Après sa
démobilisation, Léon Gautier travaille en France dans
une entreprise de carrosserie puis au Cameroun et au
Biafra pour le Comptoir français d'Afrique occidentale
pendant sept ans.
Après avoir repris ses études, il
achève sa carrière professionnelle dans l'Oise dans
l'expertise automobile.
6 juin 1964
Extrait photo groupe
1970 / Benouville
Remerciements JP Hélias / Identification
Année ?
Remerciements photo / Virginie Duval
1972
Il vit
aujourd'hui à Ouistreham (Calvados), non loin de
l'endroit où il a débarqué le 6 juin 1944.
Il est membre
du conseil d'administration du musée du Numéro 4
Commando, président de l'Association des Commandos
français et participe à différentes interventions auprès
des élèves.
Date ?
Remerciements Joël Tanter / Extrait "La
Bataille de Normandie"
TDC : En
1940, dans la marine. Pourquoi cet engagement alors
que vous n’êtes âgé que de 17 ans ?
Léon Gautier.
Je me suis engagé en février 1940. J’étais jeune,
c’est vrai, mais il faut se rappeler le contexte de
l’époque. Nous étions nourris par une pensée patriotique
en souvenir de la guerre de 1914-1918. Toute notre
jeunesse, nous avons été élevés dans le souvenir des
morts de la Grande Guerre ; dans les familles, les
discussions tournaient souvent autour des « Boches ».
Nous apprenions La Marseillaise
dans les écoles dès l’âge de 6 ans. Aussi,
lorsque la guerre a éclaté, beaucoup de mes camarades se
sont-ils engagés. J’ai choisi la marine, la seule arme
qui pouvait m’accepter malgré mon âge.
TDC :
Donc, en juin 1940, vous allez en Angleterre…
L. G. À
bord du Courbet, nous
avions pour mission de défendre Cherbourg et de tirer
sur les convois allemands. Puis, le 20 juin, nous
rejoignons l’Angleterre. Là-bas, des officiers nous
demandent si nous voulons nous engager dans l’armée
britannique pour continuer la guerre. Nous n’étions pas
très emballés ! Quelque temps après, chez de jeunes
Anglais, nous apprenons par la radio l’existence d’une
troupe française commandée par le général de Gaulle.
C’était la première fois que j’entendais parler de lui.
Nous sommes donc partis avec deux camarades à Londres le
13 juillet 1940. Dès le lendemain, nous avions une
inspection par le général de Gaulle et l’amiral
Muselier. J’ai embarqué ensuite comme canonnier sur
Le Gallois, un navire de
commerce, et nous sommes partis dans l’Atlantique en
convoi pour le transport de minerai. Au retour, nous
avons été attaqués par des u-boat.
Des bateaux ont été coulés et des marins se sont noyés.
J’en ai fait des cauchemars longtemps après la guerre.
Après cette expédition, nous sommes rentrés en
Angleterre. J’ai été envoyé comme fusilier marin au
Liban jusqu’en 1943. Puis, je me suis porté volontaire
pour les commandos du commandant Kieffer.
TDC : Au
sein de ce commando, vous aviez reçu une formation
pour vous préparer au débarquement ?
L. G.
Nous avons été formés pendant plusieurs semaines dans un
camp spécial en Écosse, à Achnacarry. Discipline de fer
et entraînement très difficile. Les instructeurs
britanniques nous menaient la vie dure. On escaladait
des falaises, on s’entraînait au
close-combat, les exercices se faisaient à balles
réelles, on apprenait à
lire les cartes, on nous larguait quelque part et il
fallait se débrouiller pour retrouver sa route. On
devait faire les 7 miles (11 km 200) en moins d’une
heure, et pas en tenue de sport, avec un sac sur le dos
et l’armement ! Quand vous sortiez de là, vous étiez
devenu un combattant d’élite.
TDC :
Arrive le moment du débarquement. Comment se passent
les préparatifs ?
L. G.
On nous rassemble dans un camp secret et on nous informe
des plans du débarquement une semaine avant. Les plages
avaient des noms de code comme
Juno ou Sword. Mais
nous avons su rapidement où l’on allait car, parmi nous,
les Havrais avaient identifié la région de Ouistreham
sur les cartes. Les officiers britanniques nous ont
donné l’ordre de garder le secret. Le débarquement était
prévu le 5 juin, mais le temps était trop mauvais. Nous
nous sommes alors regroupés dans deux barges de
90 hommes autour de l’île de Wight, et, vers 22 h 30,
nous avons pris la mer. Beaucoup ont souffert du mal de
mer. Je me souviens que l’on nous a servi une soupe,
c’était, paraît-il, une soupe de tortue ; je n’ai pas
trouvé cela très bon…
TDC : Le
6 juin, vous aviez le sentiment de vivre une journée
historique ?
L. G.
En voyant les côtes de France, nous avons eu un petit
pincement au cœur. Il y avait de la joie et de
l’appréhension. Mais nous nous sentions très forts. Il
faut dire que nous faisions partie d’une armada qui
semblait invincible. Aucun d’entre nous n’aurait voulu
laisser sa place. On se doutait un peu que notre
débarquement allait compter pour la suite de la guerre,
mais ce qui importait, c’était ce que nous allions faire
sur le moment. Au matin, le débarquement se déroule avec
de la casse. Alors que nous étions encore au large, les
canons nous tirent dessus. On arrive à Colleville. En
face ils ne sont pas surpris, malgré la brume et les
fumigènes. Nous avions pour mission de prendre la route
de Lion et le casino, un blockhaus en fait. Le casino
tombe grâce au soutien d’un char trouvé par le
commandant Kieffer. La troupe 8, dont je faisais partie,
devait neutraliser les défenses de la côte. Même si nous
étions abrités par les dunes, nous avons subi des
pertes : le premier jour 10 tués et 36 blessés évacués
sur 177 hommes, ce qui fait 25 % des effectifs hors de
combat !
TDC :
Vous vous attendiez à plus de pertes ?
L. G.
Kieffer nous avait dit avant le départ dans cette
aventure : « Il n’y a peut-être pas dix d’entre vous qui
reviendront. Celui qui ne veut pas y aller peut très
bien ne pas débarquer, je ne lui en voudrai pas. » Nous
sommes tous restés, l’envie de rentrer chez nous était
plus forte que la peur.
TDC :
Comment se termine cette journée ?
L. G.
Les combats à Ouistreham s’achèvent vers 11 h 30. Alors
que nous retournons récupérer nos sacs laissés dans une
colonie de vacances, des avions nous mitraillent. Puis,
vers 17 heures, nous rejoignons le secteur de
Pegasus Bridge pour garder
la tête de pont sur l’Orne. Nous devons y faire face à
des contre-attaques violentes. Les combats continuent
ensuite dans l’Eure. Fin août, les Allemands passent la
Seine et nous sommes rapatriés sur l’Angleterre. Pour ma
part, la guerre se termine là car je me casse une
cheville, mais mes camarades se battent encore durement
en Hollande.
TDC : De
quelle manière se passe l’après-guerre pour vous ?
L. G.
Je suis rentré en France, gare du Nord. Nous étions sans
un sou avec ma femme. Il a fallu que je me débrouille
parce que le gouvernement de l’époque nous a laissé
tomber. On avait l’impression de ne pas exister. Des
marins qui étaient restés planqués pendant la guerre
nous jalousaient car nous avions le droit de porter la
croix de Lorraine ; ils avaient peur que nous prenions
leur place sans doute. Du coup, j’ai quitté l’armée pour
trouver du travail dans le civil.
TDC :
Alors que l’on se prépare à fêter le soixantième
anniversaire du Débarquement, vous avez l’impression
d’être enfin reconnu ?
L. G.
Nous avons toujours été bien accueillis par la
population normande. Au niveau de l’État, c’est
seulement depuis les années 1980 que l’on s’intéresse à
nous. Malgré cela, mes camarades ont réussi à s’en
sortir et à vivre honnêtement. Aujourd’hui, nous nous
réunissons souvent entre vétérans, nous sommes restés
très solidaires. Par ailleurs, je fais visiter le musée
du Numéro 4 Commando à des élèves pour perpétuer la
mémoire de ceux qui sont tombés pour libérer leur pays.
Léon Gautier, 85 ans, est un
des 21 survivants du
commando Kieffer qui a
libéré la plage d'Ouistreham
en juin 1944. Le 8 mai avec
le président Sarkozy, sa
mémoire ne faillira pas.
Bon pied bon œil Léon
Gautier. A 85 ans, sa
mémoire est vive et
agile. Comme l'ancien
fusilier marin qu'il
était, engagé dès 17 ans
en 1939 en Bretagne. À
Ouistreham qu'il a
libérée, l'actif
président de
l'association des
Anciens du commando
Kieffer ne ménage pas
son temps notamment
auprès des collégiens.
Comment le jeune
apprenti carrossier de
Rennes s'est engagé ?
« À l'époque on était
patriote. On sortait de
la première guerre
mondiale. En famille et
entre voisins on parlait
de quoi ? De la guerre,
bien sûr !»
L'apprenti canonnier
fait ses armes sur Le
Courbet navire qui
sera coulé à Colleville-Montgomery,
près d'Ouistreham, le
12 juin 1944.
Le
jeune marin débute son
combat contre
l'occupant en juin 1940.
« On tirait encore
les 18 et 19 juin contre
l'avancée allemande à
Carentan. On n'a jamais
entendu l'appel du 18juin ».
Entre se battre dans la
Marine anglaise ou
rentrer en France Léon
choisit de rentrer. Pas
longtemps. Chez des
Anglais, la radio évoque
«une armée
française qui n'admet
pas la défaite et veut
honorer l'alliance avec
les Britanniques. Je
n'ai pas réfléchi
longtemps et j'ai
rejoint les Forces
Françaises Libres à
Londres le 13 juillet. »
Revoir la terre de
France
Afrique, Moyen-Orient,
Liban, Syrie au
bataillon des fusiliers
marins : Léon enchaîne
les embarquements. En
1943, plutôt que de
rentrer en Afrique du
Nord il rejoint un
commando interallié en
Angleterre. « À
20 ans, on est très
motivé. Savoir que les
membres de commando
étaient torturés et
condamnés à mort
attisait notre haine. »
Les durs entraînements
de commandos d'Achnacarry
en Écosse forgent encore
plus le jeune Léon
Gautier. Huit jours
avant le Débarquement en
Normandie, leur
commandant Philippe
Kieffer leur parle
franchement : «Il
n'y en a pas dix d'entre
vous qui vont rentrer
intacts ! »
Il
est 7 h 20 le 6 juin
lorsque le
quartier-maître Léon
Gautier débarque sur la
plage de Colleville dans
la barge 523. «Notre
mission était de prendre
toutes les défenses par
l'intérieur de
Colleville jusqu'à
Ouistreham. » Son
sentiment au moment ?
« Ça tiraillait de
partout. Mais revoir la
terre de France... C'est
une émotion qu'on ne
peut pas d'écrire. C'est
au fond de nous.»
À 11 h 30, Ouistreham
est libérée. On compte
10 tués et 36 blessés
sur les 177 Français,
les seuls à avoir
débarqué au matin du
6 juin. Fin août, ils ne
seront plus que 24 à
sortir indemnes de la
campagne de Normandie.
Tous ces souvenirs et
bien d'autres ne
manqueront pas ce 8 mai
lors de la cérémonie de
commémoration avec le
président Sarkozy. Un
sixième commando de
forces spéciales marines
prendra le nom de
Philippe Kieffer. Une
fierté pour Léon ? La
réponse immédiate est
modeste : « Pourquoi
pas. On est en voie de
disparition »
Anecdote / L'égérie suédoise de la lutte pour la défense du climat Greta
Thunberg a reçu aujourd'hui en France le Prix Liberté 2019 à Caen, en
présence de vétérans du Débarquement de Normandie dont Léon Gautier
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