-
Officiers et anciens élèves -
Alexandre SERGUEIVITCH WASSILIEFF
(1918 - 2008)

Source web
Né le 5 août 1918 à
ODESSA (Russie) - Décédé le 6 avril 2008 à TOULON (Var)
Serge Wassilieff,
médecin en chef, petit-fils de Serge Nicolaiévitch (promotion
1910-1913 de l'école navale impériale russe, nous transmet la copie
du texte de l’éloge prononcé par l’Amiral Chatelle, le 17 février
2010 à l’Académie de Marine, en mémoire de son père l’Amiral
Alexandre Serguéivitch Wassilieff :
Le 5 Août 1918, naissait à Odessa (Russie), en pleine tourmente
révolutionnaire le futur amiral Wassilieff dont le souvenir nous
réunit aujourd’hui pour l’hommage que l’Académie de marine rend
traditionnellement à ceux qu’elle a accueillis dans ses rangs.
Sans avoir jamais servi directement sous ses ordres, sauf pendant
une courte période en Indochine sur « L’Aubépine » qu’il commandait
alors, j’ai eu le privilège de croiser son chemin à plusieurs
reprises, et dans des circonstances les plus diverses tout au long
de ma carrière. C’est pourquoi je me réjouis de l’occasion qui m’est
donnée aujourd’hui de prononcer ici cet éloge et d’avoir à rappeler
devant sa famille et tous mes confrères combien son destin fut
original et même assez extraordinaire.
Lorsqu’il naquit, son existence n’était certes pas toute tracée, et
nul n’aurait pu imaginer ni prédire le destin qui allait être le
sien. Son père, Serge Wassilieff, capitaine de corvette dans la
Marine Impériale russe, avait choisi en octobre 1919 de rejoindre
l’armée du Général Wrangel qui s’était regroupée en Crimée pour
lutter contre les forces bolcheviques, après avoir servi pendant
quelque temps, avec le grade d’enseigne de vaisseau, dans l’escadre
française de Méditerranée commandée par le vice-amiral Amet.
Sagement il avait décidé d’envoyer sa famille se réfugier à
Constantinople où se trouvaient déjà de nombreuses familles de
l’aristocratie et de la bourgeoisie russes chassées par la
révolution. Il devait bientôt la rejoindre, blessé et malade, début
1920 devant l’évolution de la situation sur le front de Crimée.
Quelques années plus tard il choisit, ainsi que beaucoup de familles
russes, condamnées à l’exil, très francophiles à l’époque, et
parfaitement francophones, d’émigrer vers la France. C’est ainsi
qu’en 1923 le jeune Alexandre débarque avec ses parents et sa Niania,
sa « nounou » qui devait tenir une grande place dans son existence,
à Marseille où l’un de ses aïeux avait été autrefois consul général,
avant de rejoindre Nice terre d’asile d’une partie de la diaspora
russe, où les accueille une aïeule qui y possédait une villa. Il
avait alors cinq ans.
Une vie difficile commence, marquée par les absences d’un père qu’il
admire profondément et qui, pour subsister, exerce diverses
activités, tour à tour marin de commerce, peintre aquarelliste de
talent, un talent qu’il exerçait à Vichy auprès des riches curistes
de l’époque et qui le fit remarquer par un maharadja indien qui
l’appellera auprès de lui pendant plusieurs années. Un père qui sans
aucun doute lui transmet un peu de son tempérament d’artiste et,
sans doute aussi, de sa fantaisie.
Très tôt en effet le jeune Alexandre, tandis qu’il poursuit ses
études au Lycée des Oratoriens de Nice, va manifester un véritable
engouement pour le théâtre, la musique et surtout l’Opéra. Et la
famille gardera le souvenir d’une fugue que le jeune adolescent fit
alors à Paris pour y rencontrer son idole, Sacha Guitry, autre
exilé, avec qui il se liera d’amitié ; comme plus tard il se liera
avec de nombreux artistes de l’époque, anciens condisciples de lycée
ou personnalités rencontrés à Nice ou lors des séjours estivaux de
sa famille à Vichy : Maurice Escande, Pierre Charron, Robert Manuel,
Jean Piat, Georges Thill pour n’en citer que quelques uns, avec
lesquels il entretiendra des relations suivies tout au long de sa
vie..
Lui-même fera partie d’une troupe de théâtre amateur, sera critique
littéraire. Doté d’une remarquable mémoire, il connaissait également
par cœur de nombreuses scènes de théâtre et, longtemps plus tard, on
le disait encore capable de réciter Cyrano de Bergerac du premier au
dernier vers.
Le 19 juin 1934 survient l’évènement qui allait donner un sens
nouveau à sa vie. Ses parents reçoivent leur acte de naturalisation
qui entraine de facto la sienne ; il peut désormais choisir
librement son avenir. Il a alors seize ans et c’est probablement à
ce moment là qu’il va s’orienter vers la carrière qui sera la
sienne, par goût personnel sans doute et par la fascination
qu’avaient pu exercer sur lui pendant son enfance, les récits de l’
époque héroïque qu’avait connue son père - guerre russo-japonaise,
patrouilles en mer Baltique et en mer Noire du début de la guerre
contre l’Allemagne - peut-être aussi pour offrir une sorte de
revanche à ce père admiré et aimé dont la Révolution avait
prématurément interrompu une carrière qui s’annonçait brillante..
Ayant terminé ses études secondaires il vient à Toulon afin de
préparer l’Ecole Navale. Il rejoindra Brest en septembre 1938, à un
moment où l’avenir est déjà bien sombre.
La guerre ayant éclaté l’année suivante, ses camarades de promotion
et lui-même voient leur seconde année d’études interrompue
prématurément ; en février 1940, l’Enseigne de Vaisseau de deuxième
classe Alexandre Wassilieff rejoint le croiseur « Algérie » avec
lequel il va connaitre la monotonie des convois, avant de participer
au bombardement de Gênes peu de temps après l’entrée en guerre de
l’Italie.
En août 1940 il est désigné pour le Contre torpilleur « Chevalier
Paul » qui sera torpillé par un avion anglais en Méditerranée
orientale, au large des côtes de Syrie, dans la nuit du 15 au 16
mars 1941. Évènement qui, venant après l’opération Catapult en
Angleterre, et surtout Mers-el-Kébir, ne manquera pas d’alimenter
son animosité envers l’ex-allié anglais, animosité que partageaient
alors nombre de marins français qui reprochaient à l’Angleterre de
s’être opposée, entre les deux guerres, au renforcement de la Marine
française face aux marines allemande et - suprême affront-
italienne.
Sa belle conduite durant cette action sera remarquée et lui vaudra
une citation, la première, à l’ordre du régiment avec attribution de
la croix de guerre, ainsi rédigée « Jeune officier, enthousiaste et
ardent, lors du torpillage de son bâtiment par un avion anglais,
le 16 juin 1941, a fait preuve d’un courage et
d’un allant dignes d’éloges, contribuant par son exemple au maintien
de l’ordre et de la discipline. »
Après quelques mois à terre au Liban, promu Enseigne de vaisseau de
1ère classe le 15 juin 1941, il embarque en octobre de la même année
sur le croiseur « FOCH » à bord duquel il restera jusqu’au
sabordage.
Placé alors en congé d’armistice il est affecté au Bataillon de
défense passive du Var.
C’est pendant cette période qu’en mars 1943 il épouse une
toulonnaise, Denise Maunier, votre mère ; de leur union naîtra un
garçon qui décèdera malheureusement l’année suivante. Quatre autres
enfants suivront : ils sont présents ici tous les quatre, entourés
de plusieurs de ses petits enfants.
Août 1944, survient le débarquement sur le littoral varois des
troupes françaises du Maréchal de Lattre de Tassigny appuyées par
des troupes américaines et une marine française recomposée. Ce sera
l’occasion pour le jeune enseigne qui ronge son frein de
s’illustrer. Il se porte au devant du 3ème escadron de spahis
algériens de reconnaissance, commandé par le colonel Bonjour, qui
venant de Cogolin marche sur Toulon ; le 20 août, se présentant
comme chef d’un groupe de résistance du Beausset, il offre
spontanément ses services et notamment sa parfaite connaissance des
environs de la ville ; le 21 il part avec une patrouille en avant
garde d’un détachement blindé de reconnaissance et à 10.00h entre
dans les faubourgs de la ville avec les premiers éléments ; le
commandement d’une patrouille mixte blindée motorisée de
reconnaissance lui est alors confié, avec laquelle il participe les
21, 22 et 23 aux combats de la Libération de Toulon ; le 23 dans la
soirée, il est grièvement blessé au cours d’un engagement , place de
le Liberté où « il arrivait en tête pour faire flotter le drapeau
Français sur la subdivision de Toulon »ainsi que le mentionne la
proposition de citation à l’ordre de l’Armée que rédigera le colonel
Bonjour.
Dans son rapport, celui-ci avait écrit précédemment : « Pendant ces
trois journées de combat, Wassilieff s’est dépensé sans compter
faisant l’admiration de tous par sa brillante conduite au feu, son
mépris du danger, son entrain et la flamme avec laquelle il servait
». Caractéristique de l’homme, évacué sur l’Oratoire, il dictera son
rapport dans l’ambulance à l’infirmière qui l’accompagne.
Pour cette action, il recevra sa deuxième citation, à l’ordre de
l’Armée cette fois, et sera nommé chevalier de la Légion d’honneur
le 18 novembre 1944, le décret de nomination soulignant en sa fin :
« La conduite de ce jeune officier a fait l’admiration de tous
pendant la Libération de la Ville » : il a 26 ans.
Rétabli, il est affecté en mars 1945 sur le contre torpilleur «
Triomphant » en partance pour l’Indochine comme officier fusilier ;
ce sera son premier séjour, et une nouvelle occasion de s’illustrer.
Inscrit au tableau d’avancement pour « faits de guerre », promu
Lieutenant de Vaisseau le 7 juillet 1945, il est nommé le 19
novembre chef d’un détachement mis en appui du 1/6éme R.I.C.lors des
opérations de reprise de Nha-Trang, sur la côte d’Annam. Le 3
décembre 1945 lors de l’attaque des positions Viet-minh de Chomoï,
il se porte volontaire pour prendre le commandement d’un véhicule
blindé utilisé en appui de l’Infanterie. Blessé il tiendra jusqu’à
l’enlèvement de la position et recevra pour cette action sa
troisième citation, la seconde avec palme, dans laquelle est à
nouveau mentionné. « Officier d’un courage en tous points
remarquable et d’une rare audace… » Il sera également nommé,
récompense peut-être encore plus précieuse « Première classe
d’honneur des Troupes Coloniales ».
De retour en France il est affecté au Centre de Formation maritime
de Mimizan puis, en août 1948, sur le croiseur « Gloire ». Il se
porte volontaire pour un deuxième séjour en Indochine et en mai 1950
est nommé au Commandement de la Marine au Cap Saint Jacques, à
l’embouchure de la rivière de Saigon. Ce sera notre première
véritable rencontre, alors qu’embarqué, sur la « Capucine »,
mouillée au large, je fus invité avec mon commandant qui était un de
ses amis, à dîner chez un officier enthousiaste et brillant causeur,
que je me souvenais avoir côtoyé sur les terrains de sport lorsque
j’étais à l’Ecole navale – il était grand amateur de football-. Un
officier dont j’avais beaucoup entendu parler depuis, car déjà il ne
laissait personne indifférent, et qui m’a paru dès lors fidèle à sa
réputation.
Cela étant, son activité ne se bornait pas à tenir table, fort bien
d’ailleurs, avec une épouse parfaite hôtesse qui avait réussi à le
suivre en Indochine, ce qui n’était pas évident à l’époque, et il
n’oubliait pas que la guerre, certes moins dure qu’au Tonkin, était
à sa porte. C‘est ainsi qu’il participait avec les éléments de
l’armée de terre chargée de la défense de la presqu’île à des «
coups de main » destinés à desserrer l’étau Viet-minh sur les
villages de la côte. Il y gagna une nouvelle citation, croix de
guerre des T.O.E.avec étoile d’argent.
En novembre 1951 il prend le commandement du dragueur « Aubépine »
qu’il conservera jusqu’en décembre 1952. Une année de patrouilles
dans le Golfe du Siam, le long des côtes de l’Annam, sur le Bassac,
pour contrôler la batellerie et le trafic d’armes en provenance de
la Thaïlande, mener des incursions dans les villages de la côte et
dans les bras du Mékong, assurer contre les mines télécommandées de
la rive, la protection des navires remontant la rivière de Saigon -
notamment celle du porte-avions « Arromanches » et du Pasteur,
paquebot transformé en transport de troupes – et, occasionnellement,
soutenir un poste français menacé ou harcelé : mission ingrate mais
essentielle, souvent dure, car pour ces petits bâtiments la mer
n’était pas toujours clémente. Non exempte de risque non plus : son
second, mon camarade de promotion Faucon trouvera la mort le 11
décembre 1951, lors d’un coup de main sur l’île de Culao-tron.
Mais des épisodes plus pittoresques aussi, tel ce Noël 1950 à l’île
Tagne. La Légion avait établi sur cette petite île de la côte
d’Annam, un pénitencier pour les légionnaires condamnés pour faits
graves et son commandant, un solide chef de bataillon d’Europe
centrale, avait invité les officiers des deux dragueurs présents sur
rade ce jour là, l’ « Aubépine » et la « Capucine », sur laquelle je
venais d’embarquer, à passer la soirée à terre, avec ses officiers.
Diner pittoresque, soirée animée, avec un joyeux convive ,
remarquablement cultivé, ne parlant plus qu’en alexandrins et
chantant des airs d’opéra à l’étonnement bientôt doublé d’admiration
de tous les participants !
Enfin, en fin de séjour, et déjà remplacé sur mon dragueur, je fus
affecté pour quelques semaines à l’Etat major de la F.A.I.S et placé
en « subsistance » sur l’ « Aubépine » ce qui me valut de partager
avec son commandant aux repas de midi, un « tête à tête » quotidien
rempli d’histoires de marine, racontées avec sa verve habituelle. Je
ne parlerai pas des silences, avec lui il n’y en avait jamais.
Plus sérieusement, les résultats obtenus lors des différentes
actions menées avec son bâtiment, notamment dans la région du Bassac,
valurent au Lieutenant de vaisseau Wassilieff sa cinquième citation,
ainsi que sa nomination au grade de chevalier de l’Ordre national du
Vietnam.
Pendant ce séjour un autre trait de son caractère me fut également
révélé : sa rapidité à s’enflammer et à s’indigner. Un de ses
camarades de promotion, également présent en Indochine, ayant commis
dans la Revue maritime de l’époque un article peu flatteur pour les
officiers de la flotte russe lors de la bataille de Tsou-Shima, il
le provoqua séance tenante en duel et il fallut l’intervention du
Commandant de la marine à Saigon pour séparer les combattants.
De retour en Métropole, promu capitaine de corvette le 1er octobre
1953, il est affecté à la BAN Hyères en qualité de chef du Service
intérieur : ce sera son premier contact avec l’Aéronautique navale.
En septembre 1955 il est affecté en Algérie, à l’Etat major de la
Marine à Bône puis, de retour en France, il est désigné en novembre
1956 pour le Bois-Belleau » en qualité d’Adjoint Sécurité. Il y fera
preuve de toutes ses qualités dans un domaine où la rigueur et le
sens de la discipline sont essentiels ce qui ne sera pas sans
influence sur la suite de sa carrière.
En attendant, il recevra son second commandement à la mer, en
septembre 1958, celui de l’Escorteur rapide « Le Normand » avec
lequel il effectuera un certain nombre de patrouilles de
surveillance maritime le long des côtes d’Afrique du Nord ( il se
distinguera au cours de l’une d’elle en participant de nuit à
l’heureux sauvetage d’un jeune officier de sous-marin « oublié » sur
la passerelle lors de la plongée de son bâtiment ! ).
Suivra un stage au Centre d’entraînement au cours duquel j’eus,
alors que je commandais « La Créole », l’occasion de l’accueillir
pour une journée à la mer : il voulait voir la lutte anti
sous-marine du côté non plus « du chasseur mais de celui du chassé
». J’avais à l’époque un ingénieur mécanicien qui répondait,
réellement lui, au nom de Popoff, surnom que certains lui donnaient
mais qu’il n’appréciait guère ; la rencontre fut pittoresque car
lorsque je lui présentais « mon » Popoff il crût d’abord à une
mauvaise plaisanterie et me regarda d’un air indigné !
Mais, dès le retour à Toulon, il nous invita tous deux à déjeuner à
son bord, n’oubliant pas de nous faire admirer la vitrine qui
renfermait le maillot qu’un joueur de football célèbre de l’époque -
j’ai oublié son nom - lui avait offert ; il en était très fier et
cela m’a rappelé sa passion pour ce sport qu’il avait pratiqué
assidument comme gardien de but, ce que j’avais pu constater à
plusieurs occasions. Jouant dans la même équipe, je lui avais même
marqué un but : il avait été long à me le pardonner.
En décembre 1959, il est nommé à l’Etat major du Préfet maritime de
la 3ème région, officier des sports et chef du QG.

Extrait Cols Bleus / 28
mai 1960
Il le restera
deux années, se faisant notamment apprécier pour son sens des
relations publiques et de la communication : il était connu de tous
les journalistes , spécialistes des questions maritimes, de France
et de Navarre ainsi que j’eus l’occasion de le constater lors de la
grande Revue navale organisée alors en présence du Général De
Gaulle.
Vient ensuite un embarquement sur le croiseur A.A. « Colbert » en
septembre 1961 en qualité de Commandant adjoint « Sécurité » au
cours duquel il sera promu capitaine de frégate le 1er janvier 1962.
Son commandant soulignera une « personnalité complexe » qui semble
l’avoir quelque peu dérouté.
Il est affecté ensuite sur le « Foch » en qualité, toujours,
d’Adjoint sécurité ; l’amiral porte -avions le note alors «
Remarquable sécuritar » en rappelant ses « qualités de guerrier et
de chef de guerre » qu’il avait appréciées autrefois. Ses relations
dans les milieux artistiques parisiens qu’il fréquentait
régulièrement lors de ses permissions, lui permirent d’organiser la
venue à bord du porte-avions de ses amis de la Comédie française,
dont Jean Piat, qui présentèrent le « Le mariage forcé » de Molière
et « Feu la mère de madame » de Feydeau.
On imagine aisément le succès et le prestige qu’il en acquit auprès
d’un équipage enthousiaste et d’un Commandant, impressionné. Plus
tard, ces mêmes relations lui permettront de faire venir quelques
grandes vedettes présider la Nuit « Bleu Marine » à Toulon, et même,
une année Brigitte Bardot alors au faîte de sa gloire et de son
éclat.
En septembre 1964, il prend le commandement de la 1ère division
d’escorteurs rapides et du « Bourguignon » ; l’amiral Patou, notre
regretté confrère, peu suspect de tendresse ni de faiblesse, alors
commandant l’Escadre de Méditerranée, écrira dans ses notes « Le
meilleur commandant de la FER cette année dans tous les domaines, et
l’un des meilleurs chefs de division que j’aie jamais vu à la mer en
temps de paix » ; l’année suivante il confirmera :« Commandant et
chef de division Hors de pair ».


Extrait Cols Bleus / 26
septembre 1964
En 1965, il est désigné comme Chef d’Etat major de l’amiral
commandant les Forces maritimes en Océan Indien à Diego-Suarez. Il
restera dans ces fonctions trois années, sera promu capitaine de
vaisseau le 1er janvier 1967 ; l’amiral Burin des Roziers (Al
Indien) le notera « Officier de grande valeur, personnalité
exceptionnelle, tempérament de chef ».
En 1968, il est nommé chef d’Etat major du Commandant du Centre
d’Entrainement de la Flotte, que commande l’amiral Guillou ; deux
personnalités fortes et totalement opposées. Ils ne s’entendront
pas, ses appréciations s’en ressentiront ; l’amiral, après l’avoir
comparé à un personnage de Tolstoï, conclura toutefois « Je le crois
apte à se faire tuer en toute connaissance de cause pour l’honneur
du pavillon », bel hommage rendu à l’homme. Notons que c’est le même
amiral qui, plus tard prononcera lors de ses obsèques un hommage
vibrant et chaleureux ; Toulonnais tous deux, la sagesse venant, ils
avaient appris à se mieux connaitre, s’entendre et s’apprécier.
L’année suivant nommé Commandeur de la Légion d’Honneur le 29 août
1969, il prend le commandement du CIRAM Toulon, fonction dans
laquelle son aisance, son enthousiasme, son sens des relations
publiques, son goût pour les contacts humain, une fois encore,
feront merveille.
Le 1er septembre 1972, le capitaine de Vaisseau Wassilieff est nommé
à la tête du Bataillon des Marins Pompiers de Marseille dont les
responsabilités s’étendent désormais aux installations de
Fos-sur-Mer, fonction auxquelles ces mêmes qualités ainsi que son
autorité naturelle et ses compétences techniques le prédisposaient
sans aucun doute. On le voit partout, il se dépense sans compter,
toujours en première ligne ; sous son commandement le Bataillon et
son commandant font plus que jamais partie intégrante du paysage
marseillais. Vivement apprécié tant des autorités militaires que
civiles , celles-ci ne tarissant pas d ’éloges sur son action, il
recevra ses étoiles de contre amiral le 1er mars 1974 avant d’être
admis quelques mois plus tard à faire valoir ses droits à retraite,
et placé dans la deuxième section des officiers généraux.
C’est à ce moment là seulement que, libéré de toute fonction
officielle, il reprendra enfin contact avec son pays d’origine, à
l’occasion d’un voyage de sa promotion en Union soviétique ; il s’y
était refusé jusque là. Il y était pourtant bien connu - l’avenir
nous le montrera - ayant été appelé à exercer à de nombreuses
reprise les fonctions d’officier de liaison lors de visites de
bâtiments soviétiques en France.
Une nouvelle carrière va maintenant s’ouvrir à lui. Très tôt, et non
sans talent, il avait manifesté, nous l’avons déjà souligné, un goût
très vif pour les arts et les lettres ; s’y était ajouté à travers
les évènements qu’il avait traversés un profond intérêt pour la
réflexion historique. Déjà, lorsqu’il était au CIRAM il avait
prononcé un grand nombre de conférences devant les publics les plus
divers, anciens marins bien sûr, mais aussi universitaires,
étudiants, lycéens, en France et même à l’étranger.
Il a maintenant le temps d’écrire, d’abord des romans à caractère
historique inspirés de ses propres expériences et par les évènements
qu’il a vécus ou dont il a été témoin ; il deviendra bientôt un
auteur à succès : « Le Pacha », roman largement autobiographique qui
parait en 1980, sera couronné par l’Académie Française et la Société
des Gens de Lettres.
En 1982, « La bataille des Malouines », recevra une médaille de
notre Académie et rencontrera un large succès public.
Viendront deux ouvrages qui paraitront en 1986 et porteront plus
particulièrement la marque de ses réflexions. Profondément marqué
par la guerre, par cette fracture qui s’était produite dans notre
marine et qui fut longue à se résorber, par la mauvaise image qui
avait été la sienne auprès du public, il va s’attacher à analyser
les évènements, à rechercher les responsabilités des acteurs tant
français qu’anglo-saxons de ces années douloureuses, et entreprendra
une sorte de croisade de réhabilitation, non exempte parfois d’excès
tant est grand son souci de convaincre.
Ce seront successivement :
Le tonnerre des armes, « sorte de saga des situations et des drames
vécus par les marins de 1939 à1945, à la mer, dans les airs et à
terre », écrira notre regretté confrère le Médecin général Adrien
Carré qui sera plus tard son parrain lors de sa réception dans notre
Compagnie, puis Un pavillon sans tache, sous-titré de l’armistice au
sabordage, la vérité, fruit de recherches minutieuses dans les
archives et de recueil de témoignages tant en France qu’à
l’étranger, ouvrage qui lui valut le Prix de l’Amicale des Anciens
élèves de l’Ecole navale.
En même temps, il participe à de nombreuses émissions radiophoniques
ou télévisées, publie de nombreux articles dans de nombreux journaux
et revues (Cols bleus, Historia, la Revue maritime, le Journal de la
Marine marchande …), il prononce de nombreuses conférences portant
sur les sujets les plus variés, techniques – liés à son expérience
d’ancien « sécuritar », politiques, historiques… sa verve est
inépuisable, sa parole aisée et il s’engage chaque fois totalement.
Cette activité de marin - historien, dévoué corps et âme à cette
Marine qu’il défend avec vigueur, la qualité reconnue de ses
ouvrages, le conduiront tout naturellement à postuler pour un
fauteuil de notre Académie et il sera élu membre correspondant dans
la section Histoire, lettres et arts, le 22 février 1989, parrainé
par le docteur Carré et l’amiral Leenhart.
La même année, le 21 avril, il est élevé à la dignité de Grand
Officier dans l‘Ordre National du Mérite.
Il continue de publier : Un sous-marin sans équipage en 1989 qui
recevra le prix de l’ACORAM La guerre des soldats inconnus, en 1991.
Continuant son œuvre de réhabilitation il publiera en 1993 un
article très documenté, De l’Armistice de juin 1940 au Sabordage de
la Flotte, ce que nous savons aujourd’hui, dans lequel il règle ses
comptes avec Churchill et Roosevelt qu’il déteste, article virulent,
qui sera le thème de nombreuses conférences mais aussi l’objet de
parfois vives controverses.
Résidant à Toulon, travaillant énormément, voyageant beaucoup, sa
vue le trahissant, on le voit très peu aux séances de notre Académie
et il ne se manifeste guère aux évènements marquants de l’année
académique. De plus dans une section Histoire, lettres et arts assez
largement ouverte, les candidatures sont nombreuses et diverses.
Aussi, lorsqu’il se présentera à un siège de membre titulaire, sa
candidature ne sera pas retenue au profit de celle d’un candidat
sensiblement plus jeune. Il en ressentira une profonde amertume,
amertume que l’on retrouve dans sa lettre de demande d’admission à
l’honorariat datée du 8 mai 2001, mais, suprême élégance, rédigée en
vers.
Quelques mois auparavant, la mort d’une épouse chérie, qui avait
partagé tous les moments de son existence, les bons et les moins
bons, l’avait profondément marqué. Ses dernières années seront
assombries par une vue de plus en plus déficiente, une ouïe non
moins fatiguée, ses contacts avec l’extérieur deviennent difficiles.
Il ne sort plus guère de sa « Datcha » entouré de tous ses souvenirs
et soutenu par une famille particulièrement unie autour de lui.
Heureusement ses facultés intellectuelles resteront intactes
jusqu’au dernier jour ainsi qu’en témoignent ses échanges avec le
père André Borelly, archiprêtre orthodoxe de Marseille.
Je me suis efforcé, non sans maladresse, de tracer un portrait aussi
vivant et vrai que possible, d’Alexandre Wassilieff, votre père, de
cerner sa personnalité ; sans doute le fait de l’avoir rencontré à
différents moments de sa carrière et dirai-je en « témoin neutre »
m’a-t-il permis d’appréhender sa personnalité mieux que d’autres.
Il est certain qu’il ne laissait personne indifférent, que son
caractère, son exubérance, son franc parler, voire dans certains cas
sa familiarité naturelle et immédiate déroutaient. Il aimait se
mettre en valeur, être apprécié, aimé - qui pourrait le lui
reprocher ?- Ceux qu’il déroutait évoquaient ses ascendances, son
atavisme slave, ceux-ci bien réels certes.
L’amiral Guillou avec lequel il entretenait désormais des relations
fréquentes et devenues amicales, et qui le connaissait sans doute
mieux que quiconque, le reconnaitra dans l’éloge qu’il prononcera
lors des obsèques « certains jours il donnait l’impression d’être
resté parfaitement russe, d’autres d’être devenu presque français ».
D’autres le jugeaient enthousiaste mais aussi désinvolte, impulsif
et parfois superficiel ; enthousiaste, impulsif, certes, il l’était,
et l’a montré en de nombreuses circonstances et notamment très
jeune, au combat, car il était d’un courage à toute épreuve,- sur ce
point les témoignages sont unanimes - désinvolte peut-être,
superficiel, certainement pas.
A ceux qui le jugeaient coléreux et parfois brutal, l’amiral Guillou
toujours lui, répond également « L’ascendant de Sacha, sur ses
subordonnés était une réalité ; il faisait preuve d’une extrême
bonté naturelle, même s’il lui arrivait, de façon délibérée ou non,
d’affecter une attitude ou une autorité de boyard qui explose au
risque de déconcerter, mais dont personne de raisonnable, n’était à
la longue dupe ».
J’y ajouterai ce témoignage émouvant d’un de ses anciens marins qui
ayant appris le décès de son ancien Pacha de l’Aubépine - il avait
alors 18 ans - en parcourant Internet, s’adresse à ses enfants qu’il
ne connait pas : « C’est peu dire que votre grand père a été un bon
Pacha…L’équipage tout entier lui vouait une grande admiration et, je
peux le dire, de l’affection… Pour lui nous nous serions jetés au
feu. Nous l’avons fait parfois… Bien sûr il avait, comme on dit, son
caractère : abrupt souvent, gueulard quelquefois. Mais quel Pacha !
De la classe et du panache. De la générosité. ». J’ajouterai, quel
bel hommage !
Alexandre Wassilieff était effectivement un homme complexe, et ce
que l’on peut dire assurément c’est que, malgré son année et demie
d’Ecole Navale, il n’entrait pas dans le moule un peu conventionnel
de l’officier de marine de sa génération.
Mais, ce que l’on ne pourra lui ôter ce fut sa passion pour la
Marine, une Marine qu’il veut « sans tâche » et qu’il défendra
jusqu’à son dernier souffle, dans ses derniers écrits et dans les
conférences enflammées qu’il prononçait devant les auditoires les
plus variés et toujours conquis.
C’est cet Homme qui nous a quittés le dimanche 6 avril 2008. Ses
funérailles furent célébrées avec faste dans l’église Saint Louis de
Toulon le 10 avril, selon le rite orthodoxe auquel il était resté
fidèle, célébrées par l’archiprêtre de Marseille, assisté du pope de
Nice, ainsi que de l’archiprêtre de la cathédrale de Toulon.
Le père Borelly qui l’avait accompagné dans ses dernières années
prononça une émouvante homélie, qui éclaire d’un jour particulier sa
personnalité, et fut suivie de l’éloge funèbre que lui rendit
l’amiral Guillou.
Enfin, attention sans doute rarissime, une équipe de la télévision
russe s’était déplacée pour retransmettre en direct la cérémonie.
Voilà le souvenir que tous nous conserverons de l’amiral Alexandre
Wassilieff, Sacha pour ses amis, un homme chaleureux et profondément
humain, qui fut et reste un grand serviteur de la Marine,
profondément attaché à ce pays qui l’avait accueilli tout en
conservant la nostalgie d’un pays qu’il avait perdu puis retrouvé.
Jacques Chatelle, Contre amiral (2S)
Membre de l’Académie de Marine
Source web
Autres informations /
Lien web
Extrait AEN 2008



Complément sur sa famille

Extrait Cols Bleus / 23 janvier 1960
Une PMM de Grasse porte
le nom "Contre-Amiral Wassilieff" / Remise du fanion le WE du 24-25
septembre 2017 durant la 55eme édition de la journée
franco-américaine de la Marine




Fanion remis par
le Médecin-Chef Serge Wassilieff, fils de l'Amiral Wassilieff

Complément






Extrait PDF /
Lien web - Remerciements Paul Wassilieff
Une page Facebook PMM porte son nom



Remerciements Serge
Wassilieff
Remerciements photos -
septembre 2017 / Paul Wassilieff et Olivier Troy
Remerciements Bernard
Dulou
Retour Officiers
et anciens élèves
|