crânement, les mousses de l'Armorique et tes apprentis marins du Magellan„ suivis des apprentis mécaniciens, s'avancent, tandis que les applaudissements unanimes saluent leur passage. Un temps, un silence, puis ce sont les trompettes du 2° d'artillerie coloniale qui retentissent avec gravité. En ordre parfait, les cavaliers défilent suivis des caissons et des pièces. Les artilleurs, eux aussi, sont applaudis, et lorsque les gueules menaçantes de leurs derniers canons ont disparu, le général Porte s'avance vers la tribune, et, d'un geste large, salut du sabre. La revue est terminée.

 

 

Les félicitations du ministre

A l'issue de la revue, le ministre de la Marine a adressé la lettre suivante au préfet maritime 

"Mon cher amiral,

Au sortir de l'émouvante cérémonie de la remise des décorations aux écoles de la marine, je veux vous exprimer le sentiment de fierté que j'ai éprouvé devant la superbe tenue et l'allure des élèves officiers des soldats, des marins, des apprentis-marins et mécaniciens, qui ont défilé au milieu des acclamations patriotiques d'une population qui a tenu à affirmer une fois de plus son profond attachement à la marine. Je suis heureux de vous adresser mes plus vives félicitations et je vous prie de transmettre  l'expression de ma satisfaction au général commandant les troupes, ainsi qu'aux commandants des écoles de la marine. »

 

Avant le défilé

Dès 13 heures, la foule se presse aux Portes de t'arsenal et va occuper, sur les deux rives de la Penfeld, les divers emplacements réservés. Tous les bâtiments ont arboré le grand pavois. La plage du Condorcet est garnie d'un essaim de jeunes lycéens et lycéennes, membres de la Ligue maritime. Les mutilés de la guerre occupent les premières places, près du pont n° 3. Les équipages des écoles navales sont à bord du Paris qui, avec la Ville d'Ys, le grand sous-marin Helbronn et un hydravion, bordent la rive droite : ce sont les plus beaux types de notre marine de guerre du 20° siècle qui forment comme une garde d'honneur à la marine d'antan. Leurs équipages et leurs états-majors sont aux premières loges pour assister au défilé des marines royale et impériale qui, pourtant si savantes et si réputées, ignoraient les complications de la machinerie des torpilles et de la T. S. F. Des milliers de spectateurs sont massés sur le boulevard Thiers, le boulevard de la Marine, les bastions du Château et aux abords du pont National, qui s'ouvrira pour le passage des bâtiments. L'heure du défilé coïncide en effet, avec la haute mer et plusieurs frégates sont hautement gréées. Mais, c'est qu'aussi notre grand pont a bien prés de 60 ans d'existence, il n'aime pas les foules, il faut être prudent ! Un service d'ordre de la police municipale auquel collaborent quarante gendarmes des brigades voisines, est d'ailleurs parfaitement organisé par M. Piétrera, commissaire central.

 

L'arrivée du ministre

14h30. Le pavillon tricolore est hissé à la mâture du bâtiment de l'Horloge, le ministre et sa suite franchissent en automobiles la grille Tourville et s'arrêtent devant la majorité générale. La musique des équipages de la flotte joue la Marseillaise M. Raiberti fait le tour de la salle de bal  dont il admire la très jolie décoration, puis va prendre place devant la majorité générale pour assister au défilé.


 

Les artisans du triomphe

Du quai des subsistances, le défilé commence, lent et majestueux sous la direction de M. le lieutenant de vaisseau Faion, dans le cadre, à la fois harmonieux et sévère de la Penfeld. Comme en une leçon de choses, les " fistots » vont voir revivre sous leurs yeux la marine de leurs anciens - de leurs Grands Anciens - et les Brestois tout comme leurs ancêtres, vont assister à l'entrée dans le port des

 vaisseaux et frégates d'autrefois parfaitement reconstitués. Bien entendu, ce n'est que du camouflage, les toiles peintes recouvrant 1a coque de chasseurs et de baleinières, des gréements réduits, des vaisseaux en miniature, mais tout est exact dans la forme, les gréements et les proportions. Et tout a été fait "avec les moyens du bord ", c'est à dire avec bien peu de choses et très peu d'argent : des cotisations individuelles et de petites subventions prélevées sur le fonds de distraction des équipages. C'est dire aussi que pour mener à bien une telle oeuvre, il fallut la haute direction de M. le vice-amiral Fatou, l'ingéniosité très éclairée de M. le capitaine de vaisseau Loyer, directeur des mouvements du port, le goût artistique de M. l'enseigne de vaisseau Duval, l'humoristique auteur des nouvelles " Cartes de Brest et de Cherbourg ". Des artistes aussi - et non des moindres - ont  collaboré au Triomphe de l'École navale : le grand peintre de marine, Charles Fouqueray qui a dessiné le programme et dont l'une des premières oeuvres exposées au Salon orne la salle de bal ; Gérard Cochet, le maître de la gravure sur bois, l'illustrateur du "Candide", de " Marie Chappedelaine ", de "l’Homme qui assassina ", qui est venu donner aux vaisseaux un dernier coup de ripolin, ou plutôt de "fixe à l'eau ", car - sans réclame- ça coûte moins cher ; le peintre de marine Guy Arnoux qui dessina l'affiche "A la gloire des écoles de la Marine » ; M. l'officier principal des équipages Camus ; MM. les officiers des équipages Guèdes et Le Mée, le maître charpentier et le maître mécanicien de la direction des mouvements du port, tout le personnel de la D. P, rivalisèrent également de zèle et d'efforts  pour la réussite de ce "Triomphe".

Les costumes, reconstitués d'après les maquettes du peintre CH. Fouqueray et le l'enseigne de vaisseau Duval, ont été fournis par la maison Granier, les perruques par la maison Néant et les chaussures par la maison Galvin.

 

Le défilé historique

Le Conquérant

Voici d'abord le, vaisseau Le Conquérant (1681), dont les flancs, percés de sabords laissent passer les gueules des canons ; des feux de commandement aux lanternes dorées couronnent les angles et le milieu de la poupe. Il prit part, en 1689, à la bataille du cap Béveziers ou Tourville battit la flotte anglo-hollandaise, glorieuse journée pour les gardes-marine car ils "firent bien», suivant la brève et éloquente expression de Tourville lui-même. Le Conquérant a sa vergue de civadière sous le mât de beaupré ; il arbore le pavillon blanc aux fleurs de lys d'or ; la proue et le gaillard d'arrière, sont ornés de sculptures. A bord est M. Anne-hilarion de Cotentin de Tourville (lieutenant de vaisseau Adelus), dont Saint Simon disait qu'il était, « de l'aveu des Anglais et des Hollandais, le plus grand homme de mer de son siècle ».

Avec lui, le chef d'escadre Gabaret (aspirant Fournier), qui commandait l'arrière-garde à La Hougue ; de Beaulieu (aspirant Lesage), un autre commandant des frégates de l'Académie navale flottante; les lieutenants de l'Isle (aspirant Baudet), de Colombe (aspirant Lherminier) , le petit de Nessac (aspirant Delport), le professeur Coubart (élève-commissaire Le Briz) , l'intendant de Vauvre (élève-commissaire Borderies), l'illustre sculpteur et architecte naval Pierre Puget (élève-commissaire Prat).

 

La Dauphine

Une galère fine et élancée suit dans 1e sillage, c'est la Dauphine (1720), avec ses arbres de mestré et de trinquet, aux antennes chargées d'oriflammes fleurdelysés. Elle porte l'étendard rouge et blanc des galères de France; à l'arrière, le pavillon de combat et le grand pavillon royal. Le vice-amiral d'Estrées (lieutenant de vaisseau Zeller), premier commandant des gardes lors de leur formation en 1670, est, en grande tenue de maréchal de France, au gaillard d'arrière, entouré de ses gardes-marine, jeunes turbulents dont il était, dit-on, fort craint, car à la moindre querelle, il les expédiait sur Toulon à la Grosse Tour et à l'Esguillette. Les gardes (aspirants Philippe, Lasockj, Point, Dupont, Jansenn et Barrelon) portent l'habit bleu de roi doublé de serge écarlate, l'aiguillette d'or sur l'épaule droite, 1e chapeau à la mousquetaire et la cocarde blanche. A bord est Duguay-Trouin (lieutenant de vaisseau Pelliet), le fameux corsaire dont les états-majors étaient composés, en grande partie, de gardes-marine braves, entreprenants, toujours les premiers au feu et à l'abordage, et aussi l'un de ses plus glorieux capitaines qui devint chef d'escadre, M. des Herbiers, marquis de Létuandière (aspirant du Gardin).

 

Le Provençal

Le chebec Provençal (1775), aux formes élégantes avec ses trois-mats à pible, porte la marque de Suffren (lieutenant de vaisseau Giraud). Près de lui, deux anciens élèves de l'école de la Marine royale du Havre : le commandant du Couëdic (lieutenant de vaisseau Comentry) et son lieutenant, le tout jeune chevalier de Loslange (aspirant Machenaud) qui s'illustrèrent dans le fameux combat de la Surveillante contre le Québec, le 6 octobre 1779 l'intendant de Broglie (élève-commissaire J.Marty); le chevalier de Borda.

L'école de la marine du Havre qui fut fondée en 1773 et ne dura que deux ans, est représentée par les aspirants Gentil et de Saint-Affrique, ils portent l'habit de drap bleu, veste et culotte écarlate chapeau demi-castor. Les élèves-gardes (aspirants Guillamon et de Lesquen) ont l'habit bleu de roi et le chapeau à la mousquetaire. Les matelots sont revêtus de la veste en estamête, culotte longue, 1e gilet "à la matelote ", le chapeau rond ciré.

 

Les Droits de l'Homme

Puis s'avance, avec le pavillon aux trois couleurs à ses trois mâts et à la corne de brigantine, le casque à chenille de l'ancien Borda à la poupe, le vaisseau a deux batteries les Droits de l'homme qui s'illustra, le 13 janvier 1797, dans son combat contre l'Infatigable et l'Amazone, et se perdit, quelques jours plus tard, dans la baie d'Audierne, au milieu d’une affreuse tourmente. L'amiral Dupetit- Thouars (enseigne de vaisseau Le Floch) et l'amiral Villaret-Joyeuse (enseigne de vaisseau Lucas) portent l'écharpe tricolore et la cocarde nationale, les officiers de marine de la Révolution (aspirante Stanf, Querrat et Jéhenne) ont l'habit de bleu national, boutons timbrés d'une ancre surmontée du bonnet de la Liberté, le chapeau à trois cornes, sans galons. Les aspirants Constantin et Delatre représentent les élèves des collèges maritimes de Vannes et Alais, qui fonctionnèrent de 1787 à 1791.

 

Le Canot de l'Empereur

Et voila le plus beau bâtiment de ce pittoresque et glorieux cortège. Celui-là n'est pas camouflé. C'est l'authentique canot de l'empereur construit en 1811 et qui ne servit croyons-nous, que deux fois : pour Napoléon 1er, lors de sa visite des bouches de l'Escaut, et à Napoléon IIII et l'Impératrice, quand ils firent leur entrée dans le port de Brest, en août 1858. Dans le magnifique rouf, surmonté d'une vaste couronne impériale, soutenue par quatre amours, se tiennent l'amiral Bruix (enseigne de vaisseau Orange) et un officier aide de camp des marins de la Garde (enseigne de vaisseau Berriet). A l'avant, si harmonieusement décoré d'un Neptune et de deux tritons dorés, deux aspirants le la marine impériale ( aspirants de Lasborde et Hermann). A l’arrière, près du plat-bord, orné de guirlandes de lauriers et de myrthes  entrelacés, des élèves de l'école flottante créée par Napoléon en 1807 (aspirants de Breneuf et Terlier) , ils portent l'habit et la culotte de drap bleu, le chapeau noir " à la matelote" bordé d'une ganse d'or. Le Canot de L'Empereur vogue au vol des rames, sous l'impulsion vigoureuse de vingt-huit apprentis-marins du Magellan coiffés du chapeau de cuir bouilli et le sabre d'abordage en bandoulière. Jamais ils n'ont souqué sur d'aussi beaux avirons : à chacun de leurs mouvements, un poisson doré, peint sur la pelle, semble émerger des flots.

 

La Sylphide

Une élégante corvette de 1820, la Sylphide, porte l'une des plus grandes figures de la marine française, l'amiral Duperré (lieutenant de vaisseau Doby), qui était le vingt-deuxième enfant d'un receveur de tailles, quitta le collège à l'age de 12 ans, par suite des revers de fortune qu'éprouva sa famille, et devint amiral et pair de France. A ses cotés, le prince Joinville (enseigne de vaisseau Morlaas-Tacannes) et ses aides de camp (MM. de Roo et Greau),le célèbre navigateur Dumont d'Urville (enseigne de vaisseau Autret) ,les élèves (aspirants Monlierat, Galleret, Koenig et Douguet), du collège d'Angoulême établi en 1818, pour l'instruction théorique des élèves de marine, Ils portent l'habit et le pantalon de drap bleu, le chapeau « monté à la, française », les souliers bas avec boucles de cuivre doré.

 

Le Crimée

Une baleinière du cuirassé Paris a été transformée en petit remorqueur à roues, du type de ces premiers et fameux remorqueurs qui conduisirent nos bateaux de guerre à leur poste de combat devant Odessa, lors de la guerre de Crimée.

 

Le Volta

Voici enfin le croiseur en bois Volta, sur lequel l'amiral Courbet descendit la rivière Min, sous le feu des forts chinois, au moment de la déclaration de guerre avec la Chine, en 1884. L'amiral (enseigne de vaisseau Pacé) est sur la passerelle, comme au combat de Fou-Tchéou; près de lui, son chef de pavillon, le commandant Gigon, dans les hunes, les matelots coiffés du chapeau de paille.

 

L'Arraisonnement

Après avoir longé les rives de la Penfeld, les navires s'arrêtent au pont Tréhouart, où ils sont arraisonnés par M. l'enseigne de vaisseau Duval, le grand metteur en scène de cette cérémonie. C'est dans une tonne d'amarrage, figurant un minuscule Borda, « LA BAILLE » qu'ont connue les « anciens » et à laquelle  ne manquent même pas les deux anses que M. l'enseigne Duval hèle les bâtiments :

- Ho ! Du vaisseau ?

- le vaisseau Le Conquérant.

- Ho !  Du canot ?

- Le canot de l'Empereur

Les élèves de l'école polytechnique, de Saint-Cyr et des écoles navales sont alignés sur le pont Tréhouart et assistent au défilé des officiers et équipages qui, tour à tour, quittent leurs bâtiments. Amiraux et chefs d'escadre s'inclinent en passant devant le ministre, et l'amiral Villaret-joyeuse accompagne son salut de ces mots « Citoyen ministre, nous te saluons au nom de la République une et indivisible ».

 

Le Bal

Sous la direction de M. le capitaine de vaisseau Loyer, la salle des approvisionnements a été métamorphosée en une salle de bal du plus gracieux effel. L'artiste peintre Chérec, MM. Colliou, capitaine de la compagnie des pompiers de la marine, Josse et Petit, officiers des équipages de la flotte et leurs marins ont apporté tout leur zèle et leur goût à la décoration de la salle. Murs et plafonds sont tapissés des pavillons les plus variés, et leurs couleurs étincellent sous des flots de lumière électrique. Le tableau de Ch. Fouqueray exposé au salon de 1898 : « La mort de Dupetit-Thouars à bord du Tonnant, à Aboukir », orne l'entrée de la salle. Au fond, au-dessus de « Honneur et Patrie » splendidement illuminés, une croix de la Légion d'honneur et une croix de guerre et le grand buste en bois du chevalier de Borda, qui après avoir été si longtemps en rade de Brest, attaché à la proue du bâtiment de l'École navale, semble sourire de se voir présider une telle fête, dans un magasin de l'arsenal. Les colonnades du Hall, entourées de lauriers, supportent les bustes des plus grandes gloires maritimes de la France. Des fleurs et des plantes s'accrochent dans ce joli décor.

L'entrée du magasin général, donnant accès aux vestiaires, est splendidement ornée et une galerie toute drapée d'étoffes chatoyantes, conduit à la salle de bal. M. Raiberti prend place sur une petite estrade d'honneur où se trouvent rassemblés : MM. Louppe, sénateur, et. Le Bail, député du Finistère, Desmars, préfet, les amiraux et les généraux. A ses côtés nous remarquons : Mmes Desmars, Fatou et Vacquier. Et, aux accents d'airs anciens, voici le pittoresque et nouveau défilé des amiraux, chefs d'escadre, capitaines, gardes-marine et élèves des anciennes écoles qui sont individuellement présentés au ministre par M. l'enseigne de vaisseau Duval. L'histoire, l'héroïsme de chacun est hautement proclamé, M. Raiberti accueille, avec beaucoup de grâce, toutes les belles révérences que lui font certains de ses prédécesseurs au fauteuil de Colbert et c'est en termes chaleureux qu'il félicite MM. le capitaine de vaisseau Loyer et l'enseigne de vaisseau Duval, organisateurs de cette parade historique qui a ressuscité les souvenirs d'autrefois. Jusqu'à 19 heures, les musiciens des équipages de la flotte firent valser et fox-trotter d'élégantes danseuses avec les marins du grand siècle, les polytechniciens, les Saint-Cyriens et les fistots. Cette  journée comptera, dans les fastes de l'École navale.

Elle a grandement honoré le souvenir de tout un long passé de gloire de la marine française et exalté la gloire des « anciens ».

 

Une manifestation 

La belle ordonnance du « Triomphe » a malheureusement été troublée par une manifestation des plus inopportunes.

Des ouvriers de l'arsenal, massés sur la rive droite de la Penfeld, ont cru devoir accueillir l'arrivée de M. Raiberti par ce que les rédacteurs parlementaires nomment des « cris divers ». En outre, tant que dura le défilé historique, ils firent alterner les  « Hou ! Hou ! » et les sifflets avec le chant de l'internationale. Le vaisseau "Les Droits de l'Homme" même, avec son équipage de sans-culottes, ne trouva pas grâce devant eux. Il est profondément regrettable que les ouvriers de l'arsenal n'aient pas compris qu'en se comportant de la sorte, ils contribuaient à entretenir cette mauvaise réputation attachée au nom de Brest, et qui fait que lorsque l'on demande en haut lieu quoi que ce soit en faveur de notre malheureuse ville, on se heurte toujours à des refus polis. A tort ou à raison, on estime à Paris qu'il n'y a rien à faire à Brest à cause du mauvais esprit de la population ouvrière. Tant que cette conviction persistera dans les milieux officiels et dans le monde industriel, on  n'obtiendra rien pour Brest. Qui en souffre, sinon l'ouvrier !

Voilà, s'écriait l'autre soir en séance un conseiller municipal, voilà comment, nous, nous recevons les ministres ! C'est vraiment très habile.. C'est d'autant plus habile que la question des arsenaux est actuellement posée devant le Parlement, et que les adversaires de l'étatisme ne manqueront pas de tirer argument de la manifestation d'aujourd'hui ! Compliments à MM. les meneurs. Ils ont fait du beau travail...

 

La musique du défilé historique

Les organisateurs du Triomphe de l'École navale ont voulu ajouter à l'intérêt du spectacle en faisant entendre, pendant le défilé des bateaux, des airs du temps, des airs authentiques, que la bibliothèque du Musée de l'Armée a bien voulu mettre, pour cette manifestation maritime, à la disposition de M. Mayan, le distingué chef de la musique des équipages de la flotte. Sept numéros constituaient le programme de cette audition d'un caractère si particulier. C'est une heureuse pensée d'avoir ainsi tenté de rappeler, par l'apport d'une partie musicale très curieuse, les divers stades de la marine française au cours des trois siècles derniers. Tout d'abord, on a entendu la Marche de Henri IV, dont l'air est semblable à celui de la chanson bien connue : « Vive Henri IV, vive ce roi vaillant ! » qui n'est, en somme, qu'un air de danse du xvi siècle. D'après la notice imprimée au verso de la partie conductrice, cette Marche fut composée par du Gaurroy, successivement  maître de chapelle des rois Charles IX, Henri III et Henri IV. La Marche tactique, qui suit, évoque le commencement du dix-huitième siècle. C'était, disait la notice, la marche de la 11éme compagnie des mousquetaires du roi. Elle est dédiée à M. le comte de Montboissier, capitaine-lieutenant de la 11éme compagnie des mousquetaires du roi, lieutenant général des armées de Sa Majesté, gouverneur de Bellegarde en Roussillon. Elle fut composée par le chevalier de Lirou, mousquetaire à la même compagnie. Nous voici à l'avènement du règne de Louis XVI, au commencement de la guerre de l'indépendance américaine, à laquelle la France prit une si glorieuse part. C'est une chanson populaire de France, Compère Guilleri, dont, on ne connaît pas l'auteur, que la musique des équipages exécute avec un brio remarquable. L'air est original et piquant.. Nicolo a su l'utiliser dans son opéra comique Cendrillon. Il paraît que les Guilleri étaient d'une noble maison de Bretagne qui servirent, pendant la Ligue, sous les ordres du duc de Mercoeur et qui finirent par devenir d'insignes brigands. Est-ce à leur sujet que fut composée cette chanson ?

 La République, proclamée en 1792, nous est rappelée par le "Chant des Girondins". A dire vrai, la musique de ce chant célèbre, au moins dans sa forme actuelle, est postérieure à cette date. Elle fut composée en 1848 par Varney, le chef d'orchestre du théâtre historique à l'occasion des représentations du Chevalier de Maison-Rouge, d'Alexandre Dumas père, un drame dans lequel était encadré l'épisode de la mort des Girondins. Mais déjà, en 1792, Rouget de L’Isle, outre la Marseillaise, avait composé à Strasbourg les paroles et la musique d'un autre chant patriotique et guerrier, intitulé Roland de Roncevaux qui, trois ans plus tard, allait devenir la chanson de route et de victoire des soldats de Hoche à Quiberon. Ce chant contenait après chaque strophe un refrain de deux vers ainsi conçus : «  Mourons pour la patrie C'est le Sort le plus beau, le plus digne d'envie ! »

Et en 1794, il écrivit encore un autre chant, Le Vengeur, dans lequel il avait placé le même refrain, et qui rappelait la mort héroïque et volontaire des marins du vaisseau Le Vengeur. On voit qu'Alexandre Dumas avait emprunté à Rouget de Lisle les deux vers de son refrain pour les placer dans son Chant des Girondins, dont la mesure rythmique était d'ailleurs semblable à celle des strophes du Vengeur.  De son côté, Varney, sans reproduire absolument la phrase musicale qui caractérise celui-ci, s'en inspira très étroitement, en prit à la fois le rythme et l'allure, si bien que l'on peu très justement dire de ce chant qu'il est, en parti, du moins, comme un souvenir et un héritage de l'immortel auteur de la Marseillaise.

Napoléon ! L'Empire !  Cette grande figure et cette grande époque nous sont rappelées par la plus petite chose du monde, musicalement parlant, par l'air : « Veillons au salut de l'empereur, Veillons au maintien de nos lois, Si le despotisme conspire, conspirons la perte des rois ! », de médiocres couplets que Dalayrac avait composés pour son Renard d'Ast, vers 1792, et qui devinrent vite populaires.  Quelle idée eut l'empereur de choisir, parmi les chants patriotiques de la Révolution, cette fade composition pour illustrer les grands Événements de son règne ! Il est vrai que Napoléon III, à son tour, fera d'une romance sentimentale de la reine Hortense : Partant pour la Syrie, le chant officiel du second Empire. Décidément, les Napoléons n'avaient pas le sens de la musique héroïque. C'est l'hymne composé par Méhul, l'immortel auteur du Chant du Départ, pour un drame d'Alexandre Duval, la Chanson de Roland, représenté à la Comédie Française, qui va nous rappeler la Restauration. Quel plaisir d'en tendre la mâle musique de Méhul après l'insipide six-huit de Dalayrac !

Pour terminer le défilé, une Marche qui ne manque pas d'entrain et répond bien à son nom, "la Luronne" - d'ailleurs dédiée à la marine française - nous ramène à 1885, à la guerre de Chine, aux prouesses de l'amiral Courbet dans la  rivière Min et à Formose. Tous ces morceaux valent surtout par leur côté pittoresque. La musique des équipages les a rendus avec le talent, la précision, la maîtrise qu'elle apporte à toute exécution. M. Mayan et ses excellents musiciens méritent d'être grandement complimentés. Des éloges sont aussi dus à la chorale de l'Armorique qui, sous la direction du quartier-maître musicien Anfray, a chanté, pendant le défilé "le quart de vin" et la "Frégate", deux vieilles chansons de mer qui aidaient jadis à tourner le cabestan pour virer les ancres. La partie musicale du défilé historique n'aura pas été l'un des moindres attraits de la belle fête maritime à laquelle nous venons d'assister .

JACQUES SINCERE.

 

En marge

Et l’école de  BORDEAUX ?

On nous écrit :

Monsieur le rédacteur en chef,

Dans de compte rendu de la cérémonie de la remise de la croix de guerre aux écoles de la marine, il est probable que la "Dépêche de Brest" rappellera le texte des citations obtenues. Voulez-vous, à cette occasion, ne pas omettre l'école de santé navale et coloniale de Bordeaux qui parait complètement oubliée. Une délégation de Saint-Cyr, de Polytechnique, doit assister à la cérémonie, l'école des apprentis mécaniciens de Lorient se fait représenter. Pourquoi pas Bordeaux ?

 Il existe cependant encore a l'école de santé navale, et à celle-là seule parmi les écoles de la marine, des élèves qui ont fait la guerre, qui sont décorés, et, qui auraient été fiers d'avoir eux aussi leur « Triomphe ». L'école de Bordeaux a été citée en même temps que l'école navale et l'école du commissariat. Je ne connais plus les termes exacts la citation, mais je sais qu'elle a été payée de la mort héroïque ou de la souffrance de beaucoup de mes camarades et qu'elle témoigne d'un pourcentage de citations qu'envieraient beaucoup d'écoles militaires. Bordeaux méritait largement d'être associé à la fête de demain et il est regrettable que son directeur n'ait rien obtenu dans ce sens. Je compte sur votre journal pour réparer cette injustice et rappeler à la population brestoise, la part prise, pendant la guerre, parmi les élèves des écoles de la marine par les étudiants qu'elle connaît bien.

 Un ancien élève de l'école de Bordeaux.

 

Un don généreux du ministre aux pauvres de la ville

 A l'occasion de son séjour à Brest, M, le ministre de la Marine a remis à M. le maire de Brest la somme de cinq cents francs pour les pauvres de la ville. Cette somme a été versée au bureau de bienfaisance.

 

Autre article Presse / Le Monde Illustré - 1922

   

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