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Officiers et anciens élèves -
Jean Le COURTOIS du MANOIR
(1887 - 1974)
Né le 16 février 1887 à
CAEN (Calvados) - Décédé le 9 juin 1974 à BOULOGNE BILLANCOURT
Entre dans la Marine en 1905
Aspirant le 5 octobre 1908; port
CHERBOURG.
Au 1er janvier 1909, sur le croiseur cuirassé "BRUIX",
Division navale d'Extrême-Orient (Cdt Louis JOCHAUD du PLESSIX).
Enseigne de vaisseau le
5 octobre 1910.
Aux 1er janvier 1911,
1912, sur le croiseur "DU-CHAYLA", Division navale du MAROC (Cdts
Victor SENÈS puis Charles De MARLIAVE).
Officier breveté
Torpilleur.
Au 1er janvier 1914,
sur le cuirassé "JUSTICE", 2ème Escadre, 1ère Armée navale (Cdt
Charles ESTIENNE).
En octobre 1916, Second
sur croiseur auxiliaire "GALLIA", il est cité à l'ordre de l'Armée
navale : "Officier en second. A fait preuve, lors du torpillage du
GALLIA par un sous-marin ennemi, de belles qualités d'initiative et
de sang-froid. A assuré l'évacuation du personnel jusqu'à la
disparition du bâtiment.".
Extrait Ouest-France /
10 octobre 1916
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Rapport de
l'enseigne de vaisseau Le Courtois du Manoir, officier en second du
GALLIA
Le 3 octobre 1916, le
Gallia a embarqué à Toulon environ 2 050 passagers à destination de
Salonique. Il y avait 1 550 soldats français, 350 serbes et à peu
près 50 marins.
Il faisait complètement nuit quand nous sommes sortis des passes et
nous avons aussitôt pris l'allure de nuit à 75 tours, soit 15 nœuds,
en suivant les routes prescrites. Je me suis assuré alors que tous
les passagers avaient reçu une ceinture de sauvetage. Le lendemain
matin à 4 heures, j'ai pris le quart jusqu'à 8 heures. Au jour vers
5 h 45, j'ai mis les machines à 85 tours, soit 17 nœuds et j'ai
commencé à faire des embardées de 50° tous les 1/4 d'heure autour de
la route moyenne le 5.8 E., ce qui donnait une vitesse de 15 nœuds
sur le fond. Je n'ai rien vu pendant ce quart. A 8 heures, le
Commandant m'a dit : « Pour le passage de San Pietro, fous ferez
doubler les quarts, c'est un passage dangereux. » Je suis descendu
de la passerelle et j'ai été parler au Capitaine (Hyacinthe de
Couessin) qui était le plus ancien officier de l'armée présent à
bord et je lui ai indiqué les endroits où il devait faire réunir les
troupes en cas d'évacuation du bâtiment. Puis je l'ai prié de donner
l'ordre à ses hommes de s'y rendre à titre d'exercice. Quand il me
fut rendu compte que les hommes étaient réunis, je suis passé
partout moi-même, faisant à chaque groupe les recommandations qui me
paraissaient les plus indispensables. J'ai constaté que la plupart
des hommes n'avaient pas leur ceinture de sauvetage sur eux. J'ai
alors donné l'ordre formel d'avoir sur eux leur ceinture jour et
nuit et attachée comme elle doit l'être. Rien de particulier ne
s'est passé jusqu'à 14 h 15, heure de l'appel du Guichen signalant
un sous-marin sur notre route à 15 milles en avant de nous. J'étais
à ce moment sur la passerelle et nous étions dans le Sud de San
Pietro, dont nous étions passés à 9 m. 15 dans l'Ouest vers 13 h 45.
Le Commandant m'a dit alors : « C'est un sous-marin qui vient de
l'ouest et qui rentre ; nous allons venir à l'ouest. » Puis, à la
réflexion, le Commandant a pensé que ce sous-marin devait voir nos
cheminées au-dessus de l'horizon, le temps était remarquablement
clair, et qu'ainsi il nous voyait venir à droite. Il m'a dit alors :
« Assurez-vous que nos hommes veillent bien. Il y aura un passage
dangereux entre 17 h 15 et 18 h 30. Vous monterez sur la passerelle.
» Je suis alors descendu de la passerelle et j'ai fait des rondes
recommandant aux hommes de veille de faire la plus grande attention.
Je me suis assuré plusieurs fois que mes ordres étaient exécutés.
À 17 h 15 je suis monté sur la passerelle. J'ai regardé la carte, et
autant que je me le rappelle, les routes étaient depuis 14 h 5 : 14
h.15, W.- 15 h.15, S.45 W.- 16 h.30 Sud - vitesse 17 nœuds -
embardées de 50° tous les 1/4 d'heure - vitesse sur le fond 15
nœuds. A 17 h 44 exactement, j'étais à bâbord avec le Commandant et
le chef mécanicien, quand un homme a crié « une torpille par tribord
». Le Commandant a aussitôt crié avant d'avoir rien vu « A gauche
toute », puis presque aussitôt après, comme nous arrivions à tribord
: « Nous sommes fichus ». La torpille n'était plus en effet qu'à
quelques mètres de nous. Le Commandant a manœuvré les machines et je
crois me rappeler qu'il a mis bâbord en arrière toute, puis tribord
en arrière toute. A ce moment l'explosion s'est produite. Elle a été
violente, mais j'avoue que je m'attendais à un bruit plus fort et
surtout à un ébranlement plus grand du bâtiment. Le Commandant a
alors mis le télégraphe des machines sur « Attention », puis a donné
l'ordre d'évacuation. La torpille avait touché par le travers de la
cale arrière, ce qui a permis un gros dégagement d'air par en haut
et a empêché les cloisons étanches de céder. Aussitôt j'ai quitté la
passerelle et me suis rendu sur le pont des embarcations, en criant
aux hommes qui montaient : « Coupez partout les saisines des
embarcations et radeaux ». Après avoir constaté que mon ordre était
exécuté, je me suis rendu dans les logements des troupes du pont B
et j'ai dit aux soldats : « Mettez-vous en rang comme je vous ai
placés ce matin ». J'ai alors admiré le sang-froid de ces hommes
qui, sans un cri, sans un murmure se sont placés comme je leur
disais. J'ai ajouté : « Enlevez vos bandes et vos souliers ». Puis
je suis allé à l'arrière du pont B. Là j'ai vu le mécanicien de 2e
classe Acher qui m'a dit : « Toutes les portes étanches sont fermées
». J'ai répondu : « Mais le bateau étale, il ne prend pas de bande
». A ce moment est arrivé le Commandant qui a dit : « Eh ! bien ».
Monsieur Acher a alors répondu je crois : « Les machines se
remplissent, la cloison va céder ». J'étais étonné de ne pas
entendre le crépitement de l'antenne de TSF, mais à ce moment j'ai
aperçu nettement à 300 mètres sur l'arrière un périscope. J'ai crié
: « Amenez les embarcations » et je me suis précipité à la pièce
extrême arrière du pont C pour faire ouvrir le feu. Mais quand je
suis arrivé, j'avais de l'eau jusqu'aux chevilles et ne voyais plus
rien. J'ai dit : « Jetez-vous à l'eau » et ai essayé de regagner
l'avant. Je suis arrivé jusqu'à la grue tribord arrière ; là une
cuisine roulante déplacée m'a barré la route. L'eau gagnait de plus
en plus. J'ai retiré mon veston en criant à des soldats près de moi
: « Larguez tout, à l'eau », puis j'ai perdu pied. A ce moment, j'ai
entendu un coup de sirène prolongé et j'ai compris que c'était
l'adieu du Commandant. J'ai nagé un peu pour me dégager des remous.
Et, à environ 15 mètres, j'ai vu le Gallia dressé verticalement. A
ce moment, je suis moi-même disparu et quand je suis remonté il n'y
avait plus rien qu'une mer couverte d'embarcations, de radeaux et
d'épaves. Le Gallia a coulé à 17 h 57. J'ai nagé alors vers un
radeau où j'ai été recueilli par le canonnier Bellot. Nous avons
encore recueilli quelques naufragés jusqu'à la nuit. Je savais
qu'aucun signal par TSF n'avait été fait et j'ai pensé à armer un
canot pour me rendre en Sardaigne. Malheureusement, la nuit est
venue et, malgré mes appels réitérés, aucun canot n'a voulu
m'accoster. Plusieurs cependant sont passés à portée de voix, dont
quelques-uns très peu chargés, mais dans l'obscurité je n'ai pu
distinguer qui les montait. Le temps absolument calme nous a permis
de passer la nuit sans trop de peine. Vers 21 h j'ai été appelé par
mon nom, j'ai cru reconnaître la voix du chef mécanicien M. [L.P.N]
Ollivier ; j'ai répondu, mais je n'ai rien entendu ensuite.
Le 5 octobre à l'aube, j'ai vu les embarcations armer leurs avirons
et deux groupes se former, l'un allant vers le Sud, l'autre vers le
Nord. J'ai regretté qu'aucune d'elles ne vienne près de moi. La
situation était assez critique car il n'y avait aucune raison qu'on
vienne à notre secours. J'ai aperçu à environ 1 500 mètres de moi un
canot qui ne bougeait pas et avait à bord une soixantaine de
soldats. J'ai déposé ces hommes sur différents radeaux et j'ai formé
un équipage de 30 hommes sachant bien nager. J'ai gardé à bord deux
blessés, qui étaient déjà dans le canot et le lieutenant
d'infanterie Libis. Il n'y avait malheureusement ni voile, ni compas
dans le canot.
A 11 heures je me suis mis en route au nord-est me guidant sur le
soleil. J'avais réparti mes hommes en 3 équipes qui se relayaient
toutes les demi-heures. Vers 15 h 30 j'ai aperçu un bateau que j'ai
reconnu peu après pour être le Châteaurenault. J'ai fait des signaux
qui, je crois, n'ont pas été vus. Mais le croiseur faisait route
vers le lieu du naufrage et j'avais la presque certitude qu'il avait
aperçu les radeaux.
J'ai pensé à faire demi-tour, mais je savais qu'il y avait des
canots devant moi et j'ai considéré comme mon devoir de continuer.
Vers 17 heures j'ai rejoint un canot, conduit par le docteur
Varenne. Ce dernier m'a demandé ce qu'il fallait faire. Il avait à
bord une voile et un compas. Nous nous étions éloignés de 14 à 15
milles déjà. Aussi lui ai-je dit de suivre route au nord-est. Il a
été convenu que nous échangerions des signaux pas Coston à 0 h et à
3 h. J'ai continué ma route. La nuit je me suis dirigé sur la
Polaire et vers 3 heures j'ai vu le feu de San Pietro. A 0 h.et à 3
h les signaux convenus furent échangés. Plusieurs fois nous
aperçûmes des lueurs de projecteur. Au jour on voyait distinctement
la terre et près de nous il y avait le canot n° 8, conduit par le
maître de manœuvre et le premier-maître mécanicien Cassaulet.
L'embarcation du docteur n'était pas en vue. Je suis arrivé
facilement à 8 ou 10 mille de terre. Mais là un courant portant au
nord-ouest nous empêchait de gagner et il a fallu mettre deux ou
trois hommes sur chaque aviron pour avancer. Nous avons ainsi réussi
à dépasser le N.S. du feu de San Pietro, mais un vent frais de
nord-ouest s'est levé qui nous a obligés d'atterrir sur l'île d'Antiocco.
Pendant ce temps l'autre canot avait mâté et réussi à tourner la
pointe sud de San-Pietro. A environ 1 500 mètres de la terre, une
tartane de Carlo Forte nous a pris à la remorque et peu après un
vapeur qui avait déjà recueilli le canot 8 venait à notre rencontre
et nous débarquions en ville à 19 heures. Je tiens à signaler
l'accueil particulièrement cordial que nous avons reçu de la
population. Mes hommes ont été logés, nourris et vêtus avec la plus
grande attention. Monsieur le lieutenant de vaisseau, Capitaine du
port, et Monsieur l'agent consulaire se sont particulièrement
dévoués.
Sur ma demande ils ont immédiatement signalé le lieu de naufrage du
Gallia. Le lendemain à 16 h 30, l'Aldébaran arrivait sur rade. Les
autorités ont mis à ma disposition un vapeur pour rejoindre la
Normandie qui nous a menés à Bizerte.
Je tiens à signaler l'entrain et le courage des hommes qui sont
allés avec moi à l'aviron jusqu'à San Pietro et particulièrement
Monsieur le lieutenant Libis, qui nous a aidés autant qu'il a pu.
J'ai constaté de nombreux cas de bravoure et d'abnégation chez les
soldats passagers, mais, ne les connaissant pas, il m'est impossible
de rapporter leurs noms et je serais même malheureusement incapable
de les reconnaître. Amiral, je ne puis terminer sans rappeler la
conduite sublime de notre Commandant, qui voyant tout perdu, s'est
suspendu à la sirène et nous a dit adieu dans un long cri d'alarme.
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Croix de guerre.
Lieutenant de vaisseau
le 13 juillet 1917.
Au 1er janvier 1918,
port CHERBOURG.
Chevalier de la Légion
d'Honneur.
Au 1er janvier 1921,
Chef du Service des communications en ALGÉRIE.
Extrait Ouest-France /
10 mars 1921
Capitaine de corvette
le 1er mai 1926.
Extrait Ouest-France /
20 juillet 1927
Extrait Ouest-France /
18 octobre 1929
Extrait Ouest-France /
24 décembre 1930
Extrait Ouest-France /
1er juillet 1931
Capitaine de frégate le
5 juillet 1931.
Au 1er janvier 1932,
port CHERBOURG.
Inscrit au tableau de
concours de la Légion d'Honneur.
Légion d'Honneur
Extrait Ouest-France / 5
juillet 1932
Extrait Ouest-France /
27 juillet 1933
Extrait Ouest-France /
20 mars 1934
Extrait Ouest-France /
1er mars 1940
Admission à la retraite
Remerciements Stéphane
Giran
Remerciements à Gilles Jogerst / Généamar pour ses recherches
et la mise à disposition de ses données
http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviation-marine/marine-1914-1918/liste_sujet-1.htm
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