-
Officiers et anciens élèves -
Marie Joseph PILLOT
(1846 - 1897)
Né le 30 avril 1846 à LE MANS (Sarthe) - Décédé le 30 mars 1897 à
SAÏGON
Père de
Marie Jules Émile Jean promo
1898
Entre dans la Marine en 1862 (port CHERBOURG)
Aspirant le 1er août
1864
Enseigne de vaisseau le
2 octobre 1867
Chevalier de la Légion
d'Honneur, le 2 juillet 1871
Lieutenant de vaisseau
le 18 février 1873
Au 1er janvier 1879,
sur le croiseur "FLORE", École d'application des Aspirants à BREST
(Cdt Pierre PIERRE).
Au 1er janvier 1885, 1886,
sur le croiseur "PRIMAUGUET", Division navale de l'Extrême-Orient
(François BUGE, Cdt); inscrit au tableau d'avancement.
Capitaine de frégate le
18 septembre 1886.
Capitaine de frégate
Chef d'Etat-major du
préfet maritime de ROCHEFORT
Officier de la Légion
d'honneur, le 29 décembre 1889
Le 5 juin 1891,
Commandant le croiseur-torpilleur "VAUTOUR", Escadre de Méditerranée
occidentale et du Levant.
Capitaine de vaisseau
le 25 février 1893.
Le 2 août 1893,
Directeur des Défenses sous-marines du 1er arrondissement maritime à
CHERBOURG.
Au 1er janvier 1896,
Commandant le cuirassé garde-côtes "REQUIN", en réserve 2ème
catégorie à CHERBOURG.
Le 18 août 1896,
Commandant le croiseur "ISLY", Division navale d'Extrême-Orient.
Extrait La Dépêche de
Brest / 31 mai 1897
Informations
complémentaires :
Officier de la Légion
d'honneur, capitaine de vaisseau, il était sur le point de devenir
amiral, quand il mourut à l'hôpital, le 30 mars 1897,
à Saigon où il commandait le croiseur Isly, Voici comment le Journal
de Colmar de l'ami Wetterlé, du 27 juin 1897, termine l'article
consacré à Joseph Pillot :
« Le commandant Pillot était un vaillant chrétien, comme un brave
marin. L'aumônier de l'hôpital de Saigon raconte, dans une lettre
datée du 19 mai, la mort courageuse et édifiante de l'officier.
« Pendant le séjour que
le commandant fit à l'hôpital, je lui disais un jour : « Commandant,
vous auriez dû entrer ici de suite, vous eussiez ainsi évité les
fatigues de ce voyage au Tonkin,
qui vous a mis dans l'état où nous vous voyons. »
Voici ce qu'il me
répondit en me regardant bien en face et avec un bon sourire sur les
lèvres :
« Est-ce à moi à vous apprendre à vous, missionnaire en Cochinchine,
ce que c'est que le devoir ? » Le commandant reçut plusieurs fois, à
sa demande, les secours de la religion. Pas un instant il ne cessa
de se montrer courageux et résigné
Citons encore de lui cette parole à la sœur qui lui parlait de ses
enfants : « Me plaindre , me laisser envahir par des appréhensions
pour l'avenir de mes enfants, ce serait manquer de confiance en
Dieu. Dieu mérite mieux que cela de nous ».
« Ces sentiments
honorent grandement celui que Dieu a rappelé à Lui avant l'heure ;
mais ils font également honneur aux maîtres qui ont su former cette
âme de chrétien et de soldat. A ceux d entre eux qui vivent encore
dans une retraite bien méritée, des éloges, comme ceux qu'a mérités
le commandant Pillot, doivent rassurer l'âme et donner un sentiment
de légitime orgueil. »
Parmi les lettres de consolation qui furent adressées à la famille
du commandant Pillot, il faut
citer quelques mots d'une lettre de M. Doumer, à ce moment
gouverneur général des possessions françaises en Indochine. Voici ce
qu'il écrivait de Saigon, le 30 novembre 1897, à notre camarade René
Pillot :
« Je connaissais monsieur votre frère par la grande réputation qu'il
avait acquise dans la marine nationale, et il m'a été donné de faire
avec lui sa dernière traversée. J ai pu apprécier, dans ces quelques
jours de vie commune, avec la valeur du marin , le courage et le
brave caractère de l'homme. C'était un de ces serviteurs de notre
France comme on voudrait lui en voir beaucoup. Mon patriotisme
m'aurait fait regretter amèrement sa perte, même si les liens de
sympathie qui nous avaient promptement unis n avaient ajouté à cela
une véritable douleur personnelle. »
Il faut enfin rapporter
ici ce que raconte de ce véritable héros que fut Joseph Pillot le
même M. Doumer, dans ses Souvenirs d'Indochine. C'est une page un
peu longue, mais elle est pleine de patriotiques leçons et mérite
d'être connue de tous les élèves du Collège libre.
« Le commandant Pillot était le prototype du vieil officier de
marine, bon et simple, énergique et courageux, en ayant donné des
preuves répétées. Sur cette côte de l'Annam ... il avait eu à agir
quelque trente années plus tôt, et l'avait fait dans des conditions
d'un héroïsme fou. On en conte l'histoire avec force détails dans le
pays ; elle se résume à ceci :
« Des chrétiens protégés français avaient été molestés, quelques-uns
d'entre eux massacrés, sur un point de la côte. On donna au
commandant Pillot, alors simple enseigne de vaisseau, l'ordre de
débarquer avec cinq ou six fusiliers du bord et d'aller porter une
réclamation des plus vives et une demande de réparation au mandarin
de la province.
« Voilà la petite
troupe à terre, qui s'enfonce dans l'intérieur, allant vers la
résidence mandarinale. Grand émoi dans la population; on court à la
ville prévenir de l'invasion, si bien qu'en arrivant, les Français
trouvent une foule hostile.
Le commandant demande à
parler au mandarin. Celui-ci est à son «Yamen», dans la citadelle,
une jolie petite citadelle à la Vauban; il n'y laisse pénétrer
personne et ne veut pas se déranger. La citadelle se dresse non loin
du lieu où les pourparlers sont engagés ; elle est fermée et ses
murs sont couronnés de soldats rouges. Le commandant doit porter sa
réclamation au mandarin ; il a ordre de voir le mandarin qui ne veut
pas venir... il ira le chercher. Et les six hommes se mettent en
marche vers la forteresse ! La population est prise de peur et
s'enfuit en poussant des cris. Une émotion se manifeste dans la
garnison de la citadelle. On voit les soldats aux casaques rouges
courir, brandir des armes ; la porte est barricadée.
A quelque cinquante
mètres des murs, un bruit formidable éclate ; toutes les vieilles
armes de la garnison ont fait feu à la fois. Les canons sans affût,
qui reposent sur la terre et ne peuvent faire de mal qu'à ceux qui
s'en servent, les gros fusils chinois de rempart que trois hommes
manient et qui lancent sans force des balles grosses comme des
boulets, de vieux fusils tenus par des soldats que leur bruit
effraie et que la force du recul renverse, tout a donné avec
ensemble et avec une précision égale. La charge des canons est
tombée au pied de la muraille ; les balles ont passé très loin au
dessus de la tête des marins.
Devant une pareille
démonstration, sinon devant son résultat, une prudente sagesse
conseillait de se retirer, de battre en retraite vers le rivage où
l'embarcation attendait. Mais alors, c'était un échec ; la mission
donnée n aurait donc pas été remplie et l'insulte qui venait d'être
faite, la tentative de massacre que la maladresse des soldats du
mandarin avait seule empêchée de réussir, resterait impunie ? Non
pas !
C'était la guerre. Eh
bien ! on ferait la guerre. En avant ! Les marins ripostent par deux
ou trois décharges de leurs fusils qui font moins de bruit, mais
plus de besogne que la pétarade de la citadelle; puis, baïonnette au
canon et au pas gymnastique, ils s'élancent sur la porte fermée. Les
coups de fusil isolés qui partaient du rempart ne pouvaient plus les
atteindre et ils frappaient à coups de crosse contre la massive
clôture, essayaient de préparer un pétard pour la dis- joindre, avec
la poudre des cartouches, sur les indications de leur jeune
officier. A l'intérieur la frayeur était grande, les remparts
étaient dégarnis; que se passait-il ? on devait préparer quelque
chose. Quoi ?
Le commandant Pillot se
tenait sur ses gardes et combinait des plans savants d attaque de
vive force, après qu'il aurait défilé ses hommes pour laisser passer
la trombe qui allait certainement venir. Tout à coup des cris se
firent entendre de l'intérieur, tout proches de la porte : — Toï !
toï !
« C'étaient les seuls
mots que les marins comprenaient; ils signifiaient : Arrêtez!
arrêtez! on demandait à parlementer. Par malheur l'interprète, un
Annamite de Saigon, avait disparu dans la bagarre. N'ayant rien à
faire quand les fusils parlaient, leur langage se comprenant sans
interprète, il avait laissé les marins seuls courir à l'assaut de la
citadelle. Mais il suivait les péripéties de l'action derrière un
tombeau monumental qui le protégeait. Il comprit qu'on en arrivait
aux discussions plus pacifiques et que son rôle reprenait; il
accourut.
Les voix se faisaient
toujours entendre à travers la porte. Il les amena à ne pas parler
toutes ensemble et réussit à comprendre ce qu'on voulait. Le
mandarin faisait dire qu'il n'avait aucun mauvais dessein contre les
Français, qu'il y avait eu erreur, malentendu, et qu'il était prêt à
recevoir le commandant et son escorte, s'ils étaient animés
d'intentions pacifiques.
M. Pillot fit répondre
qu'ils n'en avaient jamais eu d'autres, qu'on avait tiré sur eux de
la citadelle, qu'on les avait traités en ennemis et qu'ils étaient
prêts à tirer vengeance de l'agression : Mais que, si le mandarin en
venait à de meilleurs sentiments, s'il était disposé à faire amende
honorable, les Français généreux pardonneraient, oublieraient.
« On lui promit tout ce
qu'il voulut; il fit remettre les baïonnettes au fourreau et la
porte s'ouvrit. Le jeune enseigne, sabre au clair, l'interprète à
ses côtés, ses cinq hommes derrière lui, le fusil sur l'épaule,
pénétra dans la citadelle, salué bien bas par les secrétaires et les
chefs des soldats avec lesquels les pourparlers s'étaient engagés.
Il passa au milieu de deux ou trois cents hommes qui n'avaient de
militaire que leur casaque, mais auxquels il aurait suffi de se
rapprocher pour écraser la petite troupe française devant laquelle
ils avaient capitulé.
« Le mandarin fut
aimable, offrit du thé à l'officier, ne voulut rien savoir de ce qui
s'était passé aux portes de la citadelle «malgré lui», affirmant que
ses petits mandarinaux militaires étaient des barbares qui ne
comprenaient rien et étaient toujours, disposés à aller aux coups.
Bien que l'événement n'ait pas prouvé qu'ils aimassent à se battre
nî beaucoup ni longtemps; le commandant Pillot accepta l'explication
; il ne fut plus parlé que de la réclamation dont il était chargé,
on lui concéda aisément tout ce qu'il voulut, avec les garanties
qu'il exigea ; des papiers couverts de caractères, signés du
mandarin et des scribes; revêtus de nombreux cachets, lui furent
remis : ils donnaient aux protégés de la France satisfaction pour le
présent, avec des promesses solennelles pour l'avenir.
« L'expédition avait donc pleinement réussi. C'était une de ces
actions épiques, destinées à rester ignorées, comme les marins et
les soldats coloniaux en accomplissent par centaines. Il faudrait
pouvoir les tirer toutes de l'oubli et les raconter en détail,
autrement que je ne le fats ici en quelques lignes pour celle dont
le commandant Pillot fut le héros.
On y verrait que la
bravoure, la furia qui ont fait le renom de nos pères, qui ont
permis à notre race de vivre et de se développer sur cette terre de
Gaule, objet de tant d'envies et de convoitises, ne sont pas mortes
en nous.
Ajoutons quelques
lignes, extraites du même ouvrage, sur la mort du commandant Pillot
: elles
complètent bien ce qu'on a lu plus haut.
« La France, la marine
française sont les dieux terrestres du commandant Pillot : de tout
le reste il parle sans passion. Ses enfants, qu'il aime tendrement,
seront de braves gens comme lui, il en est sûr ; il sait aussi
qu'ils ont, dans sa famille, appui et affection. Il va les quitter,
non sans regrets, mais sans inquiétudes et sans pleurs. Car il est
frappé à mort par la maladie, et il voit venir la fin avec sérénité.
Il aimerait mourir, faute d'un boulet ennemi pour l'emporter, sur
son bateau, exerçant son commandement
Et ce qu'il ne dit que
dans les heures d'épanchement intime, c'est que la mort lui est
douce, car il entrevoit, par delà le détroit à franchir, — et il le
franchira sans hésitation, il en a tant franchis, de plus difficiles
, dans sa vie de marin ! — il aperçoit un cher visage qui
l'accueille et qui lui sourit. Sa femme qu'il aimait et qui
l'aimait, est morte. Depuis longtemps déjà elle l'attend; il va la
rejoindre. Il est chrétien; il a la foi; quand il quittera ce monde
ce sera l'heure bénie de la réunion. Elle était une sainte femme; il
est un honnête homme qui a toujours fait son devoir, qui a bien
servi son pays; le Ciel ne peut manquer de les rassembler^ Le
commandant a l'entière sécurité du croyant.
« Quels que soient -
les motifs qui donnent là pleine possession de soi, la parfaite
tranquillité de la conscience, ce n'est que dans les âmes haute, les
caractères fortement trempés, qu'on trouve ce courage dans la
souffrance, ce calme souriant devant la mort, dont j'ai eu pendant
quelques jours le spectacle sur le bâtiment "ISLY".
« La traversée qu'il me
fit faire sur son bateau fut la dernière du commandant Pillot. Il me
ramena du Tonkin en Annam et rentra à Saigon où on dut le débarquer.
Je revins moi-même à temps pour le voir à l'hôpital, où il achevait
de mourir.
On lui dit mon nom ; il
ouvrit les yeux, ce fut son bon sourire que je lui avais vu souvent
à bord et me dit avec un accent de reconnaissance et presque de
reproche : Oh! vous êtes venu !
«Je gardai un , moment
ses mains dans les miennes; ses yeux se fermèrent. Je le quittai
pour le laisser sommeiller. Le lendemain, il était haletant; ses
yeux s ouvraient par moments, mais, ne voyaient plus personne. Il
s'éteignit doucement, dans la nuit. Le lendemain, nous l'enterrions
dans le cimetière de Saigon, où tant de braves gens, tant de
serviteurs du pays dorment leur dernier sommeil, frappés sur ce
champ de bataille colonial meurtrier entre tous.
Le commandant Pillot
était à sa place au milieu d'eux : il y pouvait reposer en paix,
ayant accompli sa tâche en ce monde, ayant aimé la France de toutes
les forces de son être, l'ayant noblement servie jusqu'à son dernier
soupir.
Extrait "Indo-Chine
française" (souvenirs) / Doumer, Paul (1857-1932)
Éditeur : Vuibert et Nony (Paris) / Date d'édition : 1905
A lire /
Lien web
Dossier Légion
d'Honneur /
Lien web
Remerciements Stéphane
Giran
Remerciements à Gilles Jogerst / Généamar pour ses recherches
et la mise à disposition de ses données
http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviation-marine/marine-1914-1918/liste_sujet-1.htm
Retour Officiers
et anciens élèves célèbres
|