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Joseph Alphonse DESROUSSEAUX
(1789 - 1849)
Né le 8 novembre 1789 à SEDAN (Ardennes) - Décédé le 16 novembre
1849 à MARSEILLE (Bouches-du-Rhône)
Père de Charles Adrien
DESROUSSEAUX
Article de Gilberte Mayard (1) annoté par Jacques-Yves Desrousseaux
:
Parmi la branche sedanaise de la famille Desrousseaux dont j’ai
écrit l’histoire (2), un membre m’intéressait particulièrement parce
qu’il fut marin et que la mer m’a toujours passionnée (actuellement
on trouve un autre Desrousseaux dans la marine qui prend la suite).
Joseph Alphonse (3) naît à Sedan le 8 novembre 1789 et il semblerait
que ce n’est pourtant pas à Sedan, si loin des côtes, qu’il dût
trouver des éléments d’orientation vers cet appel de la mer, sa
vocation toute spontanée n’en fut sans doute que plus impérieuse.
Tout enfant, la Révolution guillotinait son père et ruinait
totalement sa mère. Et ce n’est pas les 60.000 fr que Bonaparte,
alors Premier consul, avait alloués à Jeanne Mathis pour élever les
9 enfants qui lui restaient alors, dont deux filles en bas âge, qui
pouvaient compenser la perte de la fabrique de draps familiale que
la Révolution avait confisquée avec tous les biens du maire
guillotiné. Il fallait donc bien gagner sa vie. Alphonse choisit la
marine de guerre. En 1806, il a alors 17 ans, on le trouve en rade
de l’Ile d’Aix sur le vaisseau « le Magnanime », embarqué pour la
première fois comme novice de deuxième classe. Deux ans après, il a
son premier galon d’aspirant et passe en Méditerranée sur le
vaisseau « le Majestueux ».
Puis il fait campagne lointaine pendant quatre ans, rentre en
France, reçoit plusieurs embarquements successifs sur les côtes
métropolitaines et en 1816, nommé enseigne de vaisseau, repart pour
une campagne aux Indes sur « l’Amphitrite ». On le trouve encore
dans d’autres campagnes lointaines, à Cayenne, puis en Espagne, dans
les mers du sud et enfin au Brésil, après avoir reçu son troisième
galon de lieutenant de vaisseau.
C’est ainsi qu’à Rio de Janeiro, il retrouve son frère Augustin (4),
son aîné de 10 ans qui y avait émigré en 1819 avec sa femme Adélaïde
Gibon (5) et sa fille Lydie née à Sarrelouis le 17 octobre 1805.
Alphonse épouse alors Lydie, sa nièce, le 8 janvier 1831. Ce ne fut
d’ailleurs pas au cours d’une escale mais bien d’un séjour prolongé
car, arrivé au Brésil en 1827, il ne devait le quitter que 4 ans
plus tard, peu après son mariage. Il demande alors à rentrer en
France et tous deux prennent passage sur un navire de commerce « le
Malabar ». Pendant deux ans, il a un poste à terre au port de
Cherbourg, quand on est jeune marié on n’aime pas beaucoup naviguer
au loin. Deux fils lui naissent successivement, de l’aîné je sais
peu de choses (6), quant au second ce fut Adrien né le 28 mars 1833
à Cherbourg qui, plus tard, devait se faire marin comme son père.
Celui-ci maintenant est capitaine de corvette et il reçoit son
premier commandement, étape qui fait toujours date dans une carrière
de marin. On lui confie le Cutter « Passe Partout » qui part faire
campagne en Islande. Revenu en 1839, il est à nouveau nommé à terre
à Cherbourg où il reçoit la direction des mouvements du port. C’est
là que naît sa fille Aline (7) le 23 septembre 1839. Trois ans plus
tard il repart à nouveau sur la gabarre « la Loire » pour
Saint-Pierre et Miquelon. Il y est nommé non pas gouverneur mais
commandant du port (8), ce qui n’est pas tout à fait pareil. En
1845, il rentre en France, toujours à Cherbourg et il est fait
officier de la Légion d’honneur le 14 août de la même année. Deux
ans après, il est admis à la retraite le 24 novembre 1847 mais est
nommé capitaine de frégate le 3 mai 1848.
C’est alors qu’il part à Marseille exercer les fonctions non pas de
commandant de port, mais de capitaine de port (9). Là aussi, il y a
nuance. Le commandant de port était et est toujours un officier
d’active, tandis que les fonctions de capitaine de port sont
confiées à un civil et consistent en la surveillance des plans
d’eau, la direction des accostages et des signaux avec un droit de
regard sur le pilotage. Alphonse n’exerce pas longtemps à Marseille
car le choléra éclate et fait de nombreuses victimes ; il y succombe
le 17 novembre 1849 sans avoir eu le temps de profiter de sa
retraite et de vivre un peu auprès de sa famille.
Il n’avait que 60 ans et laissait quatre enfants à élever à sa veuve
Lydie qui va se trouver dans une situation difficile. Son père était
mort au Brésil sans doute plus ou moins ruiné ; son mari ne lui
avait sûrement rien laissé car n’ayant déjà rien hérité de son père,
le maire guillotiné de Sedan, il avait eu la malchance
supplémentaire de perdre, à la seconde révolution, celle de 1848,
les économies laborieusement réalisées au cours de sa vie d’officier
de marine. C’est Lydie qui le spécifie elle-même dans une lettre que
j’ai été heureuse de pouvoir découvrir. Elle insiste sur la
précarité navrante de sa situation n’ayant, dit-elle, qu’une pension
de 500 francs pour élever ses quatre enfants, ce qui paraît bien
peu, même au cours de la monnaie au 19ème siècle.
Deux mois après son veuvage, elle quitte Marseille et va s’établir
en Picardie chez la sœur de son mari, Louise, née à Sedan en 1791,
morte à Quévauvillers le 12 (10) septembre 1862, veuve de François
Percheval. Elle s’arrête alors à Paris où elle fait des démarches
pour faire entrer sa fille Aline à la maison d’éducation de la
Légion d’honneur de Saint-Denis. Les filles d’officiers décorés
pouvaient, en effet, être admises gratuitement dans ce pensionnat et
y être élevées entièrement à la charge de l’Etat. La petite Aline a
10 ans, sa mère multiplie les lettres et les démarches pour la faire
admettre comme pensionnaire, pour soulager sa lourde charge. Elle
écrit au vice-chancelier de la Légion d’honneur et elle spécifie
qu’elle ne peut demeurer longuement à Paris, faute de ressources ;
elle écrit à l’amiral, au ministre, au général Gourgaud,
représentant du peuple et fils du maréchal d’Empire, fidèle
compagnon de Napoléon. Le général la recommande et appuie chaudement
sa demande. Elle lui était apparentée, bien qu’assez lointainement,
car le général Gourgaud avait épousé en 1822 Françoise Roederer,
fille du comte Roederer dont la sœur Anne fut la belle-mère de
Joseph Auguste Desrousseaux, le verrier de Monthermé. Lydie obtient
facilement l’admission de sa fille Aline à Saint-Denis tant à cause
de ses recommandations que des états de service de son défunt mari.
Dans une lettre du vice-amiral, président du conseil d’amirauté, on
relève ces éloges : « le capitaine de frégate Desrousseaux, officier
très intelligent et positif, a servi 43 ans et longtemps avec moi et
toujours avec la plus grande distinction ». Il donne un avis
favorable à l’admission d’Aline à Saint-Denis précisant que madame
veuve Desrousseaux mérite d’être aidée pour élever ses deux filles
encore très jeunes alors que ses deux fils aînés ne peuvent rien
pour elle, l’un étant encore à Navale et l’autre sans position.
De ce fils, le plus âgé, devait plus tard descendre Laurent
Desrousseaux (11) qui fut peintre et acquit ensuite une certaine
notoriété vers 1880. L’autre fils, Adrien, était donc entré à Navale
ayant hérité le goût de la marine. Ce devait être un sujet brillant
car, né le 28 mars 1833, il sort de l’école Navale de Brest le 1er
août 1850, il avait donc 17 ans ; comme il faut faire deux ans
d’école, il avait donc dû y être reçu à 15 ans, le fait n’est pas
courant et dénote une exceptionnelle intelligence.
Sa carrière devait donc s’annoncer magnifique. Il navigue sur
plusieurs bâtiments, prend part à la guerre de Crimée en 1854, fait
campagne lointaine en Océanie puis au Brésil et, à la fin de 1862,
il est embarqué sur la frégate « la Normandie » comme lieutenant de
vaisseau. Il fait alors partie de l’expédition au Mexique de
Napoléon III, malheureuse aventure qui se termine lamentablement et
nous coûte bien des vies humaines. Il débarque à Vera Cruz au début
de janvier avec le corps expéditionnaire du contre-amiral Jurieu de
la Gravière. Le « climat dévorant des terres chaudes » valut au
cimetière de Vera Cruz d’être qualifié de « jardin d’acclimatation
des Français », décimés par le fameux « vomito negro » de triste
mémoire. Adrien tombe à son tour très gravement malade. On le
transporte à La Havane à la maison de santé Sainte-Mathilde où il
mourut le 3 janvier 1863.
Un mois avant son décès, sur son lit de douleur, il écrivait cette
émouvante lettre : « Amiral, permettez-moi de vous adresser de mon
lit de mort la demande ci-jointe, adressée à son Excellence Monsieur
le Ministre de la Marine, en faveur de ma jeune sœur, mademoiselle
Aline Desrousseaux, et de ma mère. Ma mort va les laisser toutes
deux sans ressources puisque jusqu’ici elles n’avaient vécu que des
délégations de solde que je leur faisais et de la pension de veuve
de ma mère. Je ne doute pas, Amiral, que vous prendrez ma demande en
considération, et je vous supplie de vouloir bien l’appuyer de tout
votre crédit près de son Excellence. Ce sera une grande consolation
pour moi de penser, en mourant, que ma mort même pourra être utile à
ma famille. Je suis, Amiral, avec mon profond respect, votre très
obéissant serviteur. Le lieutenant de vaisseau de la Normandie,
Adrien Desrousseaux, 5 décembre 1862 ».
Il n’avait pas encore 30 ans !
Annotations
1) Annales sedanaises d’histoire et d’archéologie, n° 32, 2ème
trimestre 1957.
2) « La verrerie de Monthermé », par G. Mayard (Etudes Ardennaises,
1958/1960).
3) Huitième enfant de Louis Georges Desrousseaux.
4) En fait Georges Philippe Auguste, né à Sedan le 11 juin 1779.
5) En fait Gibou.
6) C’est lors du voyage de retour en France que l’aîné naît
prématurément à bord (note de J. Desrousseaux).
7) Il s’agirait d’Alice, non d’Aline ; elle serait née en 1835 (et
non 1839 comme l’indique G. Mayard), morte célibataire à Pau en 1869
(notes de J. Desrousseaux).
8) Un document du 8 juillet 1843 donne Alphonse « commandant de la
colonie de Saint-Pierre et Miquelon ».
9) L’acte de son décès le 17 novembre 1849 porte « commandant du
port de Marseille ».
10) Ou le 17 d’après un papier de famille.
11) C’est inexact (voir tableau ci-dessous) ; Henri
Laurent-Desrousseaux descend en réalité de Lydie, dernière fille de
Joseph Alphonse et Lydie Desrousseaux. Les œuvres d’Henri
Laurent-Desrousseaux, artiste peintre, ont été récompensées à
plusieurs reprises de 1885 à 1900. Elles sont actuellement cotées
dans les catalogues spécialisés (Akoun), et on les trouve sur le
marché.

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