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Ingénieurs du Génie maritime -
Jean TOUFFAIT
(1924 - 2018)
Né le 29 mars 1924 au HAVRE (Seine Maritime). Décédé le 22 juin 2018
à MEUDON (Hauts de Seine)
Fils d’un ajusteur aux chemins de fer.
Mars 1944 : il entre à l’Ecole Polytechnique.
Il fait un stage au sein de la Première Armée.
1947 : il opte pour le Génie Maritime, option machines.
Juin-août 1947 : il fait la croisière d’instruction à bord de la
Jeanne d’Arc.
1er octobre 1949 : il est affecté à la Direction des Constructions
et Armes navales à Cherbourg.
Il y reste jusqu’en septembre 1949.
1950-1953 : il est chargé de l’achèvement, de l’armement et des
essais de deux sous-marins du type Andromède, ainsi que des essais
de coques et de matériels de sous-marins.
A la même époque, il est chargé du cours de mécanique rationnelle à
l’Ecole préparatoire aux écoles techniques.
1953-1959 : il est chargé des études relatives à la construction,
l’armement et les essais de quatre sous-marins de la classe Aréthuse,
dont le premier, l’Argonaute est mis en chantier en 1953, lancé en
1957, mis en service actif en 1958.
Durant ces années il est également responsable de l’atelier des
bâtiments en fer.
15 septembre 1959-1971 : il est nommé à Paris, adjoint au chef de
service de la section des sous-marins du Service Technique des
Constructions et Armes Navales (STCAN).
1963-1975 : il est professeur chargé du cours de sous-marins à
l’Ecole Nationale Supérieure du Génie Maritime puis à l’Ecole
Supérieure des Technique Avancées.
Octobre 1971 : il est nommé chef du STCAN (Service Technique des
Constructions et Armes Navales).
Il est chargé des programmes relatifs aux sous-marins, tant pour la
France que pour l’exportation.
Modernisation de bâtiments, refonte des sous-marins de la classe
Narval, établissement des spécifications des SNLE et du sous-marin
expérimental Gymnote.
Il réalise des études, sur les questions de sécurité à bord des
sous-marins en plongée, relatives au projet de sous-marin nucléaire
d’attaque de la classe Agosta.
1er octobre 1971-Janvier 1972 : il est adjoint au maître d’œuvre
puis maître d’œuvre (1972-1975) du projet Coelacanthe.
Il dirige à ce titre, l’ensemble du programme de la Force Océanique
Stratégique, (sous-marins, missiles, têtes nucléaires), la
coordination de l’action de l’ensemble des services de l’Etat et des
industriels concernés.
Il préside au premier départ de la patrouille des sous-marins
Terrible et Foudroyant, à la mise en service du missile M2, au
développement du missile M20, à la mise en chantier des sous-marins
Tonnant et Inflexible, au lancement des études du missile M4.
1er février 1976 : il est promu Ingénieur général de première classe
de l’Armement.
6 mars 1976 : il est nommé Directeur technique des Constructions
navales.
Il est chargé, jusqu’en 1981, des programmes des bâtiments de
guerre, de ceux d’armes et de systèmes d’armes, de l’entretien de la
flotte.
Sa direction exerce également ses activités au profit de marines
étrangères.
1976-1983 : il représente la Défense dans les Comités
d’Administration de la SOFREXAN (Société Française d’Exportation des
Armements Navals), de la SOFMA (Société Française du Matériel
d’Armement), du CNEXO (Centre national pour l’Exploitation des
Océans).
1er décembre 1981-31 mars 1984 : promu Inspecteur puis Inspecteur
Général de l’Armement
Il intervient sur des questions d’organisation et de formation à
plusieurs titres. Vice-Président du Conseil de Perfectionnement de
l’Ecole Nationale Supérieure des Techniques Avancées et de l’Ecole
Nationale Supérieure de l’Aéronautique et de l’Espace, Président du
Conseil de Perfectionnement de l’Ecole Nationale Supérieure des
Ingénieurs des Etudes et Techniques d’Armement.
1er mars 1984 : il est placé en disponibilité spéciale.
1er octobre 1984 : il passe en deuxième section des officiers
généraux mais conserve des activités de conseil sur la construction
navale, notamment les sous-marins.
Membre titulaire de l’Académie de Marine, section sciences et
techniques maritimes. Membre honoraire le 14 octobre 2010, Président
1989-1990.
Commandeur de la Légion d’Honneur.
Grand Officier de l’Ordre National du Mérite.
Complément
Eloge de l’Ingénieur général de l’Armement Jean Touffait
Cet éloge, composé par notre confrère Alain Le Tallec, successeur de
J. Touffait dans la section Sciences et techniques, est prononcé en
présence de la famille de M. Touffait par Alain Bovis, remplaçant
Alain Le Tallec indisposé.
C’est une vive émotion pour moi d’avoir à évoquer la mémoire de Jean
Touffait et de le faire en présence de sa famille. Alex Fabarez a
écrit très récemment une biographie remarquable qui retrace la
carrière exemplaire de Jean Touffait. Plutôt que de le paraphraser,
j’ai fait le choix de parler de Jean Touffait d’une manière assez
personnelle, celle d’un ingénieur du Génie maritime, sous-marinier
pour être précis ; j’espère que vous n’en serez pas heurtés car nous
allons en effet beaucoup parler de sous-marins. Pour moi, Jean
Touffait a été au départ si lointain et puis progressivement de plus
en plus proche.
Si lointain en effet dans la décennie 1970 où j’ai fait mes premiers
pas car, dès 1976, il est au sommet de l’organigramme en étant
devenu très jeune Directeur des Constructions navales. Pour ma
génération, Jean Touffait, comme André Gempp, est une figure
emblématique de notre profession. Je fais sa connaissance en 1980 au
cours d’une réunion à Toulon où l’un des sujets traités est
l’accueil des sous-marins nucléaires d’attaque dont le premier, le
Rubis, va prochainement rallier Toulon. Le jeune ingénieur chargé
que je suis en sort rassuré : la Direction des Constructions navales
a un chef, toujours courtois, et à l’écoute certes, mais prompt à
recentrer le débat lorsqu’il juge qu’on s’égare quelque peu. Je
découvre aussi un homme chaleureux et passionné car, bien qu’un
nombre important d’échelons hiérarchiques nous sépare, il prend le
temps de me questionner sur les sous-marins Agosta et l’accueil du
Rubis. C’est un peu impressionnant pour moi de parler de ces
sous-marins devant celui qui avait largement présidé à leur
conception mais, dès qu’on parlait de techniques sous-marines avec
Jean Touffait, on sentait toute sa passion pour ce qui avait été son
métier pendant plus d’un quart de siècle.
Jean Touffait, de la promotion 1944 de l’Ecole Polytechnique, est
affecté à Cherbourg en 1949 à sa sortie de l’Ecole du Génie
maritime. Son séjour à Cherbourg va être long. J’y reviendrai plus
loin plus en détail à propos d’une conférence prononcée par Jean
Touffait en 1999 lors du centenaire de la construction des
sous-marins à Cherbourg. Evoquer l’affectation de Jean Touffait à
Cherbourg, c’est penser immédiatement aux sous-marins type Aréthuse
dont il a été l’ingénieur chargé. Le travail était partagé entre le
STCAN à Paris et l’arsenal de Cherbourg, mais Jean Touffait
disposait d’une large délégation de Paris pour mener à bonne fin ce
projet. Notre confrère l’Amiral d’Arbonneau, l’un des auteurs de
l’Encyclopédie des sous-marins français, a écrit récemment que ces
sous-marins ont apporté un monceau d’innovations par rapport aux
réalisations précédentes. On ne peut que souscrire à ce constat.
Réponse à un concept opérationnel original, ce sous-marin apporte
quantité de techniques nouvelles ; on peut citer notamment la
propulsion diesel-électrique (oserait-on dire aujourd’hui la
propulsion hybride !), les brèches encastrées pour faciliter la
maintenance et enfin toutes les techniques pour réduire la signature
acoustique. L’Argonaute, devenue musée à la Cité des sciences de La
Villette, est désormais le témoin d’une œuvre très largement due à
Jean Touffait.
Jean Touffait rejoint ensuite la section des sous-marins du STCAN de
1959 à 1971, d’abord comme adjoint d’André Gempp, puis comme chef de
section quand ce dernier devient maître d’œuvre principal
Coelacanthe. Doit-on rappeler que l’année 1959 est celle où est
prise la décision de construire un SNLE sans aide extérieure - ce
sera le Redoutable - et que 1971 voit s’achever les essais à la mer
de ce sous-marin avant sa première patrouille opérationnelle au tout
début de 1972. Jean Touffait est ainsi un acteur essentiel de ce
programme depuis son origine jusqu’à sa réussite. Toutefois, cette
longue affectation au STCAN ne se limite pas au seul Redoutable. Il
aura à établir le dossier de conception des sous-marins type Agosta
qui devaient succéder aux Narval vieillissants et doter la France
d’un produit moderne pour l’exportation ; il aura aussi à établir
les innombrables esquisses et avant-projets de sous-marins
nucléaires d’attaque, « l’impossible équation budgétaire » selon les
auteurs de l’Encyclopédie précitée et, bien que la patte finale ait
été mise par son successeur Paul Talboutier, on peut dire qu’il a
fait l’essentiel du travail pour aboutir à ce qui allait être le
Rubis et trouver ainsi une solution à l’impossible équation
budgétaire en définissant le plus petit sous-marin nucléaire du
monde et de loin le moins cher. Ce pari audacieux s’est finalement
révélé viable puisqu’on a réussi à construire ce sous-marin, à en
assurer la maintenance sans difficultés majeures, alors que les
mauvais prophètes ne manquaient pas. Doit-on rappeler que ces
sous-marins, que certains qualifiaient d’intérimaires, sont toujours
en service aujourd’hui ? Quoi qu’il en soit, l’intérim aura duré
presque quarante ans en attendant l’arrivée des Barracuda.
Après cette longue et brillante affectation au STCAN, Jean Touffait
rejoint la maîtrise d’œuvre principale Coelacanthe en 1971 comme
adjoint, puis comme maître d’œuvre principal de 1972 à 1976 en
succédant ainsi à André Gempp. La tâche est en effet loin d’être
achevée. Le premier missile M1 va être suivi du M2 et surtout du
M20, le premier équipé de têtes thermonucléaires et qui devait
équiper L’Indomptable quatrième de série. Jean Touffait et son
équipe de la maîtrise d’œuvre auront à coordonner tous les acteurs,
Direction des constructions navales, DTEN, Commissariat à l’énergie
atomique, Direction des applications militaires et Travaux
Maritimes, pour atteindre pleinement cet objectif. L’évolution
n’allait pas s’arrêter là puisqu’un missile beaucoup plus volumineux
et beaucoup plus lourd, le M4, devait succéder au M20 mais, comme le
dit Jean Touffait, la vision de ce que devait être la refonte M4
était encore assez floue en 1976 et n’allait se préciser que plus
tard. Ce sera la destinée quelque peu agitée du 6ème SNLE
l’Inflexible, initialement 6ème SNLE M20, puis sous-marin annulé et
enfin premier SNLE M4. C’est un plaisir de relire les écrits de Jean
Touffait sur la ténacité qu’il a déployée avec les maîtres d’œuvre
principaux qui lui ont succédé – acrobaties budgétaires, selon ses
termes -- pour faire renaître L’Inflexible et en faire le premier
SNLE M4.
Jean Touffait quitte son poste de maître d’œuvre en 1976 pour
devenir très jeune – il a 52 ans- directeur des constructions
navales. Il va rester à la tête de DCN cinq ans. Il met tout son
talent et sa détermination à préparer des solutions d’avenir. Deux
programmes majeurs vont se concrétiser dans les deux décennies qui
suivent, les nouveaux SNLE type Le Triomphant et le porte-avions
Charles de Gaulle. Il a vu très tôt qu’une mise en commun de la
chaufferie nucléaire –ce sera le projet K15 - entre ces deux projets
était de nature à en favoriser l’aboutissement. Il disait volontiers
que si la volonté politique n’avait jamais manqué pour les SNLE,
cela n’allait pas de soi pour le porte-avions et que c’était un
programme autrement plus difficile à mener à bien ; il a également
soutenu avec ardeur les efforts à l’exportation, lui qui s’était
beaucoup engagé pour réussir la coopération avec des pays amis,
l’Espagne notamment pour y construire des sous-marins type Daphné,
puis Agosta.
Il a terminé sa carrière comme chef de l’Inspection de l’Armement,
passant en deuxième section en 1984.
C’est au cours d’un carrefour des ingénieurs de l’armement, où Jean
Touffait était présent comme Inspecteur, que je vais découvrir, non
plus le chef, mais l’homme et l’ingénieur. Il va s’en suivre une
correspondance pendant plus de vingt ans. Outre la précision du
langage – Jean Touffait ne s’embarrassait pas de périphrases pour
dire ce qu’il pensait - il m’a impressionné par sa mémoire des faits
et un éclairage tout-à-fait nouveau pour moi sur le pourquoi de
certaines décisions ; pour lui, trois sous-marins avaient marqué le
demi-siècle, l’Aréthuse, le Redoutable et le Triomphant, ce à quoi
je lui répondais que le Triomphant était en filiation directe avec
les deux autres ; il devait bien sûr être un SNLE comme Le
Redoutable, mais le silence était une priorité absolue comme il
l’avait été pour les Aréthuse. Son avis a été aussi précieux pour
concevoir le Scorpène qui, sur bien des aspects, s’écartait beaucoup
des Agosta ; il n’y avait plus de hiérarchie, mais simplement un
dialogue plein d’entrain entre deux concepteurs de sous-marins
devenus très proches alors que plus de vingt ans les séparaient.
Je voudrais aussi souligner les talents de Jean Touffait narrateur à
propos d’une conférence qu’il a prononcée en 1999 à Cherbourg à
l’occasion du centenaire du sous-marin. Cette conférence s’intitule
« Reprise de la construction des sous-marins après 1945 ». Jean
Touffait y décrit toute la difficulté de la situation. Les arsenaux
sont en ruine, dont Cherbourg qui a beaucoup souffert, et
l’industrie est exsangue. Il existe encore quelques compétences,
mais si peu nombreuses ; de surcroît, la perte tragique de l’U2326
décapite le système avec la perte de l’ingénieur en chef Isabelle du
STCAN et du Commandant Mottez, chef du bureau sous-marins de
l’état-major. C’est donc une poignée de marins et d’ingénieurs qui
va être à l’origine de tout. Jean Touffait évoque les essais faits
sur des sous-marins inachevés en 1940 et terminés après la guerre
pour tester de nouveaux équipements ; il évoque aussi la conception
et la construction des Narval qui n’étaient pas exempts de défauts
au neuvage ; vient ensuite le temps des Aréthuse où la capacité
créative française va à nouveau s’exprimer. L’état-major s’en
inquiète et le commandant Guépin lui aurait dit « Je vous en
supplie, Touffait, copiez les Allemands ». Encore une fois, on ne
peut être qu’admiratif pour ce noyau d’ingénieurs qui, partant de la
situation désastreuse de la fin de la décennie 1940, sera capable de
convaincre dix ans plus tard les autorités qu’on va être capable de
construire des SNLE sans soutien extérieur.
Les activités de Jean Touffait sont loin de cesser avec son passage
en deuxième section. Soucieux pendant toute sa carrière de
l’enseignement des techniques de l’ingénieur - il a notamment
enseigné le sous-marin à l’Ecole nationale supérieure du Génie
maritime - il est président de la Société des amis de Sup’Aéro et de
l’Ensta et président du conseil d’administration de l’Ensieta de
Brest, aujourd’hui Ensta Bretagne. Il est élu en mars 1986 dans la
section science et technique de notre Académie dont il sera le
président en 1989 et 1990.
Jean Touffait est marié et père de trois enfants.
Il est Commandeur de la Légion d’honneur et de l’Ordre National du
Mérite.
Jean Touffait nous laisse le souvenir d’un très grand ingénieur –
excusez ma partialité, mais c’est un plaisir de relire toutes ses
contributions aux techniques du sous-marin - d’un directeur qui a
marqué les Constructions navales et, pour ceux qui l’ont connu, d’un
homme chaleureux et passionné par son métier.
SOURCES : Bio Touffait, Ph Henrat, CTHS La France Savante. A. Le
Tallec, Eloge Académie de Marine, 6 février 2019.
Remerciements Patrick Labail
Remerciements Bernard Dulou
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