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- Officiers et anciens élèves -

 

 

Henri Gaston GONZALEZ de LINARÈS

(1866 - 1914)

 

Remerciements Photo / Philippe de Linares

 

 

Né le 25 août 1866 à KAKINADA ou encore Cocanada (INDES) - Décédé le 31 août 1914 à CHERBOURG (Manche)

 

Entre dans la Marine en 1884

Aspirant le 5 octobre 1887,

Enseigne de vaisseau le 29 mai 1890.

Au 1er janvier 1892, sur l'aviso "HÉRON", Station locale du SÉNÉGAL et de la GUINÉE Occidentale (Cdt Romain ROUGELOT).

Aux 1er janvier 1894, 1896, port CHERBOURG. Au 1er janvier 1897, en résidence conditionnelle du 1er septembre 1896 à CHERBOURG.

Lieutenant de vaisseau le 10 avril 1897.

Au 1er janvier 1899, sur le croiseur "DUBOURDIEU", Division navale de l'Atlantique (Eugène LE LÉON, Cdt).

Au 1er janvier 1900, stagiaire sur la "COURONNE", École de canonnage.

Officier breveté Canonnier.

Aux 1er janvier 1901, 1902, sur le cuirassé "MAGENTA", École des marins-torpilleurs (Claude RICHARD D'ABNOUR, Cdt).

Chevalier de la Légion d'Honneur, le 10 juillet 1901

Aux 1er janvier 1903, 1904, sur le cuirassé "FORMIDABLE", Escadre du Nord (Cdts Eugène LE LÉON puis Victor IMHOFF).

Au 1er janvier 1906, Second sur le croiseur "DESCARTES", Escadre d'Extrême-Orient (Cdt Jean AMET).

Le 17 janvier 1908, Commandant la canonnière "DÉCIDÉE", Division navale d'Extrême-Orient.

 

Sur la "DÉCIDÉE"

Remerciements Photos / Philippe de Linares

 

La "DECIDEE"

 

 

Idem au 1er janvier 1909.

Au 1er janvier 1911, Second sur le croiseur cuirassé "LATOUCHE-TRÉVILLE", Annexe de L'École de canonnage (Louis PETIT, Cdt).

Capitaine de frégate le 1er janvier 1912, port CHERBOURG.

Au 1er janvier 1914, port CHERBOURG.

 

 

Le 31 août 1914, il décède sur le contre-torpilleur "DUNOIS" alors qu'il en est le Commandant

 

Dessiné par lui-même

 

 

 

Dossier Légion d'honneur / Lien web
 

 

Complément d'informations fournies par Philippe De Linares

 

Le dossier de Henry Gaston Gonzalez de Linares est issu des archives de la Direction du personnel de la Marine. On y retrouve donc, comme pour tout officier de marine, les fiches, notes et documents qui concernent sa carrière et donc ses notations, des ordres de mutation ainsi que tous les papiers administratifs traitant des problèmes qu’il a pu rencontrer pendant les trente années qu’il a passées dans la Marine.

A la lecture de tous ces papiers, on s’aperçoit que trois grands sujets ont produit de nombreuses archives et méritent une analyse particulière.

Le premier concerne bien évidemment sa notation. Depuis toujours, les administrations françaises et donc les armées et bien sûr la Marine ont été prolixes dans la rédaction des jugements portés sur les serviteurs de l’Etat. Même si ces jugements sont très flatteurs et souvent convenus, ils permettent de se faire une certaine idée de qui était Henry Gaston Gonzalez de Linares.

Le deuxième sujet concerne sa nationalité. Celle-ci a été remise en cause à plusieurs reprises. Il était fils d’étranger, né aux Indes. Le nombre de certificats et papiers qui émaillent son dossier montre que la question de sa nationalité lui a causé des soucis longtemps après son entrée dans la Marine.

Enfin nous nous intéresserons à sa santé. Son dossier médical ne fait pas partie des archives consultées. Pourtant, les nombreux certificats médicaux, demandes de congé de maladie prouvent que sa santé fragile a été un handicap parfois lourd à porter.


La notation

Henry Gaston a réussi les épreuves du concours d’entrée à l’Ecole Navale, ce qui lui a permis d’embarquer à bord du « Borda », le bâtiment école, au début du mois d’octobre 1884. Il a alors tout juste 18 ans. C’est l’âge normal. Mais il avait peut-être tenté d'intégrer l'école navale un ou deux ans auparavant. Quelques papiers dans son dossier (autorisation, certificat médical) le laissent supposer.

Son rang d’entrée n’est pas mentionné. Ils sont 102 à avoir été admis. Les appréciations que l’on découvrira plus tard laissent supposer que s’il n’était pas dans les premiers, il n’était pas non plus dans les derniers. Son rang se situe probablement vers le milieu du classement.

On trouve ses épreuves corrigées. Ainsi, il a obtenu les notes suivantes : 18 en géométrie, ainsi qu'en algèbre, 13 en français et 13 en anglais. A d'autres épreuves (probablement orales), il a obtenu 8 en latin, 7 en anglais, 12 en géographie et seulement 3 en histoire. Il est difficile de se prononcer sur la qualité des épreuves. La sélection à l'entrée à l'école navale est faite par un concours où seul le classement des candidats compte.

Les épreuves les plus déterminantes sont les épreuves scientifiques où les coefficients sont élevés (9 ou 6). Mais à cette époque, le dessin était une épreuve relativement importante (le coefficient est 4, le même que pour le français) . Il n’existait pas les moyens photographiques d’aujourd’hui, et tous les officiers de marine devaient pouvoir dessiner rapidement un bâtiment à la mer ou une côte ou toute autre scène qui présentait un quelconque intérêt militaire. La seule source d’images de renseignement était le dessin.

Le dessin est très académique. Le modèle est très probablement une statue. Il a été noté 16, ce qui semble une bonne note. Son trait est en effet sûr, et le visage ne manque pas d’expression.




Epreuve de dessin réalisée par Henry Gonzalez de Linares

 


A l’école navale, ses notes ne sont pas très brillantes.

Le 31 juillet 1885, après une année scolaire, on peut lire sur son bulletin :

rang : 87 / 102
conduite : passable
tenue : très bonne
caractère : indolent, insouciant, peu discipliné
travail : très insuffisant

Quelques mois plus tard, le 1er janvier 1886, même si la « conduite » est maintenant « très bonne », les autres appréciations n’ont guère été modifiées. Ainsi, on peut lire :

rang : 91 / 102
conduite : très bonne
tenue : très bonne
caractère : nature sympathique mais caractère trop indolent
travail : presque nul
aptitude : bonne


Et l’appréciation générale suivante : « Le rang de Monsieur de Linares baisse à chaque classement tandis qu’avec un peu de travail, ce officier pourrait rattraper son rang d’admission ».

Il semble que Monsieur de Linares ne s’en faisait pas trop et prenait plutôt du bon temps !

Le 1er août 1886, il n’a pas tout à fait vingt ans, il termine sa deuxième année à bord du « Borda », juste avant d’embarquer sur l’« Iphigénie » qui est l’école d’application, la « Jeanne d’arc » de l’époque en quelque sorte. Comme à tous les élèves, le grade d’aspirant de deuxième classe lui est conféré. Il est alors apprécié ainsi : « Gentil jeune homme manquant d’énergie et de feu sacré » ce qui n’est pas très gentil.

A bord de l’« Iphigénie », on commence à noter ses progrès, même si l’aspirant de Linares ne se met pas beaucoup en valeur : …. A fait des progrès sensibles, caractère froid et réservé.

Puis, le 30 juillet 1987, à la fin de sa campagne : « Caractère froid et indolent. Conduite très bonne, tenue parfaite, aptitude passable, intelligence ordinaire, travail assez bon, cet aspirant soigneux et appliqué n’a pas d’entrain ni de commandement, il semble toujours d’une tristesse morne.

Il devient aspirant de 1er classe le 8 octobre 1887. Il embarque à bord du « Magellan », un transport de troupes. Il semble qu’alors, il va se révéler. Est-ce la fin de l’école, ou bien celle de l’adolescence de monsieur de Linares, ou bien découvre-t-il enfin l’intérêt du métier ? Ses appréciations vont devenir bonnes puis très bonnes et même dithyrambiques….

Ainsi , le 5 juillet 1888, le commandant du « Magellan » écrit : Monsieur de Linares est bien élevé mais il est un peu timide et manque de commandement. Il a néanmoins fait des progrès sensibles pendant la campagne. Quand il aura surmonté cette timidité, il fera sans doute un bon officier.

Il embarque alors à bord du cuirassé « Suffren », basé à Cherbourg. Il y est manifestement bien apprécié. Le 1er octobre 1889, il a tout juste 23 ans et est alors ancien dans son grade (il passera enseigne de vaisseau le 20 mars 1890). Il est noté ainsi : Sous des dehors un peu froids et réservés, Monsieur de Linares cache, je crois beaucoup d’énergie. Il est intelligent, observateur et fait très bien son service. Il est en fait bien élevé et très digne dans ses relations avec ses camarades.

Puis, en 1890, à bord du « Marengo » : Il n’y a que des éloges à faire de la manière d’être et de servir de Monsieur de Linares qui est un jeune homme très bien élevé et tout à son devoir.

Il est alors remarqué par l’amiral chef de division qui note : Très bon aspirant, remarqué à l’inspection générale pour la fermeté dans le commandement et les autres qualités. Sans le connaître autrement, je viens de l’attacher à la majorité pour sa bonne attitude.

Les notations suivantes sont excellentes que ce soit à bord de l’aviso à roues le « Brandon », ou de l’aviso de 2ème classe le « Héron » à bord duquel il se distingue pendant la campagne de guerre du Dahomey (du 12 mai au 23 décembre 1892) ou encore en Cochinchine, où il sert à bord de la canonnière cuirassée « Styx » où on écrit de lui : Monsieur de Linares est un jeune officier universellement estimé à tous points de vue et s’intéressant très vivement à toutes les questions du métier.

Il retourne en France pour être affecté à l’escadre du nord, puis à la division navale de l’Atlantique, à bord du croiseur « Dubourdieux ». Ses appréciations sont toujours aussi élogieuses. Il se marie en 1896, reçoit le grade de lieutenant de vaisseau en 1897, il a alors 30 ans. A une époque où le grade de capitaine de corvette n’existait pas, ses promotions sont très honorables.

Puis il est affecté à Toulon, en école. En 1901, à bord du Cuirassé d’escadre « Magenta » qui est l’école des marins torpilleurs, on le note ainsi : Officier très sérieux. Officier de tir du bâtiment, dirige très bien son service et l’instruction de son personnel. S’occupe sérieusement du matériel.

Il embarque sur le cuirassé « Formidable », à Brest où ses notations sont toujours excellentes.

Puis il retourne en Extrême-Orient où il est désigné pour être officier en second du « Descartes ». L’appréciation que fait de lui son commandant est intéressante :  Patient, d’humeur toujours sereine, d’un zèle inlassable, s’intéressant avec ardeur et intelligence à tout ce qui touche à notre métier qu’il possède bien, Monsieur de Linares est le type de l’officier et de l’homme de devoir. Je l’apprécie beaucoup comme second et si par ce service je cherche quelque chose à critiquer chez lui, je trouve peut-être un excès de modestie qui le fait parfois un peu trop douter de lui-même. L’école de commandement l’accomplira.

En 1907, il est de retour à Toulon où il est officier en second du contre-torpilleur « Mousqueton ». On trouve alors pour la première fois une appréciation où les critiques négatives sont nombreuses. Quelles étaient les relations avec son commandant ? Etait-il fatigué par son séjour en Extrême-Orient ? Toujours est-il que sa notation n’est pas bonne : Monsieur de Linares est entièrement zélé et consciencieux. Tempérament sympathique. Pas assez d’énergie ; pas assez de décision pour la manœuvre du bâtiment dont il s’acquitte assez bien mais presque toujours en retard sur le moment opportun.

L’amiral, qui note après son commandant tempère un peu cette appréciation : Monsieur de Linares a sans doute de petits défauts que signale le commandant B, mais c’est assurément un bon officier qui a de beaux services …

L’année suivante, en 1908, il part commander la « Décidée » en Extrême-Orient. La « Décidée » est un "croiseur non protégé" (sorte de canonnière qui déplace 680 tonnes pour une longueur de 56 mètres) à bord duquel le lieutenant de vaisseau de Linares va sillonner les eaux du fleuve Yang-Tsé.

Il est alors noté par le contre-amiral, commandant la division en Extrême-Orient. Quelques temps après son arrivée, il n’est pas encore connu et est apprécié avec une petite réserve, même si sa réputation est excellente :  Le lieutenant de vaisseau de Linares a la réputation d’un excellent officier. Il dirige bien son bâtiment au point de vue de la conduite et de l’entraînement du personnel ainsi que de son entretien et de l’utilisation militaire du matériel. Mais il ne se rend pas toujours parfaitement compte de l’importance des missions qui lui sont confiées. L’exercice du commandement de la Décidée lui fera sans doute acquérir l’expérience qui lui manque encore à ce sujet.

Cette appréciation est elle aussi tempérée par le vice-amiral, commandant en chef de l’escadre de la Méditerranée et qui note en dernier ressort et d’ailleurs, dès l’année suivante, alors qu’il commande toujours la « Décidée », son chef de division ne met plus de réserves dans ses propos élogieux : Le lieutenant de vaisseau de Linares est un officier des plus sérieux qui s’acquitte maintenant à mon entière satisfaction des missions que je confie à la Décidée. Le bâtiment est bien manœuvré et bien commandé à tous égards.

En 1910, il est affecté à l’école de canonnage, à bord du « Latouche-Tréville » où il est fort apprécié : Officier dont la carrière est parmi les plus belles et qui honore grandement notre corps.

Il est nommé capitaine de frégate le premier janvier 1912 et en 1913, toujours à l’école de canonnage, mais à bord du cuirassé d’escadre République son commandant écrit ceci : Il n’est pas possible de trouver un officier plus sérieux, plus discipliné et plus consciencieux. Ces qualités accompagnées de beaucoup de bon sens, de calme et de modestie lui assurent une grande autorité sur le personnel appelé à servir sous ses ordres.

Ce sera sa dernière appréciation. Il va décéder l’année suivante, le 31 août 1914, en rade de Cherbourg, à bord du contre-torpilleur « Dunois » dont il est le commandant.

Au vu des dernières notations, on peut imaginer que le capitaine de frégate de Linares était promis à une carrière exceptionnelle.

Pour être tout à fait honnête, il faut légèrement atténuer les descriptions enthousiastes des derniers commandants. En effet, les conventions de l’époque (c’est d’ailleurs toujours vrai) voulaient que les aspects négatifs de la notation fussent bien amoindris.

On peut quand même affirmer que Henry Gaston de Linares a fait une carrière plus qu’honorable. En particulier, il a réussi a bien surmonter le handicap de son rang (très moyen) de sortie de l’école navale. En fin de carrière, on constate en consultant l’annuaire des officiers de marine (page 127 de l’annuaire de 1914) que dans sa promotion, il avait le 16ème rang comme capitaine de frégate, sur les 41 de sa promotion et qu’il a le 26ème rang des capitaines de frégate nés comme lui en 1866. Il est classé au dessus de la moyenne.


La nationalité

La nationalité de Henry Gaston Gonzalez de Linares a été très longtemps mal définie. Il était fils d'étranger, lui-même né à l'étranger. Nombre de documents, lettres ou certificats de baptême (de lui-même ou de son père) ont tenté de montrer qu'il pouvait être français.

Il est né à Coconada, Indes orientales et territoire britannique, mais il a été inscrit, grâce à un jugement qui date du 22 septembre 1866, soit moins d'un mois après sa naissance, sur les registres de Yanaoon également aux Indes orientales, mais en territoire français.

Lorsqu'il est rentré dans la marine, il était mineur et il semble bien qu'à ce moment là, il avait la nationalité anglaise.

En 1882 , le jeune Henry Gaston a 16 ans. C'est pourtant dès cette date que le "ministre de la marine et des colonies" va l'autoriser à présenter le concours de l'école navale. Pour cela, il s'appuie sur un extrait de baptême certifié de son père Jean Etienne qui a effectivement été baptisé le 27 octobre 1822 à Yanaoon. Il ignore que Jean Etienne est né en fait à Neapilly, c’est à dire en territoire anglais !

"faisant connaître que M Jean Etienne Gonzalez de Linares, père du candidat à l'école navale… est né à Yanaoon". Il ajoute : " Ce document me paraît établir suffisamment pour le jeune Gonzalèz (sic), le droit au bénéfice de la loi du 16 décembre 1874 concernant les étrangers nés en France de pères étrangers qui eux-mêmes y sont nés. En conséquence, j'autorise ce jeune homme à concourir pour l'admission à l'école navale en 1882. Il demeure entendu que le jeune Gonzalèz devra produire en temps nécessaire l'acte de renonciation exigée par la loi précitée…"

Ce document date de 1882 alors que Henry Gaston Gonzalez de Linares a intégré l'école navale en 1884. Avait-il présenté l'école navale dès cette date ? Ou alors son père avait-il préféré demandé cette autorisation longtemps à l’avance ? Nous n'avons pas d'autres traces d'éventuelles autorisations postérieures.

En 1884, juste avant son entrée à l’école navale, il obtient de la mairie de Boulogne un certificat de résidence et de bonne vie et mœurs. Ce certificat précise bien qu’il est sujet étranger.

A sa majorité, Henry Gaston Gonzalez de Linares renonce à sa qualité d’étranger. C’était probablement obligatoire, même si le procureur de la république imaginera ultérieurement que c’était pour faciliter la renonciation de son frère Jacques-Joseph. Ce point reste peu clair.

Il effectue cette formalité à l’âge de 22 ans, rappelé à l’ordre, semble-t-il par le maire de Boulogne qui lui demande de justifier sa nationalité étrangère pour ne pas être appelé sous les drapeaux ! Il va passer une dizaine de jours à Boulogne uniquement pour remplir cette formalité.

Le 7 novembre 1888, la mairie de Boulogne lui établit un certificat : « … Henry Gaston Gonzalez de Linares aspirant de marine de première classe à bord du Suffren, demeurant à Boulogne, rue Faidherbe 73, né à Cocanada (Indes Orientales) le vingt cinq août mil huit cent soixante six inscrit sur les registres des actes de naissance de Yanaoon (Indes Orientales) le vingt deux septembre suivant, fils de Jean Etienne Gonzalez de Linares et de Marguerite Lesparda, son épouse, lequel nous a déclaré qu’étant né de père et mère étrangers, il fixait définitivement son domicile à Boulogne pour y exercer tous ses droits tant civils que politiques et réclamait en même temps la qualité de français, conformément à la loi du … »..

Ce document laisse supposer que sa mère n’était pas française. En effet, il faut ce souvenir qu’à cette époque, en France, la loi prévoyait qu’une femme qui épousait un étranger perdait automatiquement sa nationalité française.

On pourrait penser que Henry Gaston Gonzalez de Linares en a définitivement fini avec ses problèmes de nationalité. Il fait partie de l’armée française et a renoncé a sa nationalité anglaise. En réalité, ses origines vont certainement continuer à poser quelques problèmes puisque la marine va recevoir à plusieurs reprises des lettres du procureur de la république de Boulogne qui demande des renseignements sur les origines de la famille de Linares et comment Henry Gaston a-t-il pu rentrer dans la marine. L’une d’elle, qui date de 1895, est significative : « … le tribunal serait encore désireux d’obtenir copie conforme des lettres ou attestations par lesquelles M de Linares père a déclaré, à l’époque où son fils s’est présenté à l’école navale en 1884 que lui même était né à Yanaoon le 16 juin 1822.

M Jean Etienne Gonzalez de Linares, père de l’officier de marine, a prétendu en effet à cette époque être né à Yanaoon (Indes françaises) afin de permettre à son fils Henry Gaston Gonzalez de Linares d’entrer comme français à l‘école navale en sa qualité de fils d’étranger né sur le territoire français d’un père né lui-même en territoire français.

Aujourd’hui, le même Jean-Etienne Gonzalez de linares prétend non plus être né à Yanaoon, territoire français, mais simplement y avoir été baptisé et il allègue qu’il serait né en réalité à Neapilly, Indes anglaises.

C’est qu’aujourd’hui en effet, M de Linares père, désire donner ainsi à son second fils Jacques-Joseph Gonzales de Linares, frère de l’officier de marine, la faculté de répudier à sa majorité la qualité de français pour conserver la nationalité anglaise de son père Jean Etienne.

C’était évidemment en prévision de la demande qui se produit aujourd’hui que M de Linares père a fait renoncer à son fils l’officier de marine, à sa majorité, à la qualité d’étranger, renonciation qui vous semblait à juste titre inutile, mais qui pourrait bien avoir été faite pour préparer les voies à la renonciation à la qualité de français que veut effectuer aujourd’hui le frère de l’officier.

Il y a intérêt pour l’ordre public à ce que M de Linares père ne puisse au gré de ses intérêts modifier l’indication de son lieu de naissance de manière à attribuer à ses fils, soit la nationalité française, soit la nationalité anglaise, selon les besoins du moment… »

Henry Gaston Gonzalez de Linares a-t-il eu du mal à porter ses origines britanniques ? Il ne semble pas que sa carrière en ait souffert et la marine n'a apparemment pas fait de difficultés pour l’accueillir. Pourtant, à cette époque, l’anglais était toujours l’ennemi héréditaire !

Les choses n’ont probablement pas toujours été faciles.

Il faut en effet noter que, si pour l’état civil il possède un double prénom, composé du prénom anglais « Henry » (d'ailleurs souvent francisé sous la forme "Henri") et du prénom français « Gaston », dès son entrée dans la marine (peut-être même avant ?), il tente de faire disparaître l’ambiguïté de sa nationalité, ambiguïté affirmée en particulier par celle de son double prénom.

A cet égard, un document dont la copie est jointe est particulièrement intéressant : il s'agit de la fiche de "signalement d'officier" qu'il a lui-même remplie, à bord de l'"Iphigénie", probablement en 1887 et conformément aux règles en vigueur à l'époque. On peut lire : " Prénom : Gaston Henri   Lieu et date de naissance : Pondichéry 25 août 1866"

Ce document, qu'il signe "GG de Linares",  omettant le H de Henry comme il le fera toujours par la suite, est presque un faux ! Il écrit "Gaston" comme premier prénom, et surtout, il déclare être né à Pondichéry. Une bonne âme scrupuleuse a d'ailleurs biffé "Pondichéry" pour écrire "Yanaoon", ce qui est toujours inexact.

Le grand-père de Henry Gaston était espagnol, son père était anglais, lui ne savait peut-être pas très bien quelle était sa nationalité, mais ses enfants étaient français.


Il nous est maintenant aisé d’être européens !


La santé

C'est le dernier sujet intéressant de ce dossier. En effet, on constate qu'il contient un nombre important de certificats médicaux ou demandes de congés qui montrent qu'à l'évidence, Henry Gaston n'avait pas une bonne santé.

A son entrée à l'école navale, on constate qu'il était plutôt fluet. Il mesure alors 1m65 pour 55 kilos.

Mais ce n'est pas significatif. On ne voit rien dans son dossier (qui, rappelons le, n'est pas un dossier médical) qui pourrait laisser entendre qu'au début de sa carrière, sa santé est fragile.

Le premier avis individuel de congé qui apparaît dans son dossier date de janvier 1893. Il obtient alors un congé de trois mois pour « anémie coloniale ». On se souvient qu’il revient d’Afrique. Il avait été affecté à bord de l’aviso à roues le « Brandon » qui était stationné au Sénégal puis sur l’aviso de 2ème classe le « Héron » à bord duquel il avait participé à la campagne du Dahomey.

Est-ce en Afrique qu’il a contracté une maladie ? Rien ne permet de l’affirmer. Aussitôt après son congé, en 1893, affecté à bord du « Styx » il part en Cochinchine,

En 1899, il va obtenir un deuxième congé de maladie, d’une durée de trois mois, pour « anémie tropicale ». Il vient pourtant de passer plusieurs années en métropole. On peut donc penser que ses campagnes précédentes outre-mer ne sont pas étrangères à sa mauvaise santé.

En 1906, il revient tout juste d’une autre affectation en Extrême-Orient où il était officier en second à bord du "Descartes". Il obtient aussitôt un congé de trois mois pour "anémie paludéenne et dyspepsie". Le diagnostic est plus précis.

A compter de cette date et donc du retour de son séjour en Extrême-Orient, le lieutenant de vaisseau Gonzalez de Linares va multiplier les congés de maladie et aménagements à ses affectations. Ainsi, le contre-amiral, chef d'état major du préfet maritime de Toulon va demander à ce qu'il soit contrôlé par le conseil de santé (organisme composé de médecins et qui statue sur l'avenir d'un individu rencontrant des problèmes de santé).

Le 11 janvier 1907, le conseil de santé va ainsi prolonger de deux mois le congé de trois mois qu'il a obtenu le 17 octobre 1906. Le motif est toujours le même : "anémie paludéenne et dyspepsie" mais le certificat ajoute cette précision : "(endémique en extrême orient)" qui laisse entendre qu'on considérait que la maladie du lieutenant de vaisseau Gonzalez de Linares était due à une affectation en campagne.

A la fin de son congé, le 23 février 1907, le lieutenant de vaisseau Gonzalez de Linares demande par lettre à servir à Toulon, en précisant qu'il ne souhaite pas que son congé de maladie soit une nouvelle fois prolongé : "…Je ne veux point demander une nouvelle prolongation de convalescence qui me distrairait de la liste alors qu'une simple prolongation de séjour dans le midi après une campagne de deux ans en Extrême-Orient me permettrait de reprendre le service actif aussitôt ma désignation faite".

Le 2 mars 1907, il passe donc de nouveau devant le conseil de santé qui déclare que…"cet officier est atteint de rhumatisme chronique et que le climat des ports du nord pouvant lui être préjudiciable, après une campagne de deux ans en Extrême-orient, il y aurait lieu de l'autoriser à servir temporairement au port de Toulon."

Un peu plus tard, le 3 avril 1907, afin d’éviter d’aller à Brest (où le climat est humide) et peut être pour rester près de sa famille installée à Toulon, il demande à permuter avec un autre officier, affecté à Toulon. Il obtiendra gain de cause.

Il faut rappeler que les appréciations un peu négatives("…manque d'énergie…") ont été inscrites dans sa notation en 1907, c'est à dire pendant cette période.

Curieusement, cette année difficile pour sa santé ne va pas l'empêcher d'être inscrit au tableau de commandement, pour la "Décidée"…en Extrême-Orient.

Il va prendre son commandement le 22 décembre 1907.

Et dès son retour d'Extrême-Orient, il est manifestement en mauvaise santé puisqu'il obtient aussitôt un congé de maladie de trois mois, à compter du 18 février 1910 pour « anémie tropicale » ce qui confirme qu’il souffre toujours des mêmes maux. Le 21 mai de la même année, son congé est prolongé pour une durée de deux mois, toujours pour « anémie tropicale et dyspepsie ».

Henry Gaston Gonzalez de Linares meurt à Cherbourg le 31 août 1913 alors qu’il commande le contre torpilleur « Dunois » qui est au mouillage sur rade.

Le journal de bord décrit l’événement de façon très succincte :
« Lundi 31 août 8 heures à 24 heures

Décès du capitaine de frégate Gonzalez de linares commandant du Dunois à 9h35 du matin. »

Un peu plus loin, il est écrit :

« Fait rassembler l’équipage aux postes de compagnie pour le débarquement du corps du commandant.

Débarquement du corps du commandant par le vapeur de la Marseillaise, rendu les honneurs réglementaires. Déposé le corps à l’hôpital maritime. »

Nulle part il n’est question des causes de son décès. Dans sa famille, on parlait « d’abcès au foie ». Il semble évident que, même si on n’a aucune certitude absolue sur la cause de son décès, il souffrait d’une maladie qu’il avait contractée au cours d’un de ses séjours en Afrique ou en Extrême-Orient.


Dans le dossier on trouve encore une lettre de son épouse, datée du 25 septembre 1915 et qui demande au ministre de la marine de lui accorder une réduction sur le tarif des chemins de fer pour elle-même et ses enfants, ainsi que des facilités pour transporter son mobilier de Blois à Toulon où elle va s’installer.

Il faut se souvenir qu’à cette époque, les soldes étaient très peu élevées et que les pensions de veuves étaient donc dérisoires.

Longtemps après son décès, des marins anonymes, qui ont probablement estimé que son décès était dû à ses campagnes en Extrême-Orient, ont cherché à le faire inscrire sur le monument aux morts de l’école navale. Cette demande a été refusée.

En revanche, l’annuaire des officiers de marine (association amicale des anciens élèves de l’école navale) l’a inscrit sur la liste des « anciens élèves de l’école navale et rattachés tués à l’ennemi ou morts pour la France pendant les guerres 1914-1918 et au cours des opérations en Indochine en en Afrique du Nord ».

Il y est encore, comme le confirme l’édition de l’année 2000 de cet annuaire. Il n’y a pas de raison pour qu’il n’y demeure pas, dans la mémoire écrite des générations à venir d’officiers de marine.



 

Remerciements / Philippe de Linares, petit fils du CF Gonzales de Linares / reproduit avec autorisation de l'auteur

 

 

Remerciements Michel ANDRE / Petit-fils d'Alfred Fernbach

 

 

 

Remerciements à Gilles Jogerst / Généamar pour ses recherches et la mise à disposition de ses données

http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviation-marine/marine-1914-1918/liste_sujet-1.htm

 

 

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