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Ingénieurs mécaniciens -
Louis Gervais François LAUBIE
(1911 - 1943)

Né le 27 février 1911 au CREUSOT (Saône et Loire). Décédé, disparu
en mer fin décembre 1943 au large de CASSIS
Marié avec Jeanne PAILLARD.
Fiche Mémorial

1928-1931 : études à l’Ecole des Arts et Métiers. Promotion 1928.
1931 : reçu à l’Ecole des Ingénieurs mécaniciens à Brest.
Octobre 1933 : il est nommé ingénieur mécanicien de troisième
classe.
Il est embarqué comme second du service machines sur le torpilleur
Palme, avec lequel il effectue des missions en Méditerranée.
1936 : il est embarqué sur le contre-torpilleur Chevalier Paul.
Elève à l’Ecole de navigation sous-marine à Toulon, il obtient son
certificat d’aptitude.
Avril 1938 : il est embarqué comme chef du service machines sur le
sous-marin Protée, commandé par le lieutenant de vaisseau G.MILLE.
1940 : affecté à Casablanca le bâtiment effectue des croisières de
surveillance en Méditerranée, notamment dans les parages des îles
Canaries.
Il est ensuite placé sous les ordres de la force X (escadre
française de la Méditerranée orientale) à Alexandrie, elle-même
placée ensuite sous contrôle anglais (Juillet 1940).
1943 : le Protée reprend le combat, chargé de missions en
Méditerranée.
Décembre 1943 : au cours d’un de ces missions il disparait corps et
biens au large de Cassis, avec 74 hommes d’équipage dont trois
officiers britanniques.
1996 : l’épave du protée est retrouvée par DELAUZE, créateur de la
COMEX, au large de Cassis, gisant par 130 mètres de fond. L’état de
l’épave, notamment le kiosque, laisse à penser que le Protée a
heurté une mine.
Il est déclaré « sépulture maritime » par la Marine.
LAUBIE est inscrit au Mémorial des officiers de la Marine « Mort
pour la France ».
Il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume.
1946 : son nom a été donné à un sous-marin.










Extrait Article Presse
Publié le 1 juin 1995 - La Vie n°2596
Retrouvé par la Comex le 6 mai près de Marseille, le Protée avait
disparu en 1943
"Un demi-siècle, déjà. En décembre 1943, le sous-marin Protée est
porté disparu "corps et biens" en mer Méditerranée. Plus de trace.
Jusqu’au 6 avril dernier. Parti pour essayer un nouveau sonar au
large de Marseille, le patron de la Comex, Henri Delauze, décide
d’explorer une bizarrerie locale. Un "gros rocher", non répertorié
sur les cartes, que lui ont signalé des pêcheurs locaux lassés d’y
déchirer leurs filets. Fleuron de la haute technologie de cette
entreprise spécialisée dans les travaux sous-marins, le Rémora 2000
plonge. A 125m de fond, dans le faisceau des projecteurs du petit
bathyscaphe biplace, apparaît la silhouette effilée d’un sous-marin.
Menée le 6 mai, une exploration plus poussée confirme que cette
épave est bien celle du Protée, le seul sous-marin français de cette
classe coulé en Méditerranée durant la Seconde Guerre mondiale. Il
gît là, sur les fonds du plateau des Blauquières, à 20km au large du
Bec de l’Aigle, depuis près de 52 ans. Presque intact.
18 décembre 1943. Le Protée, accompagné d’un autre sous-marin, le
CASABIANCA, appareille d’Alger pour une patrouille classique.
Mission d’espionnage et de harcèlement des forces ennemies entre
Marseille et Toulon. A son bord, 72 hommes d’équipage et trois
agents anglais. Le lieutenant de vaisseau Georges Millé en assure le
commandement. Ce jeune polytechnicien, formé à l’Ecole navale, est
une "forte tête". En 1940, il saborde son sous-marin, l’Achille, en
rade de Brest. En 1942, il refuse d’obéir à l’amiral Darlan, sauve
son bâtiment du sabordage de la flotte française en rade de Toulon,
rejoint les forces alliées à Alexandrie et la France libre. C’est un
apport précieux, tant les sous-marins ont un rôle important dans
l’acheminement et la récupération des résistants et des agents de
renseignements agissant en France. Mais le 31 décembre, le
Casabianca rentre seul à son port d’attache.
Cinquante ans après la chute de l’Allemagne nazie, la cause de la
disparition du Protée est connue, grâce aux hommes qui l’ont sorti
de l’oubli. Sur les images vidéo prises par la Comex, seul le
kiosque du sous-marin apparaît nettement endommagé. Pour la Marine,
il ne fait aucun doute que cette blessure mortelle est l’œuvre d’une
mine allemande.
Le sous-marin restera au fond de la mer
"Une enquête plus approfondie n’est pas nécessaire", explique le
lieutenant de vaisseau Morizur du Service historique de la Marine à
Paris. C’est pourquoi le Protée ne fera pas l’objet d’un
renflouement coûteux et de fait inutile. Mais un ultime hommage,
demandé par les familles très émues, sera prochainement rendu aux
marins disparus. Ils pourront reposer en paix dans leur linceul
d’acier. "
Autre biographie
Le seul Gadzarts ayant donné son nom à un navire de guerre
Louis, Gervais, François Laubie naît au Creusot le 27 février 1911
au foyer de Jean, comptable aux établissements Schneider, et de
Marie Marthe née Lenoble. La famille, dont il restera le seul
enfant, est installée rue de Lorraine. Il commence ses études à
l’école de son quartier. Puis, à 12 ans, entre aux Ecoles Schneider,
établissement qui a pour mission la formation de jeunes destinés aux
usines Schneider : ouvriers, dessinateurs et ingénieurs selon le
niveau de scolarité atteint. Pour ces derniers, c’est l’école d’Arts
et Métiers de Cluny qui complète la formation.
Au cours de l’intégralité de sa formation aux Arts et Métiers Louis
ne connaît qu’un seul rang de classement : premier. Il rentre à
Cluny en 1928, major d’une promotion de cent élèves et reçoit la
médaille d’or trois ans plus tard. Ses excellentes notes lui
permettent d’entrer sans concours à l’école des ingénieurs
mécaniciens de la marine en 1931. Il se maintient aisément, pendant
deux ans, à la première place d’une promotion de 24 officiers.
C’est, aux dires de ses professeurs, un élève doux et réfléchi,
sympathique, remarquablement doué qui obtient d’excellents résultats
dans toutes les parties de l’enseignement : un sujet d’élite.
Louis embarque à bord du croiseur école « Jeanne d’Arc » en 1933
pour effectuer sa campagne d’application autour du monde : un voyage
de neuf mois en 37 escales, de Brest à Brest, en passant par
Gibraltar, Suez, Madagascar et les îles Mascareignes, le cap de
Bonne-Espérance, la côte atlantique de l’Amérique du sud, les
Antilles, les Etats-Unis, le Canada et Saint-Pierre. Ses
instructeurs lui reconnaissent, malgré une nature fermée, un esprit
très cultivé et des connaissances très étendues. Il reçoit le
premier prix de fin d’instruction : une montre en or et demande une
affectation sur un petit bâtiment.
Il embarque le 11 septembre 1934 à bord du torpilleur de 1500 tonnes
« La Palme » et demande quelques mois après, au ministre de la
marine et des colonies, l’autorisation d’épouser la sœur de l’un de
ses conscrits : Jeanne Paillard, du Creusot. Le mariage y est
célébré le 9 février 1935 et le ménage s’installe à Toulon.
Le 12 octobre 1935 Louis quitte « La Palme » pour le
contre-torpilleur « Chevalier Paul ». Le couple accueille, le 28
août 1936, son premier enfant : Jean-Claude. Compétent, silencieux,
excellent technicien, Louis choisit alors de servir dans les forces
sous-marines. La formation initiale du futur sous-marinier
s’effectue à Toulon d’octobre 1937 à février 1938. Il embarque alors
à bord du sous-marin de 1ère classe « Protée » en tant qu’adjoint au
chef du service machines. C’est un navire de 1 500 tonnes, très
récent, construit en 29 exemplaires dont 13 disparaîtront au cours
de la Deuxième Guerre mondiale.
Sous-marin Protée
Les qualités de Louis sont vite reconnues dans le monde particulier
des forces sous-marines. Son commandant estime sa nature silencieuse
mais ouverte, active et calme, effacée mais efficace. Au bout d’une
année il remplace son chef. La famille s’agrandit par la naissance,
le 7 août 1939, donc concomitante avec le début de la guerre,
d’Anne-Marie et se replie au Creusot, chez les parents de Jeanne. Le
« Protée », affecté à la division navale du Levant, c’est à dire en
Méditerranée orientale, est bientôt intégré à la force X commandée
par le vice-amiral Godfroy. Le sous-marin effectue une sortie de
douze jours lorsque l’armistice est signé, le 22 juin 1940. Oublié
des autorités maritimes, il ne reçoit aucun message, aucun ordre.
Son commandant prend alors l’initiative de rentrer, fin juin, à
Alexandrie, où la force X est déjà ancrée, ainsi que l’escadre
britannique de l’amiral Cunningham.
Alléguant le risque de voir la flotte française tomber dans les
mains d’Hitler ou de Mussolini, Churchill décide de la saisir, où
qu’elle se trouve dans le monde. C’est l’opération « Catapult ».
Elle est menée de manière brutale dans les ports britanniques et à
Mers el-Kébir (1300 marins français tués) mais, grâce à
l’intelligence et au courage de l’amiral Cunningham, elle
s’effectuera sous la forme d’un « gentleman agreement » avec
l’amiral Godfroy. Il ne faut cependant pas s’y tromper : la force X
est prisonnière. Rien n’est pire que le désœuvrement pour un soldat
ou un marin, ce sera pourtant le quotidien de l’équipage du « Protée
» pendant près de trois longues années. C’est dans cette période
difficile que Louis montrera d’exceptionnelles qualités de chef.
Malgré des effectifs réduits et une pénurie de tout, il parvient à
maintenir un moral élevé pour ses hommes et une disponibilité
inattendue pour ses installations.
Le 8 novembre 1942, les Américains débarquent en Afrique du Nord,
Godfroy se rallie secrètement et progressivement à de Gaulle, l’étau
britannique se desserre et le « Protée » peut à nouveau mener des
missions de guerre contre l’Axe. C’est au cours de l’une d’elles, en
décembre 1943, au large des côtes provençales, qu’il disparaît.
Parmi les objets restitués à Jeanne en 1945 figurent un train
électrique, une raquette de tennis, une raquette de badminton et une
montre en or…
Le 23 décembre 1947 le secrétaire d’Etat chargé de la marine écrit à
Jeanne Laubie pour l’informer qu’il a décidé de donner le nom de «
Louis Laubie » à l’ex sous-marin allemand U766 incorporé dans la
marine nationale à titre de prise de guerre, voulant ainsi perpétuer
dans la flotte de combat le souvenir de l’ingénieur mécanicien de
première classe Laubie, disparut glorieusement avec son bâtiment
vers le 29 décembre 1943, à proximité des côtes de Provence.
Jeanne Laubie ne s’est pas remariée et s ‘est réinstallée à Toulon
en 1971, pour sa retraite. Elle y est décédée en 2004.
L’épave du « Protée » sera retrouvée en 1995, par un autre Gadzarts,
au large de Cassis : les pêcheurs « crochaient » régulièrement leurs
filets un peu au large. Ayant des contacts avec la Comex, société
marseillaise de recherches océanographiques fondée et dirigée par
Henri Delauze (Aix 1946), ils signalent le fait. La Comex effectue
une plongée sur la zone et peut identifier l’épave du « Protée ».
Pratiquement intacte, elle repose sur un fond sableux sous 125
mètres d’eau à proximité d’une fosse marine qui s’étend un peu plus
loin. Seul le kiosque est un peu endommagé, mais il a pu l’être par
la traîne des filets. Malgré cette identification, les circonstances
exactes de la disparition du « Protée » ne sont pas élucidées.
Certains disent qu’il a pu, en immersion peu profonde, heurter une
mine qui a endommagé l’avant du kiosque et provoqué une voie d’eau.
D’autres pensent que le « Protée » a pu se poser sur le fond pour
tenter d’échapper à un grenadage depuis un bâtiment de surface
allemand, et n’a pu ensuite remonter.
Le mystère subsiste.
Bernard Jacquet (Cluny 1977)
SOURCES : Mémorial des officiers de la Marine. Bio Laubie,
E.Taillemite, Dictionnaire des marins français.
Remerciements Patrick Labail
Remerciements Bernard Dulou
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