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- Officiers et anciens élèves -

 



Charles Henri DUMESNIL

(1868 - 1946)

 

 

 

 

Entre à l’Ecole navale en octobre 1885.

Il sert en escadre d’évolution (1888), à Terre-Neuve (1890), en Méditerranée, au Levant et dans le Pacifique (1895-1896) où ses travaux hydrographiques sont remarqués. Breveté canonnier en 1902, il commande le contre-torpilleur Arbalète (1907-1908) en Méditerranée et devient en 1911 aide de camp du ministre de la Marine, Boué de Lapeyrère.

Après un retour dans les forces, il est nommé sous-chef du cabinet du ministre en 1914. Sous les ordres de Guépratte, il se distingue aux Dardanelles comme commandant du Latouche-Tréville dont les tirs protègent les opérations de débarquement de Koum-Kaleh et Sedd-Ul-Bahr.

 

Extrait Cols Bleus / 22 juin 1985

Remerciements Dominique Duriez

 

Chef d’état-major de la 3e escadre en 1916 il assure l’évacuation de l’armée serbe et le sauvetage du transport Arcturus.

Envoyé en mission en Russie, il s’illustre lors de l’incendie du cuirassé Impératrice Marie (janvier 1917).

 

 

 

 

Il commande ensuite la division des patrouilles de Méditerranée orientale et dirige les opérations de sauvetage du Monastir.

Contre amiral (mars 1919), chef de la délégation française à la commission navale de contrôle à Berlin (1920),

 

Extrait Ouest-France / 18 juillet 1920

 

Commandant la division légère de l’escadre de la Méditerranée orientale, il participe à l’évacuation de Sébastopol puis à celle de la colonie française de Smyrne lors de la guerre gréco-turque (septembre 1922).

Vice amiral (janvier 1923)

Préfet maritime de Brest

 

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Extrait La Dépêche de Brest / 17 avril 1923

 

 

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Extrait Ouest-France / 6 juillet 1923

 

Ministre Raiberti et VA Dumesnil au lancement du Duguay-Trouin le 14 août 1923 à Brest

Source Gallica BNF / Remerciements Christian de Marguerye

 

Commandant en chef de l’escadre de la Méditerranée (1924)

 

Extrait Ouest-France / 14 mai 1924

 

 

Extrait Ouest-France / 6 juin 1925

 

"Le Commissaire général marine Busson de face en casquette aux côtés du Président Paul Doumergue et du Vice-amiral Charles Dumesnil, Commandant l'Armée Navale, à bord du cuirassé Paris lors de la Revue navale de Cherbourg du 16 Juillet 1925".

Remerciements Christian de Marguerye

 

Extrait Ouest-France / 17 juillet 1925

 

Inspecteur général des Forces maritimes de Méditerranée, il quitte le service en octobre 1926.

 

Extrait Ouest-France / 15 septembre 1926

 

Rappelé en octobre 1939 comme inspecteur de la main d’œuvre indigène au ministère du Travail, il meurt à Paris en décembre 1946.

 

Extrait France-Soir / 31 décembre 1946

 


Sources : SHD/DM Vincennes, CC7 4e moderne 990 / 14 Cote : 180 GG² : lettres concernant les opérations militaires aux Dardanelles en 1915 ; document de l'amiral Guépratte concernant le rôle du cuirassé Bouvet en Orient pendant la Première guerre mondiale ; lettres adressées au VA Dumesnil au sujet de sa collaboration à l'ouvrage La Guerre navale racontée par nos amiraux (1925-1926). Dates extrêmes : 1915 – 1926

Dumesnil (Charles), Souvenirs de guerre d’un vieux croiseur (1914-1915). Préf. du général Gouraud, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1922 (34 R 37)

Taillemite (Etienne), Dictionnaire des marins français, Paris, Ed. maritimes et d'outre215 mer, 1982, p. 49

 

Remerciements André Coutard

 

 

Autres informations :

 

 

Né le 4 décembre 1868 à CHANU (Orne) - Décédé le 29 décembre 1946 à PARIS (Seine).


Entre dans la Marine en 1885

Aspirant le 5 octobre 1888; port CHERBOURG.

Il embarque sur le cuirassé "DÉVASTATION" en Escadre d'évolutions puis sur le croiseur "LAPÉROUSE", Division de Terre-Neuve.

Enseigne de vaisseau le 27 mai 1891.

En 1892, sur le cuirassé "AMIRAL-DUPERRÉ", puis sur l'aviso "POURVOYEUR", Station de TAHITI.

Lieutenant de vaisseau le 2 janvier 1898.

En 1899-1900, il commande la compagnie de débarquement du "BRENNUS" en Méditerranée (Cdt Augustin BOUÉ de LAPEYRÈRE).

En 1902, Officier stagiaire sur la "COURONNE", École de canonnage.

Breveté Canonnier, chargé de l'artillerie sur l' "AMIRAL-AUBE" en Manche.

Chevalier de la Légion d'Honneur le 3 février 1903.

Breveté de l'École Supérieure de la Marine, promotion 1905.

Il se distingue lors de l'explosion du "IÉNA" à TOULON le 12 mars 1907.

Il commande ensuite le contre-torpilleur "ARBALÈTE" en Méditerranée.

Au 1er janvier 1911, en résidence à PARIS, Officier d'ordonnance à l'État-Major particulier du Ministre de la Marine BOUÉ de LAPEYRÈRE.

Capitaine de frégate le 1er avril 1911.

En 1912, sur la "JUSTICE" en Méditerranée, Chef d'État-Major de la 2ème Division de la 2ème Escadre.

Officier de la Légion d'Honneur le 24 juillet 1912.

Au 1er janvier 1914, à PARIS, Sous-chef du Cabinet du Ministre de la Marine.

Puis, Commandant le croiseur cuirassé "LATOUCHE-TRÉVILLE", il se distingue aux Dardanelles en protégeant par un tir précis les opérations de débarquement de KOUM-KALEH et de SEDD-UL-BAHR.

Cité deux fois à l'ordre de l'Armée navale, dont en août 1915 : "Commandant le Latouche-Tréville. S'est distingué à plusieurs reprises par sa décision, son initiative, son sens marin et sa parfaite bravoure. A protégé sous le feu intense des batteries ennemies, le débarquement et l'avance des troupes mises à terre leur apportant le concours le plus précieux.".

Nommé Capitaine de vaisseau le 4 octobre 1915.

Croix de Guerre.

Chef d'État-Major de la 3ème Escadre, il joue un rôle essentiel dans l'évacuation de l'armée serbe en 1916.

En 1916-1917, il est envoyé en mission en Russie.

En 1918, il commande la Division des patrouilles de Méditerranée orientale et dirige les opérations de sauvetage de MONASTIR.

Contre-Amiral le 30 mars 1919.

Commandeur de la Légion d'Honneur le 15 octobre 1920.

Au 1er janvier 1921, Commandant la 1ère Division légère, Escadre de Méditerranée, pavillon sur le croiseur cuirassé "EDGAR-QUINET".

Vice-amiral en janvier 1923.

Grand-Officier de la légion d'Honneur le 29 décembre 1923.

 

Il quittera le service actif en octobre 1926.

 



 

 

 

 

Extrait Cols bleus du 6 mars 1976 / Remerciements Thierry Le Breton

 

 

LES OBSEQUES DE L’AMIRAL DU MESNIL

Lorsque l’Amiral (2ème section) DU MESNIL décéda à son domicile, à Brest même, le 29 février 1946, la nouvelle passa à peu près inaperçue, car cet Officier Général, qui avait pris sa retraite vingt-cinq ans auparavant, vivait à l’écart des mondanités brestoises ; il évitait la rue de Siam, dont les trottoirs, à l’époque, étaient moins larges qu’une coursive d’escorteur ; il ne fréquentait ni la piscine municipale, ni le Palais des Arts et la Culture, pour l’excellente raison qu’ils ne furent construits qu’un demi-siècle plus tard.

Mais ce décès brutal eut des retombées imprévues sur l’Escorteur Côtier « LE LURON » qui était de corvée pour la semaine.

Le Commandant du « LE LURON » reçu le soir même un long message de la Préfecture Maritime où il était dit : au primo, que l’Amiral DU MESNIL ayant commandé en Chef devant l’ennemi avait droit d’être « inhumé en mer » (expression étonnante pour ceux qui se souviennent que « humus » signifie « terre » …), et qu’il en avait précisément exprimé le vœu dans son testament. Le secundo du message ordonnait au « LE LURON » de participer à la cérémonie funèbre ; il devait embarquer dès le lendemain : le cercueil, la veuve, le Préfet Maritime, le Préfet du Finistère, l’Aumonier de la Région, le Président de l’Amicale des Anciens Marins du sous-marin à vapeur « NAUTILUS », les délégations des sept Associations Sportives dont l’Amiral était le Président d’Honneur, le Percepteur des Impôts ‘ancien marin du croiseur « FRATERNITE » que l’Amiral avait commandé, le Chef du Cabinet du Ministre de la Marine, le Président de la Société d’élevage des Poulets Bretons (marraine du « LE LURON ») le Secrétaire Perpétuel de l’Académie des Belles Lettres de l’île de BENIGUET, etc, etc … (nous nous excusons de ne pouvoir, faute de place, citer ici toutes les personnalité invitées à assister à la cérémonie, et nous renvoyons les nombreux curieux au n° 2689 du « Moniteur du LEON » qui a donné le compte rendu in-extenso des obsèques).

Le paragraphe tertio précisait que « LE LURON » devait appareiller à 08h00 ZULU, gagner la haute mer et une fois rendu dans le secteur 31416, au large de la Pointe Saint Mathieu, procéder à l’immersion avec le cérémonial règlementaire

Le paragraphe quarto, prescrivait d’adresser ensuite un compte rendu en 18 exemplaires … dont l’un à l’ELYSEE (autrefois en effet, le Président de la République et l’Amiral avaient été étudiants, ensemble, à l’Ecole Maternelle de SAINT-PABU !).

Un des dix huit exemplaires du compte rendu devait être versé au Service de la Marine, et c’est le résumé de ce document de 33 pages (qu’accompagnaient 4annexes plus 6 appendices) que nous aurons le plaisir de faire connaître à nos fidèles lecteurs.

Le 2 mars, donc, conformément aux directives du Vice-Amiral d’Escadre Préfet Maritime, et en exécution des ordres du Lieutenant de Vaisseau TILLAC Commandant « LE LURON », notifiés par l’ordre de circonstance n° 1 (non classifié), on avait pris à bord toutes les dispositions pour que la cérémonie funèbre soit une opération parfaitement réussie et justifie les devises « VALEUR » et « DISCIPLINE » qui, briquées au NAOL, accrochaient sur la plage arrière les timides rayons d’un soleil visiblement bourré de complexes. Le bateau avait été potassé, lavé, essuyé et repassé ! l’équipage avait prie la tenue de sortie.

 

2 – Pinard, le chien du bord, un délicieux corniaud (croisement d’un Basset avec un Dogue de Porémanie) avait été enfermé dans la cambuse : en effet, un coup de téléphone du Cabinet de l’ELYSEE avait informé le Commandant que le représentant du Président de la République était allergique aux chiens : leur odeur déclenchait aussitôt une crise de hoquet insurmontable.

A H – 15, la garde était en place plage arrière.

A H - 1, on vit surgir le long cortège automobile : 15 limousines 8 cylindres décapotées (à cause des grands chapeaux des dames, des hauts-de-forme des personnalités civiles et du chapeau à plumes des deux Préfets, le Maritime et le Terrien).

Le convoi négocia le dernier virage à plus de 30 km à l’heure et, dans un affreux crissement de pneumatiques s’immobilisa le long du quai.

Les personnalités, les délégations, la famille de l’Amiral DU MESNIL, les amis et les représentants de la Grande Presse Régionale prennent place sur la plage arrière. Alors apparaît le fourgon hippomobile, tiré par 4 chevaux pommelés, qui vient se ranger au bas de la coupée. Une corvée du service général embarque la bière tandis que 4 gabiers rendent les honneurs au sifflet.

Sans tarder, le Commandant, d’une voix énergique, crie « larguez partout », « à gauche 30 », « en avant partout ». L’appareil moteur fait entendre un sourd vrombissement. La coque frémit comme si elle était vivante. Des tourbillons creusent furieusement les eaux noires de la Penfeld, et « LE LURON », gouverné d’une main sûre par le quartier-maître de manœuvre BARAGAUCHE, se dirige vers les passes.

L’ambiance est solennelle, recueillie, exaltante. Tous à bord (personnalités, délégations, parents, amis, équipage) ont conscience de participer à une cérémonie très belle, bien dans les traditions de la Marine d’autrefois, une cérémonie que les témoins et leurs descendants évoqueront encore avec émotion plus de cinquante ans après …

La passerelle du « LE LURON » est devenue très encombrée : pour jouir du merveilleux spectacle qu’offre la plus belle rade du monde, toutes les autorités et délégations ont cherché à y prendre place : aussi la densité de la foule évoque t-elle celle du métro parisien à six heures du soir. Et l’Aspirant D’ETAILLE, qui affectionne les statistiques (il vient de Polytechnique), fait remarquer au Bidel qu’il y a au moins dix personnes par mètre carré : et donc, par conséquent, si on entassait toute la population du globe (près de deux milliards d’habitants, avec l’incertitude habituelle sur l’effectif réel des Chinois …) on pourrait les rassembler dans un carré de quatorze kilomètres de côté ; c'est-à-dire que toute l’humanité pourrait tenir dans la rade de Brest.

Mais revenons à nos moutons, et, à propos de moutons, on en voit justement qui apparaissent au sommet des collines couvantes du goulet : la mer se creuse, et le vent force. L’Officier des Equipages BOUT-LINAES, qui est chef de quart, chenal difficilement à travers la marée humaine, et va de temps en temps interroger le baromètre lequel, visiblement, « se casse la gueule ».

 

3 - Pour occuper les esprits, le Commandant indique et commente les points caractéristiques du paysage : clochers remarquables, arbres en boule, récifs sournois, balise historique … il présente le Mingant, le Minou, les Vieux Moines, les Fillettes, les pignons de Keravel …

Le « LE LURON » atteint enfin la zone fixée pour le déroulement de la cérémonie funèbre.
Tous les passagers de marque se rassemblent alors sur la plage arrière où, depuis l’appareillage la garde la monte. Et, dans son cercueil que recouvre le drapeau tricolore, l’Amiral DU MESNIL, bercé par un roulis allant crescendo, repose en son dernier sommeil.

Enfin seul sur la passerelle désertée, l’officier de quart fait un dernier relèvement et rend compte au Commandant « on y est » !

Le Commandant ordonne « garde à vous ». La garde présente les armes. Et tandis que le clairon sonne « aux morts », six solides quartiers-maîtres en tenue de sortie empoignent le cercueil, puis, le faisant glisser sur une planche bien suiffée, le projette à la mer, en direction des abimes marins qui doivent abriter pour toujours la dépouille de l’Amiral.

Mais stupéfaction, désespoir ! vieillesse ennemie ! une fois la mousse dissipée, on aperçoit encore la bière jaune flottant allégrement au lieu de couler aussitôt conformément à l’ordre de circonstance du Préfet Maritime !

Le spectacle est incroyable. Consternées les autorités militaires, civiles et religieuses se concertent. Les Délégations discutent. La famille s’émeut. Les amis se lamentent. Et la bière continue de rouler au gré des lames … et à dériver grâce à un vent de Noroît, force 5, qui ne cesse de forcir.

Il faudrait tout de même faire quelque chose dit le Préfet du Finistère. Oui, il faut prendre une décision dit le Préfet Maritime. « Que peut-on faire » demande le Commandant. « C’est horrible » gémit la veuve éplorée qui s’évanouit en tombant dans les bras de l’Aumonier. A l’extrême arrière, l’œil fixé sur la bière qui dérive, PINARD le corniaud mascotte du « LE LURON » hurle à la mort …

Devant la perplexité des Autorités, et voulant faire preuve de l’initiative que le manuel du Gradé recommande à ses lecteurs, le second-maître charpentier BOUDE-BOIS s’approche de l’officier en second et lui murmure à l’oreille « pardon lieutenant, mais je pourrais peut-être prendre la plate et aller lui percer quelques trous avec un chignolle … ». La suggestion est étonnante, voire peu respectueuse… mais y en a-t-il d’autres ? L’idée remonte donc la voie hiérarchique jusqu’au Préfet Maritime. Après consultation du Préfet du Finistère, du Recteur et du représentant personnel du Président de la République, le Vice-Amiral Préfet Maritime déclare au Commandant : « d’accord, faites le nécessaire pour alourdir la bière afin, qu’en obéissant à la loi d’Archimède et conformément à mon ordre de circonstance, l’Amiral DU MESNIL aille reposer par grand fond. Allez ! et faites vite … !

Le Commandant se retourne vers l’officier en second et lui dit : « allez ! n’y a qu’à mettre de l’eau dans la bière … !

On affale donc le youyou, et le second-maître charpentier, accompagné par deux gabiers, essaye d’y embarquer. Mais « LE LURON » qui a dû stopper pour faciliter l’opération, roule bord sur bord et, à chaque période, la frêle coque de noix (comme dira de manière très originale le correspondant particulier du « REVEIL BIGOUDEN ») menace de s’écraser contre les flancs de l’Escorteur, ou même de se coincer sous la quille de roulis …

 

4 - Après dix minutes d’efforts totalement infructueux, le Commandant, ayant procédé à un rapide calcul mental du type « cout-efficacité », fait arrêter les frais. On hisse donc le youyou.

Et le cercueil, poussé par une forte brise, dérive rapidement vers la côte …

De nouveau, les Autorités tiennent un colloque. Les Délégations rediscutent.

La famille commence à s’énerver. Les amis cherchent des idées. Les correspondants de la grande presse régionale prennent fiévreusement des notes. Et PINARD, le sympathique corniaud du bord continue de hurler à la mort…

L’ambiance est tragique. De toute évidence, il faut retrouver une solution., et rapidement sinon la bière, à la pression des facteurs météorologiques, sera inévitablement drossée contre les récifs, et s’y brisera : comme les marins le savent bien, la route est plutôt mal pavée dance ce coin …

Alors l’enseigne de vaisseau TOURNEAU-BITHE, officier de manœuvre, s’approche de l’officier en second et lui glisse à l’oreille « lieutenant, si je peux suggérer une idée … on pourrait essayer de l’éperonner ; la bière frappée coulerait avant le flot … « aborder » l’Amiral c’est impensable ! et pourtant y a-t’il une autre solution ? la suggestion remonte donc la voie hiérarchique ….

Après avis des diverses autorités civiles et religieuses, le Préfet Maritime dit au Commandant d’une voie blanche : « allez, prenez une route de collision, de manière à frapper la bière … mais je vous en conjure … faites vite… »

Le Commandant se retournant vers l’officier de manœuvre lui ordonne d’une voie ferme : « à l’abordage » !

L’officier de manœuvre prépare son affaire avec soin, plateau de chasse en main, il a évalué le restant de jusant, la dérive de la bière, le rayon de giration du « LE LURON », et tous les autres paramètres indispensables pour exécuter une belle manœuvre dans des conditions particulièrement délicates, car la mer se creuse de plus en plus, et le baromètre descend aussi vite que le niveau de la bière dans le verre d’un marin altéré…

A la barre on a mis le plus fin gabier du bord, c’est un quartier-maître admissible, Yann LE ROUX, un gars d’Ouessant qui se dit le neveu du fameux Commandant LE ROUX, celui qui en 1916 avait perdu les trois voiliers qu’il escortait, mais détruit le perfide sous-marin boche…

« A droite vingt …dix seulement … zéro … comme ça … »

« Avant demi … tu vois la bière, le ROUX ? «

« Pour moi se sera plutôt un coup de « rouch ». Cette déclaration incongrue émane du Président des Anciens Marins de POULLOUEN : il est un peu dur d’oreille et il cru que le maître d’hôtel proposait des rafraîchissements …

La distance décroît rapidement … tous les spectateurs restent silencieux, tandis que, par-dessus leurs têtes le vent de noroît chante dans la mature sa lugubre complainte …La bière disparaît sous l’avant du navire ; chacun guette le choc sourd de l’étrave … mais rien ne se passe …

Alors on voit le veilleur de la plage avant se pencher sur le porte-voix, et son compte-rendu plonge l’assistance dans un noir désespoir : « c’était bien visé, gast ! mais la moustache du yatch, elle a refoulé la bière …

 

5 - A bord, l’émotion est à son comble. La veuve pleure abondement ; ses larmes dissolvent son maquillage et, emportées par le vent, font apparaître sur la carte marine des récifs inconnus des navigateurs. Les Amicalistes commencent à trouver que les tragédies les plus courtes sont les meilleures.

Le Préfet du Finistère est inquiet pour les prochaines élections municipales, le représentant du Président de la République pense que, décidement, l’huissier de l’Elysée avait raison : les marins ne sont pas des gens sérieux ; heureusement qu’on ne compte pas sur eux pour défendre la ligne bleue des Vosges … Le Commandant est effondré, il va certainement être relevé de son commandement ; il lui faudra quitter la Marine et entreprendre une deuxième carrière dans la vie civile.
A l’arrière, PINARD, à le moral à zéro et hurle de plus belle à la mort …

Seuls les représentants de la presse écrite (la seule d’ailleurs à l’époque), sont franchement joyeux : quels beaux récits à faire paraître en page régionale, avec des titres énormes « à la une » : c’est mieux que tous les serpents de mer de correspondants particuliers de la Dépêche de TRAFLAGUENAN, de RECOUVRANCE-SOIR, du SOLEIL D’OUESSANT et du REVEIL DE SEIN, couvrent de notes des mètres carrés de papier, tout en déplorant aigrement que le magnétophone ne sera inventé que dans un demi-siècle.

Et le baromètre continu de descendre comme les actions américaines le fameux soir de 1929.

C’est alors que l’enseigne de vaisseau BOUMART, chef du service artillerie du « LE LURON » s’approche de l’officier en second : « lieutenant, si je peux une suggestion …. peut-être, enfin, que je pourrai moi aussi essayer de mettre de l’eau dans la bière … avec quelques coups bien ajustés sous la flottaison … »

Tirer sur l’Amiral ! c’est tout à fait impossible ! c’est impossible, ce n’est pas possible ! c’est difficilement possible ! … c’est à peine possible …

La suggestion « impossible » remonte la voie hiérarchique, puis à l’issue d’un mystérieux conciliabule au sommet, le Préfet Maritime dit au Commandant : « d’accord, c’est au canon qu’il faut attaquer la bière ! mais FAITES VITE, et sans trop de bruit si possible ! »

Alors le Commandant, se retournant vers l’officier en second : « n’y a qu’à essayer de mettre quelques pruneaux dans la bière … »

Le « LE LURON » a une artillerie impressionnante pour un navire d’aussi modeste tonnage : à l’avant, une pièce de 75mm réchappée de la guerre de 1914 ; à l’arrière un canon de 37mm à tir rapide (3 coups par minute) ; il a aussi deux tubes de 27,2 pour les tirs de salut, et un canon lance-amarre.

L’officier canonnier choisit de mettre en œuvre l’artillerie principale, c’est à dire le vénérable canon de 75mm modèle 1896.

Les canonniers s’affairent aussitôt auprès de la pièce.

On rend l’appel, on balance l’affût tous azimuts, on vérifie les mécanismes … « arme claire » hurle le servant de culasse. L’Aumonier tressaille croyant avoir affaire à un illuminé.

 

- 6 - Pour détourner il dit à la veuve : « oui c’est l’âme claire qu’il avait votre époux, et aussi un cœur généreux … »

Enfin tout est paré et les munitions sont approvisionnées. Le Commandant ayant fait hisser le pavillon de tir, l’officier canonnier crie du haut de la passerelle : « le but est feu l’Amiral. !!! ».

BAOUM ! un coup part :

Hurlements de l’officier canonnier : « cessez le feu ! cessez le feu ! je n’ai pas dit de tirer, je disais que le but était feu l’Amiral !... »

Il reprend donc les ordres de tir réglementaires :

« but vitesse zéro. inclinaison 90 droite. distance 2400 mètres, sur la bière, salve attention … FEU ! ».

Le premier coup « part pour de bon » part … et tombe dans la direction du but : mais il est un peu court : « plus loin 400 ».

Le deuxième coup est un peu long.

Radieux l’officier canonnier s’exclame : « j’ai la fourchette sur l’Amiral … ».

Techniquement , l’expression est juste, mais s’avère fâcheuse sur le plan psychologique : la veuve s’évanouit pour la deuxième fois, on la ramène en luis faisant respirer le tafia de la cambuse.

« plus près 200 ». Le troisième coup achève sa trajectoire par une sorte d’explosion qui projette dans le ciel d’innombrables débris que nul n’ose essayer d’identifier.

Et l’Aumonier, qui avait servi dans l’artillerie coloniale comme Maréchal des Logis, ne peut s’empêcher de murmurer « plein bois » !

L’affaire a été rondement menée et, l’odeur de la poudre aidant, chacun commence à penser qu’en fin de compte cela a été une sacrée ribote … les correspondants de la presse veulent offrir le Champagne …

Tandis que le « LE LURON », mission enfin accomplie, se retourne cap pour cap et fait force de vapeur pour rallier Brest, le Préfet Maritime qui tient table à bord du bâtiment, convie à déjeuner les Autorités, les Présidents des délégations et, bien entendu, la veuve de l’Amiral DU MESNIL.

Au Carré, l’ambiance est lourde ; mer de travers, l’Escorteur roule joyeusement, et les subsistants qui, jusqu’alors avaient bien résisté au mal de mer, commencent à verdir en silence …

Pour occuper la veuve, le Préfet Maritime évoque la personnalité de l’Amiral DU MESNIL …

Enfin le maître d’hôtel paraît avec le premier plat, « Madame, dit le Préfet Maritime, votre mari était un grand cerveau … », à ce moment précis, un coup de roulis déséquilibre le maître d’hôtel, et de son plat fumant jaillit une grosse cervelle qui vient atterrir sur les genoux de la veuve … qui, du coup s’évanouit pour la troisième fois.

Alors, PINARD bondit sur le casse-croute imprévu, et le déguste en connaisseur ………

 

Extrait SHD / Archives - Sous-série GG2 - Fonds privés / Volume 2

 

Remerciements Daniel Malerba

Remerciements Bernard Dulou

Remerciements Photos / Christian de Marguerye

Remerciements à Gilles Jogerst / Généamar pour ses recherches et la mise à disposition de ses données

http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviation-marine/marine-1914-1918/liste_sujet-1.htm

 

 

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