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Officiers et anciens élèves -
Jean LAVALLEE
(1913 - 1944)
Né le 11 octobre 1913 à
SAINT NAZAIRE (Loire atlantique) - Décédé le 5 octobre 1944 au Camp
de Buchenwald (Allemagne)
Fiche Mémorial
Entre à l'Ecole navale en 1932.
Sur la "JEANNE d'ARC" en
1934
Remerciements Gilbert Engelhardt
Après une brève corvée
à la majorité générale de Cherbourg, il embarque en novembre 1935
sur l'aviso Ville d'Ys et fait campagne dans les eaux de Terre-Neuve
et du Groenland.
En 1938, il entra à l'Ecole de navigation sous-marine, puis est
affecté au sous-marin Agosta jusqu'en avril 1940.
Extrait Ouest-France / 6
janvier 1938
Après deux mois à bord
de l'Amenois, sur lequel il est cité à l'ordre de la division, il
est envoyé à la DCA de Toulon du 7 juin 1940 au 20 février 1941. Il
revint alors aux sous-marins et il est successivement affecté sur le
Henri Poincaré et à l'Antiope jusqu'en 1943.
Parachuté en août 1943 sur le sol français pour y organiser un poste
de contre-espionnage clandestin, il accomplit diverses missions des
plus dangereuses. Arrêté à Paris le 10 décembre 1943, il refusa,
malgré les sévices auxquels il fut soumis, de fournir la moindre
indication sur ses activités.
Déporté en Allemagne le 4 février 1944, il est fusillé à Buchenwald
le 5 octobre 1944.
Le prêtre, témoin
de son exécution, écrit à sa mère: " À vous, madame, comme à votre
enfant regretté, je ne puis m'empêcher de dire merci ... ".
Lieutenant de vaisseau le 11 mars 1942, il fut fait chevalier de la
Légion d'honneur à titre posthume et reçut la croix de guerre avec
palme le 7 juillet 1945.
Extrait Cols Bleus / 7
septembre 1945
Extrait de : Des noms sur la mer (Edition ACORAM 15, rue Laborde
75008 Paris)
Source Web
Poste 7 Jeanne d'Arc,
1935
Source web
Autres informations :
Pseudonymes: VERTON, Victor (ou Henri) DELATTRE, Henri MORTIER
Né le 11 octobre 1913 à Saint Nazaire (Loire inférieure) De Jean
Lavallée et de Lucienne, Rose, Marie Lemoine Célibataire Profession:
officier de marine Décédé le 5 octobre 1944 à Buchenwald
Réseaux: S.S.M.F./T.R., S.R. Kléber, D.G.E.R.Agent P2
Officier de marine, Jean Lavallée, dont le grand-père avait été
directeur d'école à Penhoet et le père premier nazairien victime de
la guerre 14-18, était pupille de la Nation. Elevé par sa mère pour
laquelle il avait un profond attachement, il fit ses études au
collège Aristide Briand à Saint Nazaire, puis au lycée Dupuy-de-Lôme
à Lorient. Ses anciens camarades de collège le décrivent comme un
garçon particulièrement brillant et simple. "Jean Lavallée, dit l'un
d'eux, René Gille, n'est pas un élève ordinaire: ils sont deux ou
trois à émerger de l'ensemble, dont il est incontestablement le
meilleur tant sur le plan intellectuel que moral; et quel délicieux
camarade!"
En 1932, il intègre l'École Navale, est ensuite affecté à l'aviso
"Ville d'Ys" sur les bancs de Terre Neuve, puis, à sa demande, il
sert dans les sous-marins jusqu'en 1943: sous-marin Agosta, escadre
de l'Atlantique (1938-1940) où il est officier de manœuvre; croiseur
auxilliaire Amiénois (1940); sous-marin Henri Poincaré (1941);
sous-marin Antiope, comme officier en second.
Son temps de service sur l'Amiénois lui vaut une citation à l'ordre
de la division: "...a fait preuve de beaucoup d'allant et de
sang-froid au cours des opérations auxquelles a pris part son
bâtiment."
Les notes concernant son dernier commandement sur l'Antiope sont les
suivantes:
"Officier exceptionnel à tous points de vue, réunissant l'ensemble
des qualités suivantes:
-Professionnelles: excellent marin - son goût très vif pour la
campagne, son allant, son influence sur le personnel, sa grande
initiative se conciliant cependant avec un esprit très militaire
font de lui un excellent officier en second.
- De caractère: confiance en soi, esprit de décision, d'à propos.
Ténacité. Sportif.
- D'intelligence: Bon sens. Clarté. Culture très développée. Valeur
morale hors pair. A noter que le côté réservé de son caractère
l'empêche de se mettre suffisamment en valeur."
M. Badie, qui était en 1942 quartier maître mécanicien de Iére
classe, sous les ordres du capitaine Lavallée, relate ainsi une page
de l'existence de ce dernier (Bulletin de l'A.A.S.S.D.N. n°83):
"Après le débarquement allié en Afrique du Nord le 8 novembre 1942,
le sous-marin Antiope (commandant Millet et, second, lieutenant de
vaisseau Lavallée) peut enfin prendre part au combat dans des
conditions régulières.(...)
Nous voilà partis pour participer aux missions sur toutes les côtes
sud de la France, le golfe de Gênes, La Spezia, San Remo,
Vintimille, la Corse, la Sardaigne. Les missions durent en moyenne
21 jours et sont très pénibles, missions pendant lesquelles nous
vivons comme des robots, mangeant la nuit, dormant le jour, les
postes de combat se succédant sans arrêt. (...) En un premier temps
les missions consistent à intercepter et à repérer des objectifs sur
la côte occupée par l'ennemi. C'est un travail exténuant et
dangereux qui demande de la part de notre commandant et de son
second des nerfs d'acier et un culot monstre, d'autant plus que
notre bon vieux sous-marin commence à prendre de l'âge... Toute la
journée à la barbe des Boches, en plongée périscopique pour les
repérages au ras de la côte et ,la nuit, au large pour récupérer un
peu en surface et recharger nos accus.
Au cours de l'une de ces promenades nocturnes, après un coup de
semonce de notre bon vieux 75, nous interceptons un navire tout
illuminé se disant de nationalité suisse...Piège, car le lendemain
nous étions repérés, poursuivis et grenadés par toute une meute de
vedettes anti sous-marin, chasse pendant laquelle nous enregistrons
l'explosion de 90 grenades qui nous font subir de gros dégâts à
bord: périscope inutilisable, Diesel droit en panne, une bouteille
de CO2 explose en batterie AR, occasionnant un début d'asphyxie. Ce
fut la plongée la plus terrible qui dura 48 heures consécutives,
alors que nous avions une autonomie de plongée de 12 heures
seulement. L'alerte se produisit à O h et l'attaque des vedettes 10
minutes après, bien entraînées ces vedettes qui attaquaient de tous
les bords.
Nous naviguions par 30 mètres, 40 mètres, 50 et 8O mètres pour
remonter rapidement à 20 mètres, virer à bâbord brusquement puis
redescendre, tourner en rond pour essayer de nous camoufler, toutes
les manoeuvres les plus hardies ont été faites par notre commandant
et son second, jusqu'à épuisement complet des hommes et du matériel.
Les hommes tenaient, en serait-il de même du matériel? Nous
entendions le bruit de ces maudites hélices et à chacun de ces
passages la déflagration écrasante des grenades de 250 Kg qui
soulageaient notre malheureuse coque d'acier déjà très éprouvée...
Que ces heures furent longues! Mais il est vraisemblable que la
forte houle qui sévissait en surface nous sauva la mise et entrava
la chasse des vedettes rapides, car petit à petit le bruit des
hélices décrut et les explosions lointaines nous laissèrent supposer
qu'ils s'acharnaient sur un fond rocheux, ce qui nous sauva la vie.
Tout n'était pourtant pas terminé et si notre brave Antiope n'était
pas touché à mort, il naviguait comme un oiseau touché d'aile et ne
pouvant plus se diriger... Plus d'oxygène et le CO2 qui se répand à
bord... Notre petite chienne mascotte, Marquise, hurle à la mort. On
la monte dans le kiosque avec le commandant. Dans l'impossibilité de
mettre un appareil en marche, la surpression nous rend l'existence
intolérable, la respiration devient de plus en plus pénible, nous
ouvrons tous la bouche comme des poissons hors de l'eau en quête
d'un peu d'air. Le silence est toujours de rigueur et, pour garder
l'assiette horizontale du sous-marin, nous faisons circuler les
hommes de l'avant à l'arrière et vice versa à la demande, les pompes
ne répondant plus.
Les latrines sont à bloc et débordent, elles sont consignées et,
pour faire nos besoins, nous disposons de seaux à demi remplis de
gas-oil et dissimulés derrière les moteurs Diesel inertes.
L'air devient de plus en plus vicié, les appareils régénérateurs ne
fonctionnant toujours pas, les bouteilles d'oxygène sont également
vides.
Nous sommes au bord de l'évanouissement. C'est alors que le
capitaine (lieutenant de vaisseau) Lavallée nous fait disposer dans
les coursives et sur les housses des matelas du granulé blanc,
produit chimique que l'on introduit dans les appareils régénérateurs
et qui a pour but de résorber le gaz carbonique.
C'est formidable et l'amélioration se fait sentir immédiatement.
Nous hissons le périscope de combat qui reste utilisable avec la
pompe à main. Un coup de pompe= 1cm, et comme il mesure 12m, vous
m'avez compris. ..Nous nous relayons doucement, car la force nous a
abandonnés, avec de la patience on y arrive quand même.
24 heures plus tard notre radio n'intercepte aucun bruit dans les
parages. Le commandant décide de tenter la dernière chance: tant
bien que mal nous tenterons de faire surface et de mettre au combat
le canon de 75, puisque nous ne pouvons, dans l'état actuel,
torpiller ces maudites vedettes.
Étant servant d'éléments, je prends les consignes avec le canonnier,
hausse et dérive, et, à minuit pile, n'en pouvant plus: surface. Les
nerfs tendus, notre équipe saute sur le pont pour gagner la pièce,
de l'eau jusqu'à la ceinture. Tout est paré pour faire feu, quel
soulagement, la mer est comme de l'huile, la nuit claire, sans une
ombre à l'horizon... Nous respirons à pleins poumons et c'est là que
nous tombons les uns après les autres dans les pommes, ivres d'air
pur, foudroyés par l'afflux d'oxygène.
La ventilation ayant été remise en service, nos camarades subissent
le même malaise à bord. Après bien des efforts, l'un des moteurs
Diesel se met en marche, puis le deuxième se met à tourner, nous
redonnant l'espoir, et la propulsion lente commence en direction
d'Alger.(...)
Après chaque mission, nous avions 15 jours de repos à la montagne et
nous faisions souvent le méchoui, aucune différence de grade, et le
capitaine Lavallée était un bout en train de première. Tous ceux qui
l'ont connu gardent de lui un souvenir impérissable et en parlent
avec admiration."
En 1943,Jean Lavallée est à Alger. En avril mai, écrit Paul Paillole,
"nous avions pu renforcer nos moyens depuis la frontière belge
jusqu'à la Bretagne. Par contre la zone allant de l'embouchure de la
Loire à celle de la Gironde demeurait insuffisamment prospectée et
reliée à nous. Conscient de cette lacune, j'ai demandé à l'Amirauté,
en février 1943, le concours d'officiers de la Marine nationale
volontaires pour effectuer des missions spéciales dans cette région
de la France occupée.
Le 1er mars 1943, se présentait à mon P.C. d'El Biar, près d'Alger,
le lieutenant de vaisseau Jean Lavallée. Il était chaudement
parrainé par le capitaine de vaisseau Trautmann, l'un de nos plus
anciens techniciens du renseignement. Il l'avait connu et apprécié
en 1942 à Dakar où Lavallée commandait en second le sous-marin
Antiope.
J'avais en face de moi un garçon d'à peine trente ans, bien sanglé
dans son uniforme de marin sur lequel j'observais la Croix de Guerre
avec étoile d'argent. Avec simplicité, peut-être un peu intimidé, il
m'exposa son désir d'entrer le plus tôt possible dans l'action
contre l'ennemi (...)
Au fur et à mesure que je parlais, je sentais s'affirmer sa
détermination. J'étais frappé par son bon sens, la finesse de ses
questions, la sûreté de son jugement, le calme de sa
résolution.(...) Il avait au surplus l'avantage de connaître la
région où j'envisageais de le faire évoluer.
Il restait à le confronter aux dures épreuves d'un stage physique
(parachutage notamment) et d'initiations spéciales: connaissance de
l'adversaire, règles de sécurité, méthodes et procédés clandestins
de recherche, de liaisons et de transmissions, etc.
Trois mois plus tard, j'avais la conviction qu'il était prêt. Le 25
mai 1943, j'obtenais sa mutation dans mes services. Le 17 juillet
1943, je l'acheminais vers l'Angleterre avec l'équipe qu'il allait
diriger: son adjoint, le sous-lieutenant Jacques Chaigneau*, et
Parpaillon, leur opérateur radio.
Après un complément d'instruction technique à Londres, Jean
Lavallée, devenu Henri Delattre, agent des ports et pêches, est
parachuté en Vendée avec ses camarades et leur matériel dans la nuit
du 16 au 17 août 1943.
L'équipe installe son poste émetteur près de Montaigu dans une
maison amie, voisine de celle de l'oncle de Chaigneau (...) Contact
radio est pris avec Londres le 19 août.
Préoccupation immédiate de Lavallée: implanter à Saint-Nazaire et
Nantes un réseau "d'honorables correspondants" pour surveiller les
ports et identifier les organisations et formations ennemies:
Wehrmacht, Abwehr, Gestapo et leurs auxiliaires. Il fait appel à ses
anciennes relations, à ses camarades. Il évite d'aller chez lui et
de compromettre sa mère. Pourtant le 26 août 1943, il ne peut
résister à la tentation de l'embrasser. En raison des bombardements
fréquents à St-Nazaire, il sait que Mme Lavallée va travailler à
Nantes. C'est là qu'il la rencontre pour la dernière fois.
Rapidement les renseignements affluent. Les plus urgents sont
transmis par radio à Londres. Pour acheminer les autres vers Alger,
il doit prendre contact à Marseille avec notre poste chargé des
liaisons sous-marines clandestines. Il s'y rend en septembre 1943.
Avec le capitaine Avallard, chef de poste, il met au point les
conditions des remises mensuelles de ses courriers ainsi que la
réception des courriers et des instructions venus d'Alger.
A son retour, il s'arrête à Paris, prend contact avec sa tante qui
le met en rapport avec l'une de ses amies susceptible de le loger:
Alice Martin, 68 rue de Rivoli. Ce sera son point de chute dans la
capitale.
Dans la Loire et en Vendée, son organisation a pris tournure. Le
rendement est bon. Les contacts avec Londres sont réguliers. Un
nouveau voyage fin octobre à Marseille lui permet d'expédier de
nouveaux rapports. Il fait la connaissance de quelques
collaborateurs d'Avallard et précise avec eux ses moyens de
liaisons. Est-ce l'explication de sa perte?
Depuis quelques jours la Gestapo de Marseille a réussi à infiltrer
un traître d'une habileté diabolique dans notre réseau de Marseille.
Il s'agit d'un agent déjà ancien de ce réseau, le belge Max Wilde.
Arrêté par les Allemands, il a accepté de jouer le double jeu. Il a
rencontré Lavallée et connaît la nature de ses activités. Les a-t-il
dénoncées? Nous n'en avons pas la preuve...mais rien n'interdit de
le penser.
Quoiqu'il en soit, fin novembre 1943, l'Abwehr arrive à introduire
l'un de ses agents dans l'organisation de notre camarade. Il s'agit
d'un "lieutenant André", que hélas nous n'avons jamais pu
identifier. (...)
Dès lors les événements vont se dérouler très vite. Tragiquement.
La découverte des activités de Lavallée, notamment de ses liaisons
radios avec Londres va inspirer aux Allemands une manœuvre
d'intoxication d'envergure, d'autant plus importante qu'ils espèrent
en tirer des renseignements sur nos organisations clandestines et
sur les intentions de débarquement des Alliés.
La manœuvre implique la rafle instantanée de l'équipe entière, sa
mise au secret le plus rigoureux et la poursuite par substitution
des contacts radios avec l'Angleterre.
Le 11 décembre 1943 à 7 heures, Jean Lavallée est arrêté à Paris.
Rentré la veille de Marseille où il avait porté un important
courrier, il dormait sur le lit de camp dans le petit appartement de
la rue de Rivoli. Sa logeuse, Alice Martin est appréhendée aussitôt,
tout comme Chaigneau et le radio Parpaillon. En quelques heures
toute l'équipe tombe aux mains de l'ennemi.
La Funkabwehr (Service radio du contre-espionnage allemand) prend
possession du poste émetteur et après plusieurs jours de recherches
découvre les codes. Le 25 décembre 1943, le "lieutenant André"
rétablit le contact avec Londres, sans éveiller les soupçons des
logeurs de Parpaillon, surtout, ce qui est inexplicable, ceux des
opérateurs radios de Londres (...)
Dès lors commence le jeu subtil et terrible de l'intoxication.
Faute d'avoir connaissance du drame qui vient de se dérouler, nous
acceptons toujours les messages de Lavallée. Nous y répondons de
bonne foi, notamment par l'envoi de questionnaires qui, à
l'évidence, peuvent à terme donner des indications sur les projets
du commandement allié et notre propre organisation de
renseignements.
Nous frôlons le désastre... lorsqu'un miracle va se produire. Du
fond de sa cellule de Fresnes, l'un de nos officiers, arrêté en
Auvergne fin 1943 et transféré à Paris, va réussir l'exploit qui
tient du prodige de savoir ce qui se passe dans la prison, d'entrer
en contact avec nos camarades au secret et de nous faire passer des
messages...
Le 11 avril 1944, après bien des péripéties qui ont ralenti son
cheminement, nous parvient la nouvelle stupéfiante que je reproduis
in extenso: "lieutenant Lavallée arrêté Nantes- stop- Poste radio
continue de fonctionner".
Le colonel Navarre (Archives d'Alger) apprend par une lettre écrite
avec du sang l'arrestation de Lavallée et le fait que les Allemands
tentent d'attirer le groupe dans un piège en faisant fonctionner son
poste émetteur. (Le colonel Navarre suppose cette lettre écrite par
Mercier, lui-même interné).
Paul Paillole poursuit :
"Nous sommes consternés. Notre réplique va être immédiate. A notre
tour de tromper l'adversaire. Jusqu'en juin 1944, nous continuerons
son jeu, mais cette fois à notre profit. Ainsi pourrons-nous avec le
poste Lavallée et l'accord des Alliés participer au plan
d'intoxication destiné à laisser peser les menaces de débarquements
en d'autres lieux qu'en Normandie...
Depuis son arrestation Lavallée a été sévèrement interrogé au siège
de la Gestapo, avenue Foch. Il n'a pas parlé. Il est incarcéré à
Fresnes, isolé et dans un secret que ses geôliers estiment absolu.
Il en sera ainsi tant que les Allemands seront satisfaits de leur
manœuvre d'intoxication. De crainte d'indiscrétion, il n'y aura pas
de procès, il n'y aura pas de transfert en Allemagne.
Il en sera tout autrement après les succès alliés en Normandie.
Après un séjour au camp de Royallieu, près de Compiègne, en
compagnie de Chaigneau et de plusieurs autres officiers des Services
Spéciaux - dont Avallard, victime avec d'autres de la trahison de
Max Wilde - Lavallée est transféré le 17 août 1944 au camp de
Buchenwald."
Sa fin, comme celle de ses camarades sera relatée en ces termes par
Richard Chotin, rescapé de Buchenwald, dans un compte-rendu fait à
Lille, daté du 5 février 1946:
Jean Lavallée faisait, avec le capitaine Vellaud, "partie d'un
groupe de 37 officiers français, anglais, canadiens et belges,
arrivé au camp de Buchenwald en juillet 1944. Ce groupe,
contrairement à l'usage, ne fut pas placé en quarantaine dans le
petit camp, mais interné au Block 17 du grand camp, qui était un
block de passage.
Dans la soirée du 16 septembre 1944, 16 d'entre ces officiers, la
plupart appartenant à la French Section, furent pendus dans la cave
du four crématoire. Parmi eux, Robert Benoit, coureur automobile
notoire, et le lieutenant Leccia, un Français d'origine corse, que
l'avais connu à Limoges."
Le chanoine G. Stenger, présent au camp, témoigne également: "A
partir de ce moment-là il fallait craindre le pire pour les
survivants. Nous montions une garde vigilante autour d'eux(...)Je
convins avec le commandant Frager (un officier français qu'on
appelait "l'oncle Paul") qu'on ferait tout pour les soustraire à
l'attention des S.S. Tout d'abord il fallait éviter qu'ils
continuassent à vivre en groupe. On obtint du bureau du camp,
administré par des détenus, que les survivants fussent répartis dans
les autres blocks du camp, pêle-mêle avec les autres détenus. Ce fut
bientôt fait. Puis nous essayâmes de les faire sortir du camp dans
les kommandos de travail, pour leur fournir l'occasion d'une évasion
possible, dangereuse certes, mais toujours préférable à la menace
constante de pendaison. Bientôt arriva l'interdiction formelle de
les faire sortir du camp, même pour le travail.
Un soir je fus prévenu qu'il y avait des préparatifs de
pendaison.(...) On monta la garde jusque tard dans la nuit, car
j'avais décidé de ne pas les laisser partir sans sacrements comme
les premiers, pour lesquels nous avions été littéralement surpris."
Richard Chotin dit de son côté:
"Le 4 octobre 1944 à l'appel du soir (19 heures), 12 de ces
camarades (dont Jean Lavallée) reçurent un avis d'avoir à se
présenter le lendemain à 6 heures, rasés et coiffés, à la pancarte
5. Une lourde angoisse s'empara d'eux, car chacun savait que la
pancarte 5 signifiait la mort. Ils nous firent leurs adieux ce soir
là,(...) Le capitaine Vellaud fit un mot et déposa plusieurs objets
personnels qui furent cachés par un Allemand actuellement à Paris,
Willy Heckel, ex-agent du S.R. de Belfort, condamné en 1937 pour
espionnage et incarcéré depuis cette date. Heckel était pour ceux du
service un véritable ami; il se dévoua sans compter pour nous tous.
Le 5 octobre au matin, avant le départ pour le travail, vers 5
heures 30, nous aperçûmes nos malheureux camarades au rassemblement
près de la pancarte 5. Le capitaine Hallard et moi-même dépêchâmes
aussitôt l'Allemand précité Willy Heckel pour connaître le sort de
ces infortunés. Willy Heckel, qui avait 7 ans d'internement,
possédait un coupe-file qui lui permettait de circuler librement
entre l'usine où j'étais employé et le camp, et ce à toute heure du
jour.
De son côté, le lieutenant Rambaud, qui n'avait pas été convoqué,
devait suivre également le scénario d'exécution, de l'intérieur du
camp."
Redonnons ici la parole au chanoine Stenger.
Le commandant Frager pensant être lui-même sur la liste "se confessa
et communia, puis alla prévenir l'un après l'autre ses camarades
catholiques. Ils se confessèrent au fur et à mesure. Mais lorsque
l'heure de l'appel sonna deux d'entre eux n'avaient pas encore pu
régler leur compte avec le Bon Dieu. Je me glissais parmi eux,
lorsqu'ils s'en allaient à la Tour; chemin faisant et pendant les
quelques minutes d'arrêt devant la Tour, je confessais les deux
derniers catholiques, les communiais, ou plutôt leur donnais une
parcelle d'hostie qu'ils devaient consommer eux-mêmes, pour ne pas
attirer trop l'attention du Shutzhaftlagerfürer Schobert, qui déjà
se présentait pour prendre livraison de sa fournée. La grande
préoccupation de ces jeunes hommes n'était pas d'avoir à mourir,
tous avaient fait courageusement et généreusement le sacrifice de
leur vie, mais de savoir s'ils allaient être fusillés ou pendus
(...) On tomba d'accord pour dire que mort pour mort c'était bien la
même chose, qu'il n'y avait pas plus de déshonneur à être pendu qu'à
être fusillé. Je leur disais toute mon admiration. (...) Puis, comme
l'officier S.S. vérifiait déjà les numéros que les condamnés
portaient cousus à leur veste, je leur dis au revoir dans l'au-delà,
me mis à six pas d'eux et nous nous séparâmes sur un salut militaire
réglementaire."
Revenons au témoignage de Richard Chotin:
"Vers 7 heures, le lieutenant S.S. Gusse (orthographe phonétique),
adjoint du Lager fuhrer, une brute dans toute l'acception du mot,
vint auprès de nos amis et, de sa cravache, leur indiqua la cheminée
du crématoire tout proche.
A cette insolence, tous nos camarades éclatèrent de rire et le
narguèrent.
Ils furent aussitôt après enfermés dans les bunkers proches.
Ce n'est qu'à partir de 14 heures que les exécutions commencèrent au
stand de tir situé à environ 100 mètres en face de l'entrée
principale.
Les détenus employés aux abord du stand furent éloignés.
Le lieutenant Rambaud vit nos camarades sortir deux par deux, les
mains liées dans le dos, sérieusement encadrés et dirigés vers le
stand de tir.
Les détenus que l'on avait écartés du stand entendirent l'exécution
qui eut lieu à la mitraillette, sans cou de grâce.
Le lieutenant Rambaud aperçut ensuite le transport des corps et leur
entrée au crématoire.
Vers 16 heures l'exécution était terminée.
Le lendemain, des S.S. allèrent chercher à Iéna le capitaine
Avallard et un autre camarade dont je ne connais pas le nom, pour
les fusiller également au stand de tir l'après-midi."
Le chanoine Stenger dit que "le surlendemain, à la faveur d'une
alerte aux avions qui mettait toujours la débandade dans les
gardiens S.S., en revenant à la course de l'usine au camp pour nous
abriter, je fis un crochet avec deux camarades par le stand de tir
au pistolet et nous récitâmes un "De profundis" devant le poteau
encore teint du sang de nos héros".
Déclaré "Mort pour la France" et cité à l'ordre de l'Armée, le
lieutenant de vaisseau Jean Lavallée sera fait chevalier de la
Légion d'Honneur et recevra la Médaille de la Résistance (il avait
déjà la Croix de Guerre).
Source web
* Lieu de mémoire: le nom de Jean Lavallée a été donné à un
aviso en 1974.
Références : "Services Spéciaux de Paul Paillole, p.457, 513;
Bulletin de l'A.A.S.S.D.N. n°24, p.54, n°61, p.17, n°83, p.15;
Archives d'Alger (dossier 3331-57)
Donna son nom à un bâtiment de la Marine nationale
Complément PDF, lu le 9 novembre 2013 / Préparation Militaire Marine
"LV Lavallée" / CF (RC) Gérald Morillas
Lien
PDF
Source Web
En savoir plus /
Site web
Tombe familiale / Plaque
Remerciements photo - Gérald Morillas
Complément
Extrait Cols Bleus / 8 décembre 1973
Extrait La Baille / Janvier 2018 - n°338
Source Twitter / 5 octobre 2020
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