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Commissaires de la Marine -
Daniel Charles Joseph HOMMEY
(1918 - 2003)

Né le 6 décembre 1918 à CLERMONT FERRAND (Puy de Dôme) - Décédé le
30 janvier 2003 à PERPIGNAN
Fils d'Edmond et de Jeanne LEROY
Marié le 16 octobre 1944 avec Renée MOUSSET, à DIEGO-SUAREZ
(Madagascar)
Entré en service en 1934 à l’Ecole des Mousses
Secrétaire à bord d’un torpilleur saisi par les Anglais
Rallie les FNFL le 19 juillet 1940, matricule 1870C34
Etat major Londres de juillet 1940 à janvier 1942
Il conçoit et réalise la version définitive du pavillon de beaupré
des FNFL

Aspirant commissaire le 1er janvier 1942
Marine Levant de janvier 1942 à janvier 1943, comme adjoint chargé
des approvisionnements et de l’habillement.
Commissaire de l'Unité Marine de Beyrouth et Adjoint au Commissaire
Chef de l'intendance Maritime de la Marine au Levant,
Marine Madagascar
Commissaire de 1ère classe de réserve
Commissaire principal de réserve en 1975

Décorations :
Chevalier de la légion d’Honneur
Officier dans l’ordre national du mérite
Croix du combattant volontaire 1939-45
Médaille de la France Libérée
Médaille commémorative de la France Libre
Médaille commémorative de la guerre 1939 1944
Cité à l’ordre de la brigade, lettre manuscrite du Général De Gaulle

Témoignage de Daniel Hommey
Témoignage publié dans le "courrier des lecteurs" de la revue
Historama, janvier 1977
Ayant été au cœur du problème je crois utile de vous apporter ma
contribution et vous autorise à en faire l'usage qu'il vous plaira :
Tous les bâtiments de guerre présents sur les côtes françaises ouest
quittèrent leur port d'attache le 18 juin pour se rendre sur ordre
de l'Amiral Darlan dans le port britannique le plus proche. Les
bâtiments ayant quitté Lorient (Le "Triomphant", le "Cdt Dominé", l'
"Impassible" et je crois "la Moqueuse") arrivèrent à Falmouth le 19.
C'est au cours de cet après-midi que certains membres de l'équipage
dont je faisais partie, à l'écoute de la B.B.C., entendirent l'appel
du Général de Gaulle.
A Falmouth rien ne se passa avant le 3 juillet à 4 h. Tout le monde
dormait quand le factionnaire descendit dans le poste et cria "Les
gars, nous sommes entourés par deux torpilleurs anglais, canons
braqués sur nous." A 8 h tout l'équipage quittait le bord après
avoir amené les couleurs. Réunis dans les jardins entourant le
Théâtre Municipal les équipages des différents bâtiments présents
dans le port, furent informés des conditions de l'Armistice. A 22 h
tout le monde se retrouva dans la salle du Théâtre : là on nous
remit un petit papier blanc sur lequel il nous fut demandé d'écrire
"oui" ou "non" selon que nous désirions continuer la guerre contre
l'Axe ou rentrer en France. Réponses anonymes, marin de son bateau,
comme ce fut le cas, ceux ayant répondu "oui" seraient regroupées
pour s'embarquer dans un train qui nous mènerait à Portsmouth, les
autres seraient dirigés vers des camps en attendant leur
rapatriement.
Pour des raisons qui ne nous furent jamais expliquées, tout le
monde, sans aucune distinction de volontaires ou non, se retrouva
dans un train, et nous étions dans la matinée à Liverpool et de là
embarqués dans des camions qui nous déposèrent dans des camps
entourés de barbelés sur les terrains de courses d'Ain¬tree - à 9 km
de Liverpool. Les camps gardés par des sentinelles britanniques,
regroupèrent environ 15.000 marins sous l'autorité de leurs
commandants d'Unités. Les rapatriements en France n'eurent lieu qu'à
partir de l'automne. On fit venir à Liverpool deux Navires-Hôpitaux;
le "Sphinx" et le "Canada" qui rapatrièrent au moins 10.000 marins.
Il peut être intéressant de noter et en cela peu de marins me
contrediront que si les Anglais avaient adopté une attitude
permettant à ces marins de rester à bord de leurs bateaux - qui sont
vous le savez toute leur vie - la majeure partie de ces navires
auraient été maintenus dès juillet 1940 dans le combat; seuls
quelques marins chargés de nombreuse famille auraient peut-être
hésité. Un exemple est frappant de cette psychologie du marin : les
trois sous-marins qui se trouvaient en Ecosse, le "Rubis" la
"Minerve" et la "Junon" se rallièrent en entier dès les premiers
jours de juillet. Mais, enlevez un marin de son bateau, comme ce fût
le cas ce 3 juillet; vous le déracinez et c'en est fini ...; il faut
voir là la raison essentielle du retour en France de plus de 13.000
de ces "débarqués".
Depuis cette réunion à Falmouth je suis décidé à partir et dès notre
arrivée au camp d'Aintree, trois camarades se joignent à moi pour
tenter une sortie. Mais nous sommes dans l'ignorance totale des
moyens nous permettant de mettre notre projet à exécution; même un
officier de liaison anglais du camp nous dit ne rien savoir; il faut
attendre notre rapatriement.
Enfin, après une semaine de cet isolement, on autorise une infime
partie de chaque équipage à sortir du camp de 14 à 16 h. Consigne
formelle: 10 % maximum de chaque équipage, et interdiction de
quitter Aintree.
Heureusement certains marins d'autres camps poussent l'audace
jusqu'à prendre le tramway qui les mène à Liverpool. A leur retour
et à l'heure où les marins des différents camps se retrouvent tous
dans un terrain proche où est installé une Coopérative (N.A.A.F.I. :
Navy, Army and Air Force Institute) nous apprenons qu'ils ont
rencontré près de la Gare de Lime Street à Liverpool un S/Lieutenant
de l'Armée Française qui se propose de faire partir sur Londres tous
ceux qui le désireront après avoir signé un engagement pour la durée
de la Guerre plus 3 mois sous les ordres de l'Amiral Muselier auquel
le Général de Gaulle vient de confier le commandement en Chef des
Forces Navales Françaises Libres.
Décidés à partir, nous nous tenons prêts, avec mes trois camarades
du bord, à saisir la première occasion; elle se présente dès le
lendemain; une alerte aérienne sème la panique chez les sentinelles
anglaises qui gardent les issues du camp. Nous bondissons et nous
voilà en route pour Aintree. Dès notre arrivée à Liverpool, nous
apercevons en effet près de la gare un S/ Lieutenant français
porteur d'un brassard aux couleurs françaises, sur lequel est
imprimé "Légion de Gaulle". Contact pris, il nous conduit auprès de
son chef, le Lieutenant Lahana qui occupe un bureau au Liverpool
Press Club. Ayant signé les papiers d'engagement nous devons prendre
le soir même le train pour Euston Station à Londres où nous serons
pris en charge et conduits dans un Dépôt qu'installe la Marine à
Gordon Street.
Nous n'avons donc qu'une hâte: partir pour Londres. Il y a un train
vers minuit. Cette journée aura été mémorable à plus d’un titre:
c'est le 14 juillet.
Au moment du départ, le Sous-lieutenant nous informe qu'il a reçu un
message de l'Amiral Muselier qui demande au Lieutenant Lahana de
nous garder avec lui à Liverpool pour constituer le noyau d'une
équipe de recrutement dans les camps. Et nous voilà coincés dans le
port, sans gîte autre que les refuges des Y.M.C.A. (Youg Men Christ
Association).
Et le lendemain 15 juillet 1940 commence pour nous une vie nouvelle
à un double titre: sergents recruteurs et sous les ordres d'un
officier de l'Armée de Terre. L'équipe est constituée dès 8 h :
- l'un de nous quatre sera le chauffeur d'une camionnette 303,
- les deux autres essaieront de pénétrer dans les camps pour y
porter la bonne parole et distribuer un journal que l'on fabriquera
avec les moyens du bord, - moi, je taperai le dit Journal qui sera
rédigé par le S/Lieutenant Poirel en traduisant des nouvelles, qui
paraissent dans les quotidiens régionaux et locaux, voire nationaux.
Ensuite, je tire tout cela à la Ronéo. En route pour les camps qui
sont dispersés tout autour de Liverpool.
Mais les choses s'annoncent plutôt mal dès le premier essai: nous ne
pouvons pénétrer dans les camps qui sont placés, intérieurement,
sous la responsabilité des Officiers français commandant les
différents équipages. qui y sont "hébergés". Il faut donc rester
hors des barbelés et essuyer les injures de certains de ces
"messieurs" sans compter les bouteilles qui nous sont jetées ainsi
que différents objets.
Le soir, au moment du départ du train de Londres les premiers marins
que nous avons pu décider à nous suivre et qui ont signé leur
engagement dans notre "local" c'est la bagarre quotidienne à la Gare
de Lime Street, des commandos venus des camps essaient d'empêcher
ces départs. Il faudra attendre plusieurs semaines pour que les
choses se normalisent et ce n'est que très tard, vers septembre je
crois, que notre équipe qui s'est entre-temps renforcée, vue
l'ampleur de la tâche et la dispersion des camps, pourra enfin
pénétrer dans les camps sans aucun risque sérieux.
Nous avons de véritables bureaux puis un jour nous émigrons dans le
plus bel immeuble sur le Port, d'où nous contrôlons notre
organisation qui s'est enrichie d'un bateau-dépôt, l'ex-transbordeur
de haute mer venu de Cherbourg rebaptisé pour la circonstance "Le
Volontaire". Là transiteront plusieurs centaines de marins des camps
qui iront former les équipages des premiers bâtiments (nos propres
bâtiments saisis le 3 juillet 1940) que les Anglais consentiront à
nous rendre, non sans s'être faits prier plus que de raison après
des scènes mémorables entre d'une part le Général de Gaulle et
Winston Churchill et d'autre part l'Amiral Muselier et l'Amirauté de
la Royal Navy.
Au moment du départ des Navires-¬Hôpitaux "Sphinx" et "Canada" nous
avons tenté, sur les quais de Liverpool, de rallier quelques marins.
A l'occasion d'un de ces départs j'ai été le chauffeur occasionnel -
et je m'en souviens car c'était la première fois que je prenais le
volant d'une 303 dans les rues anglaises à circulation à gauche -
d'un Lieutenant de Vaisseau (ou était-il Capitaine de Corvette ?)
qui partait pour une toute autre destinée - mais pouvais-je le
deviner ? C’était d'Estiennes d'Orves.
Cette tâche était cependant ingrate pour des marins - je venais de
passer plus de quatre ans sur un Torpilleur et depuis septembre 39
j'avais participé à de nombreuses escortes de convois -. Je n'avais
de cesse de quitter ces lieux et de me lancer à l'aventure. Mais ce
n'était pas aussi facile que je me l'imaginais; j'ai dû à une
circonstance très pénible d'être enfin autorisé à gagner Londres: la
mort d'un Second-Maître fourrier dans un bombardement londonien et
voilà comment j'ai fait mon entrée à I ‘Etat-major d'abord à Carlton
Gardens en octobre 1940 puis à Westminster House en décembre où
l'Amiral Muselier Commandant en Chef des Forces Navales et Aériennes
Françaises Libres entrait dans ses propres meubles.
Je garde un souvenir émouvant des amitiés nouées à Liverpool au
cours de cette mission hors du commun pour un marin. Ce brave
Captain Kidd sans qui nous n'aurions pu démarrer et ces gens
admirables du Liverpool Press Club qui ne savaient que faire pour
m'être agréable - sans oublier les pintes de bière et le gin -. J'ai
même été fait membre de ce club. Je n'ai pas eu le bonheur de
retourner à Liverpool pendant cette guerre qui m'a conduit de
Londres au Moyen-Orient en faisant tout le tour de l'Afrique (63
jours de mer de Greenock à Freetown, puis Le Cap, Durban, Aden,
Suez, Ismaïlia puis le train jusqu'à Haïfa et enfin le camion - le
train n'allait pas plus loin à l'époque - jusqu'à Beyrouth - petite
ville en ce temps-là mais combien attachante. Là j'ai participé au
recrutement! Encore! De 3.000 marins libanais pour assurer la
défense des côtes de Turquie jusqu'en Palestine. Je n'étais plus,
cependant, recruteur mais en qualité de Commissaire de l'Unité
Marine de Beyrouth et Adjoint au Commissaire Chef de l'intendance
Maritime de la Marine au Levant, l'habilleur et le payeur puis le
ravitailleur de ces marins stationnant sur les plages libanaises -
et même des marins à cheval y patrouillant - pour servir des canons
implantés là à leur intention par le Général Catroux. J'ai ensuite
eu à m'occuper de nos braves fusiliers-marins de "retour" de Bir-Hakeim
puis ce fut Madagascar avec encore plus de 40 jours de mer à cause
des escales prolongées à Djibouti, à Mombasa, Tanga et Durban.
Mais en 1960 enfin, étant en Algérie, je me suis payé avec ma
famille le voyage de Liverpool - afin d'y retrouver des amis chez
qui j'avais été si généreusement hébergé au cours de mes trois mois
de séjour forcé. Et là, en téléphonant tous azimuts j'ai pu
retrouver ce brave Captain Kidd, 20 ans après, dans un petit coin de
la côte pas loin du lieu de nos exploits de 1940.
Daniel Hommey, Perpignan.

Remerciements Bernard Dulou
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