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Officiers et anciens élèves -
Henry Louis François
BIGOT
(1925 - 2005)
Né le 1er janvier 1925
- Décédé en 2005
Rattaché à la promotion
Ecole Navale 1943 AFN
Enseigne de vaisseau de
2e classe en 1945
Enseigne de vaisseau de
1ère classe en 1946
Lieutenant de vaisseau
en 1952
Capitaine de corvette
en 1961
Capitaine de frégate le
1er août 1967
Capitaine de vaisseau
(H)
Complément
Elève en préparation
Navale, HAICAULT de la REGOUTAIS, Christian d’ARAMON tous deux
candidats à Saint-Cyr sont arrêtés le 21 février 1943 en gare de
Cambo.
Il parvient à
s’échapper de la gendarmerie de Saint-Jean-Pied-de-Port.
Ses deux compagnons
sont incarcérés à Bordeaux et parviennent à s’échapper en sautant en
marche du train qui doit les conduire en Allemagne.
Ilpasse les Pyrénées,
est interné à la prison de Pampelune pendant 87 jours.
Finalement il rejoint
Casablanca fin mai 1943. Il intègre l’école navale.
Source : Résumé d’après
le livre de Philippe Lacarrière « A travers les barreaux, Récits
d’évasion de Résistants » paru aux « Éditions LBM Little Big Man »
en 2005
Témoignage / Extrait
site internet -
Lien web
Témoignage du Capitaine
de Vaisseau Henry Bigot
En février 1960 le
Croiseur COLBERT, qui portait la marque de l’Amiral CABANIER
effectuait des manœuvres en Méditerranée. L’escadre de Méditerranée
devait également faire une visite aux îles Canaries. Le COLBERT
faisait donc route vers Las Palmas et devait se présenter à 08h00,
comme c’est la règle, le 29 février 1960.
Dans la nuit
précédente, nous avions reçu un message nous informant du
tremblement de terre qui s’était produit à 23h30 à Agadir. Avant
d’entrer à LAS PALMAS, l’amiral avait ordonné au reste de l’escadre
de rester en grand-rade et de mouiller en attendant les instructions
ultérieures. Dès le COLBERT accosté, l’Amiral partit faire ses
visites officielles, qui ne furent pas rendues, du reste. Au
contraire, à son retour à bord, l’amiral donna l’ordre
d’appareillage. Le Capitaine de Vaisseau SALMON, Commandant du
COLBERT, appareilla en arrière, s’évita et sortit des passes.
L’escadre avait reçu
l’ordre de rallier le COLBERT et de faire route vers AGADIR, vitesse
prescrite 30 noeuds. Le passage de toute l’escadre à cette vitesse,
entre l’île de FUERTAVENTURA et l’île de LANZAROTE, sans être un
exploit, était quand même assez spectaculaire. Nous sommes arrivés
au mouillage devant AGADIR vers 23h00.
L’Etat-Major, pendant
la traversée, avait rédigé les ordres nécessaires pour constituer,
avec tous les navires de l’escadre, un corps de débarquement assez
important. Il se trouve que j’étais à l’époque le Lieutenant de
Vaisseau, officier fusilier du COLBERT, fusilier d’escadre, et j’ai
été naturellement désigné pour commander ce corps de débarquement
qui finalement était à l’effectif d’environ 500 hommes, c’est à dire
un petit bataillon.
Nous fumes transportés
à terre grâce aux embarcations du bord, le lendemain au lever au
jour, avec un peu de matériel: des tentes, des couvertures, des
tables et des chaises. Un Etat Major réduit avait aussi été installé
à terre avec des moyens de fortune et des postes de radio. Il était
sous les ordres du Capitaine de Frégate de JOYBERT, futur Chef
d’Etat Major de la Marine. Il avait pour mission de commander et de
coordonner les éléments français et étrangers qui pouvaient être mis
à terre. Une antenne médicale avait également été organisée à terre
avec des médecins et des infirmiers prélevés sur les différents
navires de l’escadre.
Nous sommes restés 6
jours, si ma mémoire est bonne, à travailler dans les décombres pour
en extraire les vivants, les blessés et les morts. Au bout de trois
jours l’odeur était devenue épouvantable car le soleil marocain
n’arrangeait pas les choses. Naturellement il y avait des maisons
privées, des magasins éventrés, des garages et des voitures: toutes
sortes de choses qui étaient tentantes et accessibles à tous. Pour
éviter les pillages, j’avais ordonné de faire des patrouilles à pied
ou en voitures réquisitionnées, phares allumés bien sûr, dès la
tombée de la nuit. Tous les groupes électrogènes trouvés avaient été
mis en service par nos marins de façon à pouvoir continuer a
travailler la nuit. Un couvre-feu avait été décidé et les
patrouilles avaient ordre de tirer à vue, sans sommation. De sorte
qu’on n’a pas eu beaucoup de pillards.
Grâce à nos médecins et
à nos marins beaucoup de blessés ont pu être sauvés, souvent dans
des conditions dramatiques. Pour pouvoir dégager certains blessés,
pris sous des blocs de pierre, il fallut que nos médecins fassent
des amputations sur place, avec une anesthésie locale. Mais les
blessés ont vécu. Quand on avait des cas graves, on envoyait les
blessés, soit a l’infirmerie de la BAN AGADIR, soit sur les grands
bâtiments qui disposaient d’un bloc opératoire et de chirurgiens.
Comme les immeubles à
étages, s’étaient effondrés, un certain nombre de gens ont tenté de
sauter par les fenêtres mais les étages étaient constitués de dalles
de béton qui se sont empilées les unes sur les autres et ces pauvres
gens sont morts pendus, les mains coincées entre deux dalles de
béton. Il fallut leur couper les poignets pour les sortir de là. Il
y avait tellement de cadavres qu’il fut nécessaire de faire des
tranchées au bulldozer pour y jeter les cadavres transportés dans
des GMC militaires. En somme ce fut une tâche nécessaire, utile,
mais assez pénible.
Il faut rendre hommage
à la BAN AGADIR, car une grande partie des rescapés blessés ont été
ramassés par des marins de la base qui furent les premiers à
intervenir. Les chirurgiens de la BAN ont opéré sans discontinuer
pendant tous ces jours affreux. Tout ce qu’il y avait en ville comme
personnel de santé civil, avait, bien sur, été sollicité pour aider.
Il faut aussi noter que
le porte-avions Hollandais KAREL DORMAN, informé de la catastrophe
nous rallia sur rade et mit à terre un détachement important, et
enfin que des petits bâtiments de la marine marocaine vinrent
également prêter main forte. Par ailleurs les Forces Armées Royales
marocaines avaient envoyé de Casablanca par la route, une unité du
Génie avec des engins et des groupes électrogènes.
Le Prince Héritier,
futur HASSAN Il, était venu sur place assister aux opérations, et
c’est lui qui a pris la décision d’arrêter les travaux en raison des
risques d’épidémie.
Ce qui restait de la
ville fut isolé, interdit d’accès pendant des mois, jusqu’à ce que
le gouvernement marocain autorise la reconstruction. Naturellement
les années ont passé et les souvenirs s’estompent, mais c’est un
témoignage qui malgré des lacunes ou des inexactitudes involontaires
sera peut être de quelque intérêt pour les jeunes générations.
Capitaine de Vaisseau
(R) Henry BIGOT
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